Résumé des observations du HCR sur la proposition, présentée par la Commission, dune Directive du Conseil relative à des normes minimales pour loctroi dune
protection temporaire en cas dafflux massif
(COM(2000) 303, 24 mai 2000)
I. Introduction
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés se félicite de la proposition, présentée par la Commission, dun projet de directive sur loctroi de la protection temporaire en cas dafflux massif. Ce texte, qui aborde la question dans son ensemble, constitue un socle solide pour élaborer une approche européenne commune en matière de protection temporaire. Le HCR estime que les dispositions de cette proposition sont généralement en accord avec les principes internationalement reconnus et inscrits dans les Conclusions de son Comité exécutif (COMEX) et avec les normes de traitement préconisées dans dautres documents du HCR.
Les commentaires détaillés du HCR sur la proposition de la Commission sont joints en annexe. Ce résumé a pour objectif de souligner les éléments de la Proposition de la Commission que le HCR considère comme fondamentaux et de résumer ses propositions damendement.
Le HCR salue limportance accordée par la Commission au caractère exceptionnel du recours à la protection temporaire, présentée comme une réponse pragmatique à des situations particulières dafflux massif qui pourraient provoquer lengorgement des systèmes dasile nationaux. Comme la Commission le souligne, la protection temporaire ne doit pas être utilisée par les Etats comme un moyen de se soustraire à leurs obligations au titre de la Convention de 1951.
Le HCR souscrit à la proposition dinclure un mécanisme de partage de la charge dans toute approche européenne sur la protection temporaire. Si un tel dispositif nétait pas adopté, quil sagisse dune répartition financière ou de la répartition physique des personnes la capacité dabsorption et daccueil des Etats membres les plus touchés par les arrivées massives risquerait dêtre soumise à de trop fortes pressions. Ce phénomène pourrait alors menacer le fonctionnement équitable et efficace de toute future coordination européenne en matière de protection temporaire.
Le HCR approuve la Commission davoir choisi la directive comme instrument juridique, ce qui permet détablir un certain nombre de normes minimales tout en laissant aux autorités nationales le choix de la forme et des pratiques juridiques les plus appropriées à leur mise uvre. Ceci nexclut pas un traitement plus favorable à léchelon national (Article 3 (5)) et laisse en létat les régimes de protection temporaire adoptés antérieurement à létablissement dun régime européen (Article 3 (4)) .
Le HCR se félicite des diverses références à la nécessité de consulter et dinformer le HCR tant au moment de létablissement, de la mise en uvre et de la cessation de la protection temporaire que pour lélaboration dun mécanisme de partage de la charge.
II. Eléments fondamentaux de la proposition de la Commission
Le HCR considère que certains des éléments contenus dans la proposition de la Commission sont fondamentaux et doivent être pris en compte dans toute directive adoptée par le Conseil :
- La réaffirmation de la suprématie de la Convention de 1951 et de son protocole de 1967, ces textes constituant le fondement même du traitement à appliquer aux réfugiés, et la reconnaissance du fait que beaucoup des bénéficiaires de la protection temporaire sont des réfugiés au sens de la Convention de 1951 ;
- Létablissement dun lien clair avec le régime de protection de la Convention de 1951 : Au terme de larticle 3 (1), la protection temporaire ne préjuge pas de la reconnaissance du statut de réfugié au titre de la Convention de 1951, et selon larticle 16, les bénéficiaires de la protection temporaire doivent se voir garantir laccès à la procédure dasile, au plus tard à lexpiration du régime de protection temporaire ;
- Un ensemble très large de normes de traitement à appliquer aux bénéficiaires de la protection temporaire : Les articles 8 à 15 définissent les obligations de lEtat envers les bénéficiaires, y compris le droit à lunité de la famille, le respect des droits sociaux, économiques et culturels tels que le droit au travail, sans oublier les cas présentant des besoins particuliers, notamment les enfants isolés. Le degré des obligations faites aux Etats repose, à juste titre, sur lidée que beaucoup des personnes placées sous protection temporaire peuvent satisfaire aux critères de la Convention de 1951 et que, par conséquent, leurs droits et prestations sociales doivent se rapprocher au plus près de ceux des réfugiés reconnus à ce titre ;
- Une durée limitée du régime de protection temporaire : larticle 4 stipule quelle ne peut excéder une année, renouvelable deux fois six mois, soit une période maximale de deux ans. Cette durée relativement courte permet lexamen individuel dune demande dasile dans un délai raisonnable et préserve la nature temporaire du régime ;
- La solidarité dans laccueil et le partage de la charge : les articles 24 à 26 reconnaissent le lien existant entre protection temporaire et solidarité dans laccueil, lien reconnu dans plusieurs conclusions du COMEX. Ils stipulent également quaucun transfert des bénéficiaires ne peut se faire au titre du partage de la charge sans le consentement des intéressés ;
- Retour et diverses mesures à prendre après la cessation du régime de protection temporaire : les articles 19 à 23 donnent préférence au retour volontaire, prévoient les voyages exploratoires, la prolongation de la protection temporaire pour raisons humanitaires et la possibilité daccorder lasile à titre permanent à certaines catégories de personnes qui ne peuvent pas rentrer dans leur pays, ou dorganiser la réinstallation dans un pays tiers ;
- Le rôle consultatif du HCR : par larticle 3 (3), la Commission reconnaît la nécessité dune consultation régulière avec le HCR pour ce qui concerne létablissement, la mise en uvre et la cessation du régime européen de protection temporaire. Larticle 5 (2) appelle également à consulter le HCR quand il sagit dévaluer si une arrivée massive doit entraîner lintroduction dun régime de protection temporaire. Les articles 25 et 26 prévoient que le HCR doit être informé des capacités daccueil des Etats en vue de la mise en uvre dun mécanisme de partage de la charge.
III. Propositions damendements
Nonobstant lappréciation globalement positive quil porte sur la Proposition de la Commission, le HCR recommande la prise en compte des amendements suivants :
- Il serait opportun dintroduire une référence explicite au principe selon lequel les personnes arrivées dans le cadre dafflux massifs doivent être admises sur le territoire du premier Etat dans lequel elles cherchent à se réfugier, ce qui implique lobligation pour les Etats de respecter scrupuleusement le principe de non-refoulement, y compris du non-refus dadmission à la frontière. Ces principes ont été reconnus comme lélément central de tout régime de protection temporaire. Cette omission de la Commission sexplique, sans aucun doute, par la portée spécifique du projet de directive (visant à établir des normes minimales de traitement après ladmission sur le territoire et à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats en matière daccueil). Il serait cependant souhaitable de rappeler explicitement ces principes dans le texte ;
- La proposition pourrait suggérer aux Etats de ne pas appliquer de mesures qui pourraient empêcher le réfugié daccéder au bénéfice de la protection temporaire, telles que lexigence de visa ou les sanctions aux transporteurs qui acheminent des passagers dépourvus des documents requis à lentrée sur le territoire. Si ces mesures ont déjà été introduites, les Etats devraient envisager leur suspension provisoire dans le cadre dune politique européenne commune ;
- Il serait opportun dinclure une disposition stipulant que le régime de protection temporaire, une fois quil est mis en place, est applicable à toutes les personnes fuyant le même pays dorigine pour des motifs identiques ou similaires, afin dassurer légalité de traitement entre ceux arrivés spontanément et ceux qui peuvent avoir été admis dans le cadre dun éventuel programme dévacuation ;
- Les normes de traitement préconisées doivent être appliquées dans le respect des droits fondamentaux tels que garantis par la Convention européenne des droits de lHomme (Article 3 (2)). Cependant la Proposition pourrait détailler, comme elle le fait pour un certain nombre dautres droits et avantages, le droit à la liberté de circulation, en stipulant quun Etat membre ne peut imposer aux déplacements des bénéficiaires de la protection temporaire dautres restrictions que celles qui sont nécessaires dans lintérêt de la santé publique et de lordre public ;
- En ce qui concerne le traitement des demandes dasile après cessation du régime de protection temporaire : au lieu de maintenir lapplication des critères et mécanismes de la Convention de Dublin relative à la détermination de lEtat responsable de lexamen dune demande dasile, la proposition devrait stipuler que, pour des raisons humanitaires et pratiques, cest le pays qui a octroyé la protection temporaire qui doit être également responsable de lexamen ultérieur de la demande dasile. Larticle 17 devrait être amendé dans ce sens ;
- Dans les dispositions concernant la persistance du besoin dune protection après cessation du régime de protection temporaire, pour des raisons humanitaires qui ne plaident pas en faveur du retour (Article 20), il faudrait également prendre en compte lexistence de raisons impérieuses tenant à ce que les bénéficiaires de la protection temporaire ont vécu ou à des persécutions antérieures. Dans ce cas, il serait préférable de sorienter vers une solution à long terme comme la reconnaissance du statut de réfugié - plutôt que dopter pour une simple prolongation de la protection temporaire ;
- En ce qui concerne le champ dapplication de la Proposition de directive, rien dans ce texte ne doit être interprété comme portant atteinte au droit des ressortissants des Etats membres à chercher asile et à bénéficier de lasile, conformément aux instruments internationaux relatifs à la protection des réfugiés et des droits de lHomme.
IV. Position du HCR sur certains aspects de la protection temporaire
Le HCR relève dans la Proposition de la Commission certains thèmes qui ont fait lobjet de controverses avec les Etats membres dans le cadre des discussions portant sur les précédentes initiatives de la Commission, et sur lesquels le HCR aimerait préciser sa position :
- Lien avec la Convention de 1951
- Le recours au régime de protection temporaire ne doit être considéré que comme une mesure exceptionnelle à caractère vraiment temporaire, impliquant la suspension de laccès à la procédure dasile pour une période limitée. Les Etats membres ne doivent donc pas se soustraire à leurs obligations internationales qui leur imposent dexaminer le besoin de protection, à un moment ou à un autre, par le biais de la procédure individuelle de détermination. Tout le monde sentend généralement à reconnaître que beaucoup des bénéficiaires de la protection temporaire sont éligibles au statut de réfugié au titre de la Convention de 1951 et que leur demande dasile doit être examinée dès que possible, au plus tard au moment où il est mis fin au régime de protection temporaire. Le HCR est opposé aux pratiques antérieures de certains Etats consistant à obliger les personnes arrivées dans le cadre dafflux massifs à choisir une fois pour toutes entre le dépôt dune demande dasile et le bénéfice du régime de protection temporaire. Le HCR, comme la Commission, estime que laccès à la procédure dasile doit toujours être garanti.
- Le HCR souscrit entièrement à la proposition dappliquer aux bénéficiaires de la protection temporaire des normes de traitement qui sapparentent aux droits et avantages accordés aux réfugiés reconnus, partant du principe que beaucoup des personnes placées sous protection temporaire peuvent satisfaire aux critères de la Convention de 1951. Cette approche est dautant plus justifiée lorsque le besoin de protection persiste sur une période relativement longue.
- Comme mentionné plus haut, le HCR recommande que soient adoptées dans la directive des dispositions relatives à la liberté de circulation à lintérieur de chaque Etat membre, sous réserve des restrictions légitimes prévues par les instruments internationaux et régionaux relatifs aux droits de lHomme.
- Concernant le droit au travail, le HCR appelle régulièrement les Etats à accorder ce droit aux bénéficiaires de la protection temporaire, dans la mesure où lexercice dun emploi peut contribuer à diminuer le degré de dépendance vis-à-vis de lassistance sociale et faciliter éventuellement leur réinsertion dans leur pays dorigine. Le HCR rejoint donc la proposition de la Commission sur ce point (Article 10) ainsi que sur la nécessité dappliquer le même traitement aux bénéficiaires de la protection temporaire et aux réfugiés reconnus en matière de rémunération, de protection sociale et des autres conditions demploi.
- Le HCR se félicite de lintention de la Commission dharmoniser les diverses pratiques des Etats en matière de regroupement familial au bénéfice des personnes placées sous protection temporaire. La proposition de la Commission dautoriser le regroupement familial au moins pour les conjoints et les enfants mineurs reflète la pratique de beaucoup dEtats membres. Le HCR encourage les Etats membres à adopter la proposition, faite par la Commission, détendre la notion de famille aux partenaires non-mariés, aux enfants de couples non-mariés et aux membres adultes de la famille qui sont objectivement incapables de survenir à leurs besoins ou sont particulièrement vulnérables et par conséquent dépendants des autres membres de la famille.
- Partage de la charge et solidarité internationale
- Le HCR partage le point de vue de la Commission concernant loctroi, si nécessaire, dune assistance financière aux Etats les plus touchés par les arrivées massives, de même que la mise en place dune répartition physique des personnes, à condition que les bénéficiaires de la protection temporaire et le pays daccueil concerné aient donné leur accord pour ce transfert. Tout mécanisme du partage de la charge concernant la répartition de personnes doit respecter le besoin de protection des personnes concernées, ainsi que les principes élémentaires de protection comme lunité de la famille ou la prise en compte de considérations humanitaires. Lexistence dun tel mécanisme ne peut constituer un préalable à la prolongation dune protection et ne doit pas aboutir à ce qui serait, de fait, un simple " transfert de la charge ".
- Retour et autres mesures à long terme
- Le HCR partage lidée, exprimée par la Commission, que les bénéficiaires de la protection temporaire doivent être priés de rentrer dans leur pays après cessation du régime de protection temporaire et en labsence de raisons humanitaires impérieuses, à condition quils ne déposent pas de demande dasile. Ces retours doivent être de préférence volontaires et doivent se dérouler dans la sécurité et la dignité. Le HCR approuve le souci de la Commission de recueillir une information précise et détaillée concernant les conditions dans lesquelles les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent rentrer, et la possibilité de voyages exploratoires.
Le HCR estime que lapproche de la Commission concernant le retour respecte les principes fondamentaux en la matière et est suffisamment souple pour en permettre une application équitable et non discriminatoire. Le HCR approuve également la possibilité de prolonger le bénéfice de la protection temporaire dans les cas où le retour ne peut être organisé immédiatement après la cessation du régime, ou lorsque la prolongation du séjour dans le pays daccueil savère nécessaire pour des raisons médicales ou pour que les enfants puissent terminer leur scolarité.
Avant quils ne mettent fin au régime de protection temporaire, le HCR encourage les Etats membres et la Commission à sassurer que les conditions préalables au retour des rapatriés potentiels dans leur pays dorigine sont bien remplies, notamment celles relatives à leur sécurité physique, à leur protection juridique et au respect de leurs droits fondamentaux. En labsence de telles garanties, les bénéficiaires de la protection temporaire doivent se voir offrir une solution à long terme, comme le séjour permanent au titre de lasile ou la réinstallation.
15 septembre 2000