EUROPA PARLAMENTET PARLAMENTO
EUROPEO EUROPEES
PARLEMENT
EUROPAISCHES
PARLAMENT PARLEMENT
EUROPEEN PARLAMENTO
EUROPEU
EYPWPAIKO KOINOBOULIO PARLAMENTO
EUROPEO EUROOPAN
PARLAMENTTI
EUROPEAN PARLIAMENT EUROPAPARLAMENTET
Comision
De Libertades y Derechos de los
Ciudadanos, Justicia y Asuntos Interiores
El Presidente
Monsieur Giuseppe GARGANI
Prsident de la commission juridique et du
march intrieur
ASP 09E206 -LOW T12036
Monsieur le
prsident et cher col1gue,
Lors de sa runion du 21 octobre 2003 Strasbourg, la commission que
j"ai l"honneur de prsider a examin la Directive 2003/861CE
(Rcemment publie JO L 251/12 du 03.10.2003) en matire de droit au
regroupement familia1, notamment la lumire des principes de protection des
droits fondamentaux.
Lors du dbat, nous avons pu prendre connaissance des observations prsentes par le Service Juridique (dont vous avez reu copie) .ainsi que des observations mises par le professeur Henri Labayle Mme Boumdienne-Thiery, rapporteur pour le rapport sur le respect des droits fondamentaux au sein de l'Union europenne en 2003.
Le souci de la commission tait celui de vrifier si la Directive en
question respecte le principe du respect de la vie prive et de la famille, tel
que dfini par I'article 8 de la Convention europenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des liberts fondamentales (CEDH) et par lĠarticle 7 de la Charte
des droits fondamentaux de l'Union europenne. Or, tant le Service Juridique
que le Professeur Labayle ont attir notre attention sur la lgitimit douteuse
de la facult accorde aux Etats membres de prvoir un test d'intgration pour
les enfants mineurs de plus de douze ans (Art. 4, par. 1 dernier
alina Ç LorsquĠun enfant a plus de 12 ans et arrive indpendamment du
reste de sa famille, lÔEtat membre peut, avant dĠautoriser son entre et son
sjour au titre de la prsente directive, examiner sĠil satisfait un critre
dĠintgration prvu par sa lgislation existante la date de la mise en oeuvre
de la prsente directive È. Selon le considrant 12, une pareille limitation se justifierait pour
Ç ...tenir compte de la facult dĠintgration des enfants ds le plus
jeune ge et garantit quĠils acquirent lĠducation et les connaissances
linguistiques ncessaires lĠcole. È) une telle cause de drogation ne figurant pas
parmi les exceptions admises par 1'article 8 de la CEDH.
Pour sa part, le Professeur Labayle a aussi soulev des rserves encore
plus fondamentales sur le texte en question considrant en particulier que
Ç ...certaines modalits d'exercice du regroupement familial paraissent
disproportionnes au regard du rapport d'quilibre entre les intrts en
prsence, qui est exig par la jurisprudence de la Cour [de Strasbourg}. Ces
modalits sont principalement celles prvues par les articles 5 ¤4 (dlai de 9
mois pour rpondre susceptible d'tre exceptionnellement prorog). 8 ¤1
(exigence d'un sjour lgal de 2 ans au maximum) et ¤2 (drogation allant
jusqu' trois ans), 16 (causes de cessation du droit mener une vie familiale
telle que ¤I b et c) ".
Aprs avoir considr tous ces lments et aprs un bref dbat., les
membres de la commission parlementaire se sont exprims en faveur dĠun recours
du Parlement au titre de lĠarticle 230, par. 2 du TCE, afin dĠobtenir
lĠannulation des dispositions de la directive du Conseil 2003/86/CE qui portent
atteinte au respect de la vie prive et de la famille, protge par lĠart. 8 de
la Convention Europenne de sauvegarde des droits de lĠHomme et des liberts
fondamentales (CEDH) et par lĠart. 7 de la Chartre des Droits fondamentaux de
lĠUnion Europenne.
Eu gard lĠarticle 91 du Rglement du Parlement, je vous serais
reconnaissant si vous pouviez inscrire ce point lĠordre du jour de votre
commission sachant que le dlai de la procdure choue le 27 dcembre 2003.
Je vous en remercie dĠavance et vous prie de bien vouloir me tenir inform
de la suite que vous comptez donner cette demande.
Je vous dĠagrer Monsieur le Prsident, lĠexpression de ma haute
considration.
Jorge Salvador Hernndez Mollar
Copie : M.
Pat COX, Prsident du Parlement europen
M. Gregorio GARZON CLARIANA, Service Juridique
M. Harry DUINTJER. TEBBENS, Service Juridique
ANNEXE
La directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial et le droit mener une vie
familiale normale.
Henri Labayle
1. Le droit mener une vie familiale normale est aujourdĠhui garanti la
fois par lĠarticle 8 de la Convention europenne des droits de lĠHomme,
l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux et de nombreuses rgles
nationales de nature constitutionnelle. A ce titre, toute entreprise de
rglementation du droit mener une vie familiale normale doit donc tre
conforme ces normes de valeur suprieure et prendre en compte les problmes invitables
de transposition venir en cas de conflit avec des rgles nationales
contraires.
Tel est exactement lĠobjet de la directive 2003/86/CE puisque son article 1
dclare que Ç le but de la prsente directive est de fixer les
conditions dans lesquelles est exerc le droit au regroupement familial dont
disposent les ressortissants de pays tiers rsidants lgalement sur le
territoire des Etats membres È. Son objet consiste donc bien
rglementer lĠexercice dĠun droit fondamental et le simple rappel des
obligations internationales pesant sur lĠUnion et les Etats membres ne suffit
pas le garantir. Cette facult
de rglementation offerte lĠUnion doit tre examine au regard des normes de
rfrences mentionnes plus haut, auxquelles on peut galement ajouter
lĠarticle 24 de la Chartre qui dclare dans son paragraphe 3 que Ç tout
enfant a le droit dĠentretenir rgulirement des relations personnelles et des
contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire son
intrt È.
2. Une jurisprudence communautaire tablie confirme depuis longtemps cette
soumission de lĠUnion aux obligations dduites de lĠarticle 8 de la CEDH et la
lgalit de la directive 2003/86/CE doit donc tre value leur regard. La Cour rappelle en effet systmatiquement
la ncessit Ç de tenir compte du droit au respect de la vie familiale
au sens de lĠarticle 8 de la Convention europenne de sauvegarde des droits de
lĠHomme et des liberts fondamentales, signe Rome le 4 Novembre 1950
(ci-aprs la Ç CEDH È). Ce droit fait partie des droits fondamentaux
qui, selon la jurisprudence constante de la Cour, par ailleurs raffirme par
le prambule de lĠActe unique europen et par lĠarticle 6, par. 2, UE, sont
protgs dans lĠordre juridique communautaire È (CJCE, 23 septembre 2003, Akrich, C-109/01, ¤
58 ; voir galement pour une application analogue : CJCE, 27
septembre 2003, Queen c. Secretary of State for the Home Department, c-235/99,
¤ 90 ; CJCE, 11 juillet 2002,
Carpenter, C-60/00, ¤ 42 ;
CJCE, 20 mai 2003, aff. jointes, C-465/00, c-138/01, c-139/01, ¤¤ 70 et ss.). Elle nĠhsite pas se faire elle-mme
le juge de la correcte application de lĠarticle 8 de la CEDH comme les affaires
cites plus haut en sont des illustrations remarquables et novatrices (voir les
affaires jjtes prcites et notamment le paragraphe 82 o la Cour le pose en
principe dĠinterprtation.
LĠapplication de ce raisonnement au contentieux de la lgalit de la
directive 2003/86/CE est donc indiscutable.
3. Toute apprciation de la lgalit de la directive 2003/86/CE doit
sĠeffectuer au regard de la jurisprudence de la CEDH relative au regroupement
familial et lĠarticle 8 de la CEDH.
Celle-ci conduit mettre des doutes srieux quant la lgalit de la
directive 2003/86/CE. Le point de
dpart de lĠapprciation tient dans lĠaffirmation de la CEDH selon laquelle
Ç pour un parent et son enfant, tre ensemble reprsente un lment
fondamental de la vie familiale È (CEDH, 22 juin 1989, Eriksonn, A. 156, ¤ 58),
quĠil faut transposer la matire du regroupement familial.
Il nĠexiste pas de Ç droits au regroupement familial È formul en
tant que tel dans la lettre o lĠinterprtation de la CEDH et la Cour
europenne, dont la CJCE a repris la formule, affirme que les Etats demeurent
souverains dans lĠexercice de leur rglementation quant lĠaccs ou la sortie
de leur territoire, sous rserve dĠun juste quilibre avec le respect des
droits fondamentaux et notamment le droit mener une vie familiale
normale. A ce titre, la
jurisprudence de la CEDH a connu des volutions notables.
Dans un premier temps, la Cour europenne a clairement signifi que le
respect de lĠarticle 8 nĠemportait pas pour les trangers Ç le droit de
choisir le lieu le plus appropri pour dvelopper une vie familiale È (CEDH, 28 novembre 1986, Ahmut c. Pays
Bas) et ce alors mme que les faits de lĠespce paraissaient justifier la
dlivrance dĠun titre de sjour pour des raisons humanitaires (CEDH, 18 fvrier
1996, Gl c. Suisse). La raison la
plus vidente de cette position semble tre quĠil ne saurait exister une
Ç obligation de respecter le choix... de leur domicile commun È par des trangers (CEDH, 28 mai 1985,
Abdulaziz, A/85, ¤ 68).
Cette position a connu une inflexion remarquable en 2001 avec la
jurisprudence Sen rendue lĠunanimit 8CEDH, 21 dcembre 2001, Sen c. Pays
Bas) o la juridiction europenne sĠest interroge sur la lgalit du refus
national de laisser une enfant de 12 ans rejoindre ses parents rgulirement
installs aux Pay Bas pour sanctionner finalement ce refus.
Sans aller jusquĠ poser le principe que lĠarticle 8 garantirait le droit
aux trangers au regroupement familial et, en consquence, analyser le refus
dĠun titre de sjour comme une ingrence Ç active È dans le droit au
respect de la vie familiale, la Cour a prfr se placer sur le terrain de la
non-excution dĠune obligation positive par lĠtat dfendeur : celui-ci
avait-il lĠobligation dĠautoriser lĠenfant rsider avec ses parents, Ç permettant
ainsi aux intresss de maintenir et de dvelopper une vie familiale sur leur
territoire È (¤
32) ? En indiquant quĠil ne faut pas Ç analyser la question du
seul point de vue de lĠimmigration, en comparant cette situation avec celle de
personnes qui nĠont cr des liens familiaux quĠune fois tablis dans leur pays
hte È (¤ 37), la
Cour oblige donc lĠtat Ç mnager un juste quilibre entre les
intrts des requrants, dĠune part, et son propre intrt contrler
lĠimmigration, dĠautre part È (¤ 41) et ne pas placer les trangers devant le choix de renoncer leur
installation dans lĠtat partie ou de renoncer leur vie familiale (¤ 41).
Si lĠadmission sur le territoire est le moyen le plus adquat de maintenir
et de dvelopper une via familiale, il existe donc une obligation de procder
lĠadmission des fins de regroupement familial car il sĠagit l du seul moyen
de prserver un droit fondamental. La Cour prend donc explicitement en
considration Ç lĠge des enfants concerns, leur situation dans le
pays dĠorigine et leur degr de dpendance par rapport aux parents È (¤ 37). CĠest sur ces bases relativement
claires quĠil faut valuer la lgalit de la directive 2003/86/CE.
4. La dfinition par la directive 2003/86/CE des conditions dans lesquelles
le regroupement familial est susceptible de sĠappliquer constitue sans aucun
doute une ingrence dans lĠexercice dĠun droit fondamental : Ç pour
un parent et son enfant, tre ensemble reprsente un lment fondamental de la
vie familiale, mme si la relation entre les parents sĠest rompue, et que des
mesures internes qui les e empchent constituent une ingrence dans le droit
protg par lĠarticle 8 de la Convention È (CEDH, 13 juillet 2000, Elsholz c. Allemagne, ¤
43). Quelles sont donc les dispositions les plus discutables de ce point de
vue ?
Sur le fond, lĠarticle 4 pose indniablement des problmes majeurs,
notamment dans les deux derniers alinas du paragraphe 1 qui permettent des
ingrences graves dans lĠexercice du droit mener une vie familiale normale.
- En premier lieu, la dfinition de la vie familiale donne par la
directive ne parat pas en contradiction flagrante avec le doit de la CEDH, sur
le terrain de la polygamie (CEDH, dcision 29 juin 1992, Bibi c. Royaume Uni,
nĦ 19628/92), comme sur celui des relations familiales hors des liens du
mariage (CEDH, dcision 10 fvrier 1990, B c. Royaume Uni). Elle pose nanmoins
problme au regard des dfinitions de la vie familiale donne dans des
instruments concernant dĠautres catgories et ressortissants dĠtats tiers,
quĠil sĠagisse des conjoints de ressortissants communautaires ou de la
dfinition donne par le rglement de Dublin II.
- En second lieu, il est permis de contester la discrimination opre par
le texte au dtriment des titulaires dĠune protection temporaire ou subsidiaire
(article 3 ¤ 2 b et c) et de penser quĠune telle discrimination, dĠune part,
avec le droit commun des trangers et, dĠautre part, entre les diffrentes
catgories de rfugis, nĠa aucune justification objective.
- En revanche, les deux derniers paragraphes de son article 4 posent des
problmes plus vidents. LĠexigence du clibat de lĠenfant dsireux dĠun
regroupement introduit une discrimination douteuse entre les mineurs, dont la
justification politique serait la lutte contre les mariages forcs.
De la mme faon, une limite dĠge de 12 annes permettrait de soumettre le
demandeur un test dĠintgration au motif quĠil pntrerait aprs sa famille.
En lĠtat actuel de la jurisprudence europenne, la Cour nĠa accept
dĠatteintes justifies lĠarticle 8 que parce que la sparation avait t
volontairement le choix de la famille ou que lĠenfant avait la possibilit de
mener sa vie familiale avec dĠautres frres dans son pays dĠorigine. Les
hypothses voques par la directive ne sĠapparentent en rien ces exceptions
et visent en ralit empcher le droit au regroupement car ils dtournent les
enseignements de la jurisprudence : lorsque lĠintgration a t vise par
celle-ci, cĠtait en ralit pour constater que le jeune ge de lĠenfant
faciliterait le regroupement et non pas pour en faire un critre dĠexclusion.
- Le paragraphe 3 fait figurer comme une simple facult la possibilit
dĠautoriser le regroupement Ç dĠenfants majeurs objectivement dans
lĠincapacit de subvenir leurs propres besoins en raison de leur tat de
sant È. Cette
option est galement susceptible de poser problme car cette facult peut
parfois tre transforme en obligation sur le terrain de lĠarticle 3 CEDH.
- Techniquement, certaines modalits dĠexercice du regroupement familial
paraissent disproportionnes au regard du rapport dĠquilibre entre les
intrts en prsence qui est exig par la jurisprudence de la Cour. Ces
modalits sont principalement celles prvues par les articles 5 ¤ 4 (dlai de 9
mois pour rpondre susceptible dĠtre exceptionnellement prorog), 8 ¤ 1
(exigence dĠun sjour lgal de 2 ans maximum) et ¤ 2 (drogation allant jusquĠ
trois ans), 16 (causes de cessation du droit mener une vie familiale telle
que ¤ 1 b et c). A nĠen pas douter, la jurisprudence de la Cour europenne ne
parat pas compatible avec de telles ingrences et la comptence
discrtionnaire laisse aux tats membres pour y avoir recours pose problme
car elle excde largement le seuil des restrictions qui seraient admissibles.
Enfin, la dfinition du droit au recours prvu par lĠarticle 18 ne parat
pas adquate au regard des exigences de la protection juridictionnelle dĠun
droit fondamental la fois parce quĠil nĠy a pas dĠobligation formelle de
juridictionnalisation (Ç veillent È) et en raison dĠun large renvoi
au droit national (voir CEDH, 20 juin 2002, Al Nashif c. Bulgarie, notamment ¤¤
119 et s.).