Commentaires du HCR sur la Proposition de directive de l’Union européenne relative à la protection temporaire en cas d’afflux massif

 

I. Introduction

La protection des demandeurs d’asile est une des préoccupations majeures du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Les arrivées massives de demandeurs d’asile posent des problèmes particuliers que le HCR et les Nations unies dans leur ensemble s’attachent à résoudre depuis longtemps. Le Comité exécutif du HCR (COMEX), dans plusieurs de ses Conclusions, s’est penché sur cette question ou sur certains de ses aspects : Conclusions N° 15 (XXX) de 1979 sur les Réfugiés sans pays d’asile, N° 19 (XXXI) de 1980 sur l’Asile temporaire, N° 22 de 1981 sur la Protection des personnes en quête d’asile en cas d’arrivées massives, N° 35 (XXXV) de 1984 sur les Documents d’identité pour les réfugiés et les Conclusions générales N° 74 (XLV) de 1994. Dans ses Conclusions, le Comité exécutif a énoncé les principes fondamentaux quant à la protection applicable en cas d’arrivées massives de demandeurs d’asile. Ces textes définissent la portée, la nature et les objectifs des régimes de protection temporaire. Ils examinent le lien entre le régime de protection de la Convention de 1951 et celui de la protection temporaire. Ils soulignent l’importance de la solidarité entre les Etats et de la coopération entre les Etats et le HCR afin de s’attaquer réellement aux problèmes que posent les arrivées massives. Enfin ces Conclusions ont défini des normes minimales de traitement pour les bénéficiaires de la protection temporaire.

Les chapitres qui suivent analysent la Proposition de directive du Conseil relative à la protection temporaire, publiée par la Commission européenne le 24 mai 2000, à la lumière des principes et normes de traitement internationalement reconnus et énoncés dans les textes mentionnés plus haut.

2. Principes de protection applicables en cas d’arrivées massives de demandeurs d’asile

(a) La position du HCR

Le Comité exécutif du HCR a affirmé qu’en cas d’arrivées massives provoquées par des conflits ou des persécutions, les personnes en quête d’asile doivent être admises sur le territoire du premier Etat dans lequel elles cherchent à se réfugier, sans discrimination fondée sur la race, la religion, les opinions politiques, la nationalité, le pays d’origine ou l’incapacité physique. Le Comité exécutif a souligné que, dans tous les cas, le principe du non-refoulement, y compris le non-refus d’admission à la frontière, doit être scrupuleusement observé.

Le Comité exécutif a également affirmé que, si le premier Etat concerné n’est pas en mesure d’ admettre ces personnes à titre durable, il doit toujours les admettre au moins à titre temporaire et leur offrir sa protection. En cas d’arrivées massives et en attendant de trouver une solution durable, il est absolument indispensable :

(i) Que les personnes en quête d’asile reçoivent une protection pleine et entière et bénéficient d’un traitement conforme aux normes humanitaires minimales ;

(ii) Que soient prises des dispositions efficaces au titre de la solidarité internationale et du partage des charges pour venir en aide aux pays d’asile.

A cet effet, les Etats concernés doivent se mettre en rapport aussi tôt que possible avec le HCR.

(b) La Proposition de directive

La Proposition de directive n’aborde pas explicitement la question de l’admission des demandeurs d’asile sur le territoire en cas d’arrivées massives. En effet, ce texte a pour seuls objectifs, d’une part d’établir des normes de traitement applicables aux bénéficiaires de la protection temporaire (s’entend, une fois admis sur le territoire) et, d’autre part, de " définir des mesures en vue de contribuer à un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil ."

(c) Commentaires

Tout en comprenant le champ d’application spécifique de la directive, le HCR estime que ces principes devraient être explicitement rappelés dans le texte, compte tenu de l’importance de la non discrimination à l’admission sur le territoire et du non-refoulement, y compris le non-refus d’admission à la frontière.

Le HCR souhaite également rappeler que les mesures de contrôle de l’immigration peuvent parfois empêcher le réfugié d’accéder à un lieu sûr. Aussi le Comité exécutif a-t-il, à de nombreuses reprises, exhorté les Etats à veiller à ce que la législation nationale et les pratiques administratives, y compris les mesures de contrôle migratoire, soient compatibles avec les normes et principes de protection inscrits dans les instruments internationaux relatifs au droit des réfugiés et aux droits de l’Homme. L’exigence de visa et les sanctions aux transporteurs qui acheminent des passagers dépourvus des documents requis à l’entrée sur le territoire, mesures en soi légitimes, peuvent porter atteinte à ces normes et principes si elles visent spécifiquement des ressortissants de pays dont sont souvent originaires des réfugiés bona fide.

Aussi le HCR recommande vivement d’inclure, dans la Proposition de directive, une disposition applicable aux ressortissants des pays pour lesquels un régime de protection temporaire a été mis en œuvre, et selon laquelle :

(iii) les Etats membres n’introduiront pas l’exigence de visa ou, si elle existe déjà, la suspendront ;

(iv) les sanctions aux transporteurs qui acheminent des passagers dépourvus des documents requis ne s’appliqueront pas.

 

3. Portée, nature et objectifs des régimes de protection temporaire

(a) La position du HCR

 

Dans les arrivées massives se trouvent des personnes qui sont réfugiées au sens de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, ainsi que des personnes qui sont contraintes de chercher refuge hors de leur pays d’origine ou de nationalité en raison d’une agression extérieure, de l’occupation, de la domination étrangère ou d’évènements qui mettent gravement en péril l’ordre public dans tout ou partie de ce pays. Il n’existe pas de définition générale d’une " arrivée massive." Le caractère " massif " d’une arrivée ne peut être défini que par rapport aux ressources du pays d’accueil. Ce terme s’entend comme l’arrivée dans un pays donné et sur une courte période, d’un nombre important de personnes venant du même pays d’origine et qui ont été déplacées dans des circonstances qui permettent de penser que des membres de ce groupe pourraient répondre aux critères d’octroi d’une protection internationale et pour lesquels, en raison de leur nombre, la procédure de détermination individuelle de la qualité de réfugié est impraticable.

Le Comité exécutif a également examiné le problème de la protection internationale à accorder en cas d’arrivées massives de personnes en quête d’asile et a estimé que la protection temporaire apportait une réponse souple et pragmatique à cette question.

(b) La proposition de directive

Dans la Proposition de directive, la protection temporaire peut être mise en place par décision du Conseil, en cas d’afflux massifs de personnes déplacées en provenance de pays tiers, qui ont été contraintes de quitter leur pays ou leur région d’origine en raison de la situation qui y règne et dont le retour dans des conditions sûres et humaines est impossible. En outre, il doit y avoir un risque que le système d’asile ne puisse traiter ces flux sans provoquer d’effets contraires à son bon fonctionnement, à l’intérêt des personnes concernées et à celui des autres personnes demandant une protection.

Certaines personnes arrivées dans ces conditions peuvent relever du champ d’application de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 ou d’autres instruments nationaux ou internationaux octroyant une protection sous une forme ou une autre. C’est le cas par exemple de personnes qui ont fui des zones de conflits armés ou de violence endémique, ou de personnes qui ont été ou qui risquent d’être victimes de violations systématiques et généralisées de leurs droits fondamentaux.

La directive permet d’exclure du bénéfice de la protection temporaire des personnes dont on considère qu’elles constituent une menace pour la sécurité nationale ou qu’elles relèvent des clauses d’exclusion de la Convention de 1951. Les décisions d’exclusion ne peuvent être fondées que sur le comportement personnel de la personne et doivent reposer sur le principe de proportionnalité. Les personnes concernées doivent pouvoir faire appel de cette décision devant une juridiction de l’Etat membre concerné.

Il peut être mis fin à la protection temporaire à tout moment si la situation prévalant dans le pays d’origine permet un retour durable, dans la sécurité et la dignité, conformément à l’article 33 de la Convention de Genève et à la Convention européenne des droits de l’Homme.

Dans certains cas, les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent être autorisés à rester dans l’Etat membre à l’expiration du régime de protection temporaire, si des raisons impérieuses humanitaires rendent le retour impossible ou peu réaliste.

(c) Commentaires

Le HCR estime que les conditions de mise en place et de cessation du régime de protection temporaire ainsi que sa définition et ses objectifs, tels qu’énoncés dans la Proposition de directive, sont généralement conformes aux principes internationalement reconnus. Cette remarque vaut également pour les cas d’exclusion de la protection temporaire.

En ce qui concerne le champ d’application de la directive, le HCR tient à souligner que, d’un point de vue purement pratique, il ne voit rien à redire au fait que la directive ne s’applique qu’aux afflux massifs de ressortissants de pays tiers. En revanche, le HCR exprimerait ses plus vives inquiétudes si la limitation de la portée de ce texte devait être interprétée comme impliquant que les ressortissants des Etats membres de l’Union européenne sont exclus du bénéfice de la protection internationale. Le HCR reconnaît que, de fait, dans les circonstances actuelles, il est hautement improbable que des déplacements massifs de population puissent provenir d’un des Etats membre de l’Union européenne. Cependant une telle éventualité ne peut être exclue sur un plan juridique. En conséquence, le HCR souhaite vivement que les Commentaires des articles éclaircissent ce point en précisant que rien dans la directive ne peut être interprété comme portant atteinte au droit des ressortissants des Etats membres à chercher asile et à bénéficier de l’asile, conformément aux instruments internationaux relatifs à la protection des réfugiés et des droits de l’Homme.

Par ailleurs, le Directive offre la possibilité d’admettre, pour des raisons humanitaires impérieuses, les bénéficiaires de la protection temporaire au séjour après cessation de ce régime. Le HCR suggère fortement d’étendre cette possibilité aux cas pour lesquels le retour n’est pas envisageable pour des raisons impérieuses tenant à ce qu’ils ont vécu ou à des persécutions antérieures.

4. Lien avec la Convention de 1951 et admission à la procédure de détermination du statut de réfugié

(a) Position du HCR

Le Comité exécutif a souligné l’importance fondamentale des dispositions de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, et le caractère exceptionnel que doit revêtir le recours au dispositif de la protection temporaire. Tout en reconnaissant qu’il peut s’avérer nécessaire de suspendre la procédure de détermination du statut de réfugié en cas d’afflux massifs, le Comité exécutif a réaffirmé que la mise en oeuvre d’un régime de protection temporaire ne doit pas réduire la protection accordée aux réfugiés au titre de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967. Le Comité exécutif a par ailleurs souligné " la nécessité que le Haut Commissariat fournisse en permanence des avis sur l’application pratique de ces dispositions par les pays exposés à un afflux massif de réfugiés ."

Le HCR a également mis l’accent sur le fait que les réfugiés placés sous le régime de protection temporaire qui souhaitent se réclamer de la protection de la Convention de Genève, doivent avoir accès, à un moment ou un autre, à la procédure leur permettant d’en bénéficier. Si, au moment où le régime de protection temporaire prend fin, ses bénéficiaires ne veulent pas rentrer volontairement dans leur pays, ils doivent donc voir leur demande de protection examinée de manière complète et équitable.

(b) La Proposition de directive

La Proposition de directive réaffirme la primauté de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 reconnus comme les instruments internationaux de référence en matière de traitement des réfugiés et déclare que la protection temporaire constitue une mesure exceptionnelle. Pour concrétiser ces déclarations de principe, le texte limite la durée de la protection temporaire à deux ans maximum et garantit à ses bénéficiaires l’accès à la procédure de détermination de la qualité de réfugié au plus tard lorsque le régime de protection temporaire prend fin. La proposition de directive dispose également que les critères et mécanismes de détermination du pays responsable de l’examen de la demande d’asile s’appliquent.

(c) Commentaires

Le HCR se félicite que l’accès à la procédure d’asile soit explicitement garanti aux réfugiés bénéficiaires de la protection temporaire. Il estime cependant que la responsabilité de l’examen de la demande d’asile devrait incomber à l’Etat membre qui a déjà accordé la protection temporaire à l’intéressé. Ce point de vue repose sur des considérations tant humanitaires que pratiques. Aussi le HCR suggère-t-il de modifier cette disposition dans ce sens.

En outre l’Article 19 devrait préciser que le terme de " protection " fait référence à la législation sur l’asile.

 

5. Solidarité et coopération internationales

(a) Position du HCR

Le Comité exécutif a considéré que les Etats qui, du fait de leur situation géographique ou pour toute autre raison, ont à faire face à un afflux massif, doivent, si nécessaire et à la demande de l’Etat concerné, recevoir une aide immédiate des autres Etats conformément au principe du partage équitable de la charge.Dans ce contexte, le Comité exécutif a décidé que :

(i)  Des mesures doivent être prises bilatéralement ou multilatéralement, au niveau régional ou au niveau universel, et éventuellement en coopération avec le HCR. Priorité doit être donnée à la recherche de solutions durables dans le contexte régional ;

(ii)  Les mesures prises en vue du partage des charges doivent avoir pour objet, selon qu’il convient, de faciliter le rapatriement volontaire, de promouvoir l’installation sur place dans le pays d’accueil ou d’offrir des possibilités de réinstallation dans des pays tiers  ;

(iii)  Les mesures à prendre dans le contexte du partage des charges doivent être adaptées à la situation particulière considérée. Elles doivent comprendre, selon que de besoin, une assistance financière et technique, une aide en nature, et l’annonce, en temps utile, de nouvelles contributions financières et de toute autre forme d’assistance à fournir au-delà de la phase d’urgence jusqu’à ce que des solutions durables soient trouvées et, lorsque le rapatriement volontaire ou l’installation sur place ne peuvent être envisagée, elles doivent prévoir l’octroi aux personnes en quête d’asile de possibilités de réinstallation dans un environnement culturel propre à assurer leur bien-être ;

(iv)  Il convient d’envisager de renforcer les mécanismes existants et, le cas échéant, de créer, à titre permanent si possible, de nouveaux moyens permettant que les fonds et tout autre assistance matérielle et technique voulus puissent être immédiatement disponibles .

Le Comité exécutif a par ailleurs appelé le HCR, en étroite coopération avec les gouvernements concernés, à continuer à coordonner et à apporter ses conseils à la mise en oeuvre de la protection temporaire et d’autres formes d’asile axées vers le rapatriement, dans des situations où le retour est jugé la solution durable la plus appropriée. L’intervention du HCR comprend également des conseils en matière de rapatriement volontaire et de retour sûr une fois que la protection internationale n’est plus nécessaire.

(b) Proposition de directive

En abordant le problème des arrivées massives de demandeurs d’asile, la Proposition de directive réaffirme l’importance du principe de solidarité entre les Etats membres. Cette solidarité se traduit par un mécanisme financier et une répartition physique des personnes placées sous protection temporaire. A cette fin, les Etats membres sont appelés à indiquer leur capacité d’accueil. Le transfert des bénéficiaires de la protection temporaire ne peut cependant pas intervenir sans leur consentement.

En ce qui concerne la coopération internationale, la Proposition de directive prévoit l’implication du HCR dans l’établissement, la mise en œuvre et la cessation des régimes de protection temporaire. Le HCR doit être informé des capacités d’accueil indiquées par les Etats ainsi que des demandes de transferts formulées par des Etats membres.

La Proposition de directive dispose également que l’application de ces mesures de solidarité se fait " sans préjudice des obligations des Etats membres en matière de non-refoulement." Dans les Commentaires des articles, il est précisé que cette disposition signifie que le respect du principe de non-refoulement ne doit pas dépendre d’un accord de répartition.

(c) Commentaires

Le HCR considère que les dispositions relatives à la répartition de la charge et à la solidarité contenues dans la Proposition de directive sont pleinement conformes aux recommandations internationales.

En outre, le HCR rejoint la Commission sur le principe d’une solidarité fondée à la fois sur une répartition physique des personnes et sur un équilibre financier.

 

6. Normes de traitement

(a) Position du HCR

 

Le Comité exécutif a estimé que les personnes placées sous protection temporaire doivent bénéficier d’un traitement conforme aux normes humanitaires minimales.

Le Comité exécutif a adopté certaines normes de traitement relatives aux droits civils et politiques des personnes bénéficiaires de la protection temporaire :

(i) Elles ne doivent pas être pénalisées ou exposées à un traitement défavorable exclusivement parce que leur présence dans le pays est jugée illégale ;

(ii) On ne doit pas appliquer à leur déplacement d’autres restrictions que celles qui sont nécessaires dans l’intérêt de la santé publique et de l’ordre public ;

(iii) Elles doivent se voir délivrer les documents appropriés, le cas échéant en coopération avec le HCR ;

(iv) Elles ne doivent pas être soumises à des traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elles doivent jouir de tous les droits civils fondamentaux internationalement reconnus, en particulier de ceux qui sont énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme ;

(v) Elles ne doivent pas faire l’objet de mesures discriminatoires fondées sur la race la religion, l’opinion politique, la nationalité, le pays d’origine ou l’incapacité physique ;

(vi) Elles doivent être considérées comme des personnes au regard de la loi et avoir librement accès aux tribunaux et autres autorités administratives compétentes ;

(vii) L’unité de la famille doit être respectée et toute l’assistance possible doit leur être apportée en vue de rechercher leurs proches parents.

Les normes de traitement relatives aux droits économiques, sociaux et culturels comprennent également le droit à recevoir toute l’assistance nécessaire ainsi que les produits de première nécessité : hébergement, vivres, accès aux services d’hygiène et aux soins médicaux .

Le Comité exécutif a aussi rappelé la nécessité de prendre des dispositions pour la protection des mineurs et des enfants non-accompagnés.

Le Comité exécutif a par ailleurs recommandé d’accorder aux bénéficiaires de la protection temporaire toutes les facilités voulues pour parvenir à une solution durable satisfaisante. Il a en particulier préconisé l’adoption de toute mesure visant à faciliter le rapatriement volontaire.

(b) Proposition de directive

La proposition de directive prévoit que le traitement applicable aux bénéficiaires de la protection temporaire doit respecter les droits fondamentaux tels que garantis par la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Elle précise cependant que les normes minimales de traitement inscrites dans la directive sont applicables sans préjudice de dispositions plus favorables arrêtées par les Etats.

En dehors de la référence générale aux dispositions de la Convention européenne des Droits de l’Homme, la Proposition de directive contient des dispositions particulières en matière de droits civils et politique. Elles prévoient notamment qu’aucune discrimination fondée sur le sexe, la race, l’origine ethnique, la nationalité, la religion ou les convictions, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ne peut être faite aux bénéficiaires de la protection temporaire , et qu’ils doivent se voir délivrer un titre de séjour valable pour toute la durée de la protection temporaire, ainsi que les documents afférents.

Au nom du droit de vivre en famille, la Proposition de directive stipule que, lorsque les circonstances de l’afflux massif ont entraîné la séparation de familles déjà constituées dans le pays d’origine, les bénéficiaires de la protection temporaire peuvent solliciter le regroupement familial avec certains membres de leur famille:

(i) Le conjoint ou le partenaire non-marié ayant une relation durable, si la législation de l’Etat membre concerné assimile la situation des couples non mariés à celle des couples mariés ;

(ii) Les enfants du couple mentionné au point (i) ou du demandeur, à condition qu’ils soient célibataires et dépendants, sans discrimination fondée sur leur naissance légitime, hors-mariage ou leur filiation pas adoption ;

(iii) D’autres membres de la famille, s’ils sont dépendants du demandeur, qu’ils ont subi des traumatismes particulièrement graves ou qu’ils ont besoin de traitements médicaux particuliers.

Le regroupement familial se fait selon les principes et les règles de procédure suivants :

(i) L’absence de document prouvant le lien familial ne peut faire obstacle au regroupement familial ;

(ii) Le regroupement familial peut intervenir à tout moment pendant la durée de la protection temporaire, jusqu’à deux mois avant la fin de la période maximale de deux ans ;

(iii) Les membres de la famille concernées doivent donner leur accord ;

(iv) Si les membres d’une même famille bénéficient de la protection temporaire dans plusieurs Etats membres, le regroupement familial doit avoir lieu dans l’Etat membre de leur choix ;

(v) Les permis de séjour de la famille rejoignante doivent être accordés au titre de la protection temporaire ;

(vi) Les demandes de regroupement familial doivent être examinées le plus rapidement possible ;

(vii) Toute décision de rejet doit être dûment motivée et susceptible d’un recours juridictionnel.

Dans la Proposition de directive, les Etats sont appelés à prendre dûment en compte l’intérêt supérieur de l’enfant lors de l’examen des demandes. Dans le cas des enfants non-accompagnés, elle prévoit :

(i) Qu’ils doivent être représentés par un tuteur légal, une organisation compétente chargée de l’assistance aux mineurs ou " tout autre type de représentation appropriée ; "

(ii) Qu’ils doivent être placés auprès de membres adultes de leur famille ou, en l’absence de ceux-ci, soit auprès d’une ou de plusieurs personnes qui les ont pris en charge pendant leur fuite, soit dans une famille d’accueil, soit dans " d’autres lieux d’hébergement convenant pour les mineurs. "

En matière de droits économiques, sociaux et culturels, la Proposition de directive stipule que les bénéficiaires de la protection temporaire :

(i) Doivent pouvoir exercer une activité salariée ou non-salariée dans les mêmes conditions que les réfugiés. Ce principe de l’égalité de traitement avec les réfugiés s’applique aussi en matière de rémunération, de sécurité sociale liée à l’activité salariée ou non-salariée et des autres conditions de travail ;

(ii) Doivent avoir accès à un hébergement ou recevoir, le cas échéant, les moyens de trouver un logement ;

(iii) Doivent recevoir l’aide sociale nécessaire pour subvenir à leurs besoins, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes, et bénéficier de l’accès gratuits aux soins médicaux d’urgence ;

(iv) Doivent avoir accès au système éducatif général ainsi qu’à la formation professionnelle initiale et continue, au recyclage professionnel, et que les enfants doivent être scolarisés dans les mêmes conditions que les nationaux ;

La Proposition de directive prévoit également des dispositions spéciales applicables aux personnes particulièrement vulnérables telles que les enfants non accompagnés ou les personnes victimes de tortures, de viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physiques ou sexuelles, et qui requièrent des soins particuliers sur le plan médical ou autre.

Pour certaines catégories de bénéficiaires présentant des besoins particuliers, notamment les personnes en cours de traitement médical ou les enfants en cours de scolarité, des prolongations de la protection temporaire sont possibles au-delà de la cessation du régime de protection temporaire.

Enfin, la Proposition de directive contient des dispositions sur l’aide au rapatriement volontaire et à la réinstallation.

En ce qui concerne, le rapatriement volontaire, il est prévu que les Etats membres :

(i) Prennent les mesures nécessaires pour faciliter le retour volontaire, dans la sécurité et la dignité, des personnes bénéficiant ou ayant bénéficié de la protection temporaire ;

(ii) Veillent à ce que les personnes qui décident de rentrer le fassent en toute connaissance de cause. Les Etats membres peuvent prévoir la possibilité de visites exploratoires ;

(iii) Examinent avec bienveillance, aussi longtemps que la protection temporaire n’est pas arrivée à son terme, les demandes de retour vers l’Etat membre d’accueil de personnes qui, ayant bénéficié de la protection temporaire et ayant exercé leur droit de retour volontaire, décident de revenir dans le pays d’accueil ;

(iv) Prévoient le maintien des droits accordés au titre de la protection temporaire, même après cessation de ce régime, aux personnes en attente de rapatriement.

En ce qui concerne l’aide à la réinstallation, la Proposition de directive invite les Etats membres à prendre les mesures appropriées, en accord avec les personnes concernées et en coopération avec les organisations internationales compétentes.

(c) Commentaires

La Proposition de directive détaille de manière très complète les normes de traitement applicables aux bénéficiaires de la protection temporaire. Elles sont en parfaite conformité avec celles requises par les principes de protection internationale. En conséquence, le HCR apporte son soutien plein et entier à ces propositions. Le HCR remarque cependant que le droit à la liberté de circulation n’est pas spécifiquement mentionné dans ce projet et, même si ce droit est implicitement reconnu par la référence à la Convention européenne des Droits de l’Homme, le HCR suggère qu’il y soit fait mention dans le texte.

Le HCR partage également l’analyse de la Commission sur les solutions recherchées et mises en œuvre, et apprécie le fait que des considérations humanitaires aient été prises en compte.