Zones
d’attente :
en marge
de l’Etat de droit
En couverture : dessin de Pancho, Le Monde mercredi 21
février 2001
Un grand merci à Pancho de
nous avoir permis de reproduire son dessin.
anafé
association
nationale d’assistance aux frontières
c/o Cimade
176, rue de
Grenelle
75007 Paris
permanence
téléphonique : 01 42 08 69 93
4Ce document a pu être réalisé
grâce aux bénévoles, stagiaires et salariés des
organisations membres de l’Anafé tant pour les visites en zone
d’attente et les observations des audiences que pour la rédaction
et la réalisation.
L’anafé
fonctionne
grâce à
l’action de ses militants et aux cotisations des associations membres et bénéficie du
soutien du Comité Catholique contre la faim et pour le
développement (CCFD), de la Fondation un monde pour tous et du Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR).
Une partie des
rapports a été diffusée à titre gratuit pour une
plus large information
cependant si
vous voulez aider l’anafé à poursuivre son action
vous pouvez
faire parvenir vos dons à
anafé
176, rue de
Grenelle
75007 Paris
Principales abréviations
utilisées
ADP |
Aéroport de Paris |
CNCDH |
Commission nationale consultative des droits de l’Homme |
CR |
Compte rendu de visite |
CPT |
Comité pour
la prévention de la torture (dans le cadre du Conseil de
l’Europe) |
CRA |
Centre de
rétention administrative |
DLPAJ |
Direction des libertés publiques et des affaires juridiques -
ministère de l'Intérieur |
DAF |
Division asile
à la frontière (désormais nommé BAF bureau asile
à la frontière) – ministère des
Affaires étrangères) |
HCR |
Haut commissariat
des Nations Unies pour les réfugiés |
INAD |
Non admis |
MAE |
Ministère
des Affaires étrangères |
OFPRA |
Office français
de protection des réfugiés et apatrides |
OMI |
Office des
migrations internationales |
PAF |
Police aux
frontières |
TA |
Tribunal
administratif |
TGI |
Tribunal de grande
instance |
ZAPI |
Zone d'attente des
personnes en instance |
Introduction / 6
Lettre
ouverte aux parlementaires avril 2001 / 11
1. Les frontières en quelques chiffres / 13
2. La loi du 6 juillet 1992 / 13
3. Tentatives d’assouplissement de la
législation / 14
4. Suivi et défense individuelle
d’étrangers aux frontières / 15
5. Renvoi vers un pays tiers / 17
6. L’accès des associations aux
zones d’attente / 17
7. Les visites, les réunions au
ministère de l’Intérieur / 19
8. Le délai du jour franc / 19
9. Un règlement intérieur pour les
zones d’attente / 20
10. L’insuffisance de l’interprétariat / 20
11. La pratique des sauf-conduits / 21
12. Les demandeurs d’asile mineurs
non-accompagnés / 22
13. La zone d’attente de Roissy / 22
14. Des passagers clandestins dans les ports / 23
15. Les zones des gares ferroviaires / 24
1.
Les conditions
de visite des associations / 27
2.
Les conditions
de maintien des étrangers / 28
A.
La
zone dite “ internationale ” / 28
B.
Les
aérogares / 28
C.
Les
lieux d’hébergement / 29
1.
Les droits
bafoués / 31
A.
Les
difficultés d’enregistrement des demandes d’asile / 32
B.
Les
allégations de violence / 33
C.
La
violation du jour franc / 34
D.
L’impossibilité
de se défendre / 35
E.
La
liberté de communication limitée / 35
F.
L’assistance
médicale / 36
1.
Les
irrégularités de procédure / 37
A.
Les
libertés d’interprétariat / 37
B.
L’absence
d’information / 38
C.
Les
notifications, les procès verbaux tardifs et erronés / 38
D.
Les
photographies / 39
Bilan des
observations des audiences du 35 “ quater ”
au tribunal de
grande instance de Bobigny / 40 à 56
avril
2001
1.
Le
déroulement des procédures lors des audiences / 41
A.
Publicité
des débats : des conditions limites / 41
B.
L’attitude
des juges face à la grève des avocats à Bobigny / 42
C.
L’interprétariat / 44
D.
Comportement
général des juges durant l’examen des dossiers / 45
E.
Les
mineurs isolés / 46
F.
Notification
de la décision et de la possibilité d’appe
G.
Possibilité
d’obtention du sauf-conduit / 49
1.
Les
irrégularités de procédure en zone d’attente . / 50
A.
L’interprétariat
en zone d’attente / 50
B.
Notification
de la décision de placement / 51
C.
Irrégularités
flagrantes du placement en zone d’attente / 52
D.
Avocat
en zone d’attente : quelques faits troublants / 52
E.
Examen
de la demande d’asile / 52
F.
Mauvais
traitements / 53
G.
Médecins
– examen médicaux / 53
H.
Quelques
échanges rapportés par les observateurs, avec certains fonctionnaires
de la PAF / 54
1.
A la sortie des
audiences / 54
A.
Prise
en charge des personnes relâchées / 54
B.
Trafic
d’êtres humains / 55
1.
Article 35
quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945 / 58
2.
Liste des zones
d’attente en France métropolitaine et outre-mer / 61
3.
Tableau de
correspondance des langues / 63
Organisations membres de
l’anafé : · amnesty international
section française (aisf) · association des juristes
pour la reconnaissance des droits fondamentaux des immigrés · cimade service
œcuménique d’entraide · comité
médical pour les exilés (comède) · fédération
des associations de solidarité avec les travailleurs
immigrés (fasti) · forum
réfugiés · france terre
d’asile (ftda) · groupe accueil et
solidarité (gas) · groupe
d’information et de soutien des immigrés (gisti) · ligue française
pour le défense des droits de l’homme et du citoyen (ldh) · migrations santé · mouvement contre le
racisme et pour l’amitié entre les peuples (mrap) · fédération
des syndicats de travailleurs du rails solidaires, unitaires et
démocratiques · syndicat des avocats de
france (saf) · syndicat de la
magistrature (sm) · syndicat cfdt des
personnels assurant un service air france (spasaf) · syndicat cfdt des
personnels assurant un service aéroports de paris (spasap) · syndicat des pilotes de
l’aviation civile (spac)
Il y a près de
dix ans, en décembre 1991, le ministre de l'Intérieur socialiste
déposait en catimini un amendement visant à instaurer un
régime dérogatoire de privation de liberté dans les ports
et les aéroports après que l'Etat eut été
condamné pour voie de fait par le TGI de Paris.
Cet amendement provoqua un tollé. Le Conseil constitutionnel fut
saisi et le censura. En juillet 1992, pourtant, le régime
dérogatoire de maintien en zone d'attente, fut introduit par la loi
Quilès.
Voilà
bientôt une quinzaine d’années qu’un régime
d’exception règne dans cette improbable zone où des
étrangers sont privés de liberté parce que non-admis sur
le territoire ou demandeurs d’asile. Cela s'est
d’abord fait de façon clandestine, jusqu'à ce que des
syndicats et des associations décident d’unir leurs forces pour
combattre le secret et l'arbitraire. De cette alliance est née en 1989
l’Anafé, qui s'est donnée pour but d'assurer une
présence active et compétente auprès des étrangers
qui se trouvent en difficulté en zone internationale, en leur apportant
une aide à caractère juridique et humanitaire.
Mais la présence et l’assistance ne suffisent
pas. Introduire du droit en
matière de franchissement des frontières, c'est-à-dire des
règles claires comportant des garanties juridiques et des voies des
recours effectives, tel est, au-delà de
l’aide individuelle, l'un des objectifs essentiels que
l'Anafé s'est assigné.
Le bilan de dix ans
d'activités de l'Anafé décrit les différents
terrains sur lesquels ont porté son action : dans un premier temps,
combattre l'illégalité de la privation de la
liberté ; puis, après l'adoption de la loi Quilès,
faire en sorte qu'elle soit améliorée et ainsi donner aux
étrangers des droits effectifs. Par le biais de la défense
juridique et du suivi individuel des étrangers maintenus,
l’Anafé a principalement soulevé quatre
problèmes : le renvoi de demandeurs d’asile menacés
vers des pays tiers dits sûrs, la consignation à bord de passagers
clandestins de navires, la violation du délai du jour franc et le
maintien en zone d’attente de mineurs non accompagnés. Sur tous
ces fronts, l’Anafé s'est heurtée à la
volonté de l'Etat de maintenir ses prérogatives
régaliennes et de préserver le caractère d'exception de
ces lieux. Sur le terrain juridique, les principales revendications de
l'Anafé restent à ce jour sans réponse.
Une autre mission essentielle de l'Anafé a été de
témoigner auprès de l'opinion publique de ce qui se passait en
zone d'attente. Cela s'est fait au travers du droit de visites en zone
d'attente qui a été parcimonieusement accordé par les
pouvoirs publics en 1995 et quelque peu amélioré en 1998. Par les
différents rapports publiés depuis 1996, l'Anafé a
témoigné des manquements parfois graves constatés dans
l'application de la loi, tant du point de vue des conditions matérielles
d'hébergement que du point de vue juridique.
La situation aux frontières a beaucoup évolué
depuis quelques années : environ 500 demandeurs d’asile en
1996, dix fois plus en 1999. Les mesures prises par les pouvoirs publics ont
été tardives ou insuffisantes. Les conditions de maintien des
étrangers en zone d'attente – et plus particulièrement
dans la plus importante, Roissy – ont toujours été au
mieux médiocres, elles sont aujourd'hui insupportables. Les rapports de
la campagne de visites de décembre 2000 et janvier 2001
témoignent d'une situation de non droit : violations
récurrentes et délibérées des droits fondamentaux,
refus manifestes et répétés d'enregistrement des demandes
d'asile, procédures traitées avec le plus grand mépris,
obstructions et restrictions du droit d'accès des associations
habilitées, tentatives et refoulements quotidiens des personnes dont la
demande n'est pas prise en compte, pressions psychologiques, intimidations,
injures, brutalités et violences de tous ordres sont devenus le lot
ordinaire de ces lieux.
Plus grave, le rapport
établi à partir des observations recueillies au tribunal de
grande instance de Bobigny par les militants qui ont assisté, pendant
deux mois, aux audiences dites “ du 35 quater ”
-c’est à dire celles où l’opportunité du
maintien de l’étranger en zone d’attente est
appréciée par le juge- décrit les conditions dantesques
dans lesquelles s'exerce le contrôle du juge judiciaire.
Le constat n'a jamais été aussi noir. Ce que vivent les
étrangers placés en zone d'attente n'a plus grand chose à
voir avec ce que prévoit la loi, pourtant à nos yeux
insuffisante, et encore moins à ce que l'on peut attendre d'un Etat dit
de droit respectant les conventions internationales relatives aux droits de
l'Homme.
Le scandale de la zone d'attente perdure, malgré notre action et
nos cris. Aujourd’hui, le gouvernement veut inscrire dans la loi le
maintien – et donc la possibilité de refoulement- de mineurs non
accompagnés dans ce lieu et ce contre l'avis de la Commission nationale
consultative des droits de l’homme, de la Défenseure des enfants,
du Haut Commissariat pour les Réfugiés et du député
Louis Mermaz dans son rapport.
Aujourd'hui en mai 2001, l’Anafé demande aux pouvoirs
publics :
4de créer dans les meilleurs délais une
commission d'enquête parlementaire destinée à apporter tous
les éclairages utiles sur le déroulement actuel des
procédures relatives au placement des étrangers en zone
d'attente ;
4d'ouvrir le débat et les consultations
préalables à une refonte de la législation sur les
conditions d'entrée des étrangers en France et sur l'exercice du
droit d'asile ;
4enfin, de
modifier sans plus attendre le décret du 2 mai 1995 pour autoriser
l'accès permanent des associations à la zone d'attente et
permettre ainsi la mise en œuvre de l'indispensable regard
extérieur sur la réalité quotidienne de cette zone.
Avril
2001
Il y a deux mois,
un nouveau local était inauguré au sein de la zone
d’attente de l'aéroport Charles de Gaulle de Roissy afin
d'accueillir les étrangers en instance d’admission sur le
territoire ou de refoulement. Le Ministre de l’Intérieur, Daniel
Vaillant, a alors rappelé les principes et les valeurs de la tradition d’accueil
auxquelles la France est attachée depuis plus de deux siècles. Il
soulignait votre volonté de voir les situations individuelles de ces
personnes examinées avec toutes les garanties qu’offrent la loi et
le respect qu’un Etat démocratique comme la France doit à
la personne humaine, l’ambition que vous assigniez à ce nouveau
local et votre confiance dans les personnes qui sont amenées à y
travailler.
Pendant des années, nos associations ont réclamé
qu’un statut protecteur soit défini en faveur de ces
étrangers souvent contraints à l’exil. Elles n’ont
pas cessé de dénoncer l’indignité des conditions
matérielles dans lesquelles ils étaient accueillis, alors que le
législateur a pris la précaution de déclarer qu’ils doivent
en principe bénéficier de “ prestations de type
hôtelier ”.
Elles ont constamment cherché à éclairer les pouvoirs
publics sur les manquements parfois graves constatés dans
l’application de la procédure d’admission prévue par
la loi depuis 1992.
Deux mois après l’ouverture du nouveau local de la zone
d’attente de Roissy et suite à l’observation que nous avons
développée durant plusieurs mois de son fonctionnement et du
déroulement des audiences au Tribunal de Grande Instance de Bobigny, nos
associations sont consternées : violations récurrentes et
délibérées des droits fondamentaux, refus manifestes et
répétés d’enregistrement des demandes d’asile,
procédures traitées avec le plus grand mépris,
obstructions et restrictions au droit d’accès des associations habilitées,
tentatives et refoulements quotidiens de personnes dont la demande n’a
pas été prise en compte, pressions, intimidations, injures,
brutalités, violences de tous ordres.
Ce que nous avons pu voir malgré quelques entraves et ce qui
nous a été rapporté par de nombreux témoignages
tous concordants ne laisse aucun doute : ce que vivent les
étrangers actuellement maintenus en zone d’attente à Roissy
n’a plus grand chose à voir avec ce que prévoit la loi et
encore moins avec ce que l’on peut attendre d’un Etat dit de droit
respectant les conventions internationales relatives au respect des droits de
l’homme.
Cela n’est plus tolérable.
Aussi, nous vous demandons instamment de bien vouloir prendre la mesure
des changements à engager et pour cela :
-
ordonner aux ministres compétents
de faire procéder sans délai à des inspections sur les
agissements des administrations dont ils ont la responsabilité,
-
ouvrir le débat et les
consultations préalables à une refonte de la législation
sur les conditions d’entrée des étrangers en France et au
respect du droit d’asile,
- enfin, modifier sans délai le
décret du 2 mai 1995 pour autoriser l’accès permanent des
associations dans les zones d’attente et permettre ainsi la mise en
œuvre de l’indispensable regard extérieur sur la réalité
quotidienne de ces zones.
Avril
2001
Il y a deux mois, un nouveau local était inauguré au sein
de la zone d’attente de l'aéroport Charles de Gaulle de Roissy
afin d'accueillir les étrangers en instance d’admission sur le
territoire ou de refoulement. Le Ministre de l’Intérieur, Daniel
Vaillant, a alors rappelé les principes et les valeurs de la tradition
d’accueil auxquelles la France est attachée depuis plus de deux siècles.
Il soulignait la volonté du gouvernement de voir les situations
individuelles de ces personnes examinées avec toutes les garanties
qu’offrent la loi et le respect qu’un Etat démocratique
comme la France doit à la personne humaine, l’ambition assignée
à ce nouveau local et la confiance dans les personnes qui sont
amenées à y travailler.
Pendant des années, nos associations ont réclamé
qu’un statut protecteur soit défini en faveur de ces
étrangers souvent contraints à l’exil. Elles n’ont
pas cessé de dénoncer l’indignité des conditions matérielles
dans lesquelles ils étaient accueillis, alors que le législateur
a pris la précaution de déclarer qu’ils doivent en principe
bénéficier de “ prestations de type
hôtelier ”.
Elles ont constamment cherché à éclairer les pouvoirs
publics sur les manquements parfois graves constatés dans
l’application de la procédure d’admission prévue par
la loi depuis 1992.
Deux mois après l’ouverture du nouveau local de la zone d’attente de Roissy et suite à l’observation que nous avons développée durant plusieurs mois de son fonctionnement et du déroulement des audiences au Tribunal de Grande Instance de Bobigny, nos associations sont consternées : violations récurrentes et délibérées des droits fondamentaux, refus manifestes et répétés d’enregistrement des demandes d’asile, procédures traitées avec le plus grand mépris, tentatives et refoulements quotidiens de personnes dont la demande n’a pas été prise en compte, pressions, intimidations, injures, brutalités, violences de tous ordres, obstructions et restrictions au droit d’accès des associations habilitées.
Ce que nous avons pu voir malgré quelques entraves et ce qui
nous a été rapporté par de nombreux témoignages
tous concordants ne laisse aucun doute : ce que vivent les
étrangers actuellement maintenus en zone d’attente à Roissy
n’a plus grand chose à voir avec ce que prévoit la loi, et
encore moins avec ce que l’on peut attendre d’un Etat dit de droit
respectant les conventions internationales relatives au respect des droits de
l’homme.
Cela n’est plus tolérable.
Aussi, nous vous demandons instamment de bien vouloir prendre la mesure
des changements à engager et pour cela :
-
utiliser la
possibilité que la loi vous offre de visiter à tout moment les
zones d’attente créées sur le territoire français,
-
créer
dans les meilleurs délais une commission d’enquête
parlementaire destinée à apporter tous les éclairages
utiles sur le déroulement actuel des procédures relatives au
placement des étrangers en zone d’attente,
-
ouvrir le
débat et les consultations préalables à une refonte de la
législation sur les conditions d’entrée des
étrangers en France et au respect du droit d’asile,
-
enfin,
intervenir dans les meilleurs délais auprès des ministères
concernés de tel sorte que le décret du 2 mai 1995 soit
modifié, autorise l’accès permanent des associations
à la zone d’attente et permettre ainsi la mise en œuvre de
l’indispensable regard extérieur sur la
réalité quotidienne de cette zone.
Bilan depuis la
création des
zones d’attente en 1992
Situation aux
frontières
A la suite de la fermeture des frontières décidée en France depuis 1973, la législation en matière de droits des étrangers est devenue plus restrictive et l’accueil réservé aux étrangers s’est dégradé. L’Anafé a été créée le 21 novembre 1989 à la demande de nombreux personnels au sol ou navigant, au contact de personnes victimes de l’ignorance de leurs droits ou témoins, dans les aéroports ou dans les avions, de confrontations parfois musclées entre étrangers et personnels de la PAF. L'association a été fondée avec l’appui des organisations de défense des droits de l’homme et du droit d’asile.
Son objectif était d’assurer
“ une présence effective, active et compétente
auprès des étrangers, qui se trouvent en difficulté en
zone internationale (ancienne
zone d’attente) et de leur apporter une aide ayant un caractère
juridique et humanitaire ” mais aussi d’“ exercer une pression auprès
des pouvoirs publics afin que leur sort soit respectueux tant du droit
français que des conventions internationales ”.
L’action
de l’Anafé ne s’inscrit pas dans une démarche visant
à permettre l’entrée systématique de tous les
étrangers se présentant aux frontières, mais a pour
objectif d’assurer le respect des engagements internationaux de la France
et de la législation en vigueur, ainsi que la défense des droits
de l’homme. L’Anafé cherche à agir sur le territoire
français pour faire respecter les droits des étrangers en
difficulté. D’autres mesures restrictives peuvent être
prises pour empêcher les personnes d’atteindre le territoire. Les
Etats européens ont une longue expérience des moyens
d’enrayer une arrivée soudaine de demandeurs d’asile. Au
début des années 90, quelques centaines d’Haïtiens
sont arrivés à Paris avec un billet pour la Suisse. Un visa de
transit a été rapidement exigé pour la France et un visa
pour la Suisse. Le flux s’est alors interrompu. En 1999, quelques
centaines de Palestiniens sont arrivés à Roissy par la Syrie.
Divers contacts diplomatiques ont, semble-t-il, suffi à faire cesser ces
arrivées.
Depuis sa création,
l’Anafé a diffusé des informations sur ses
activités, ses observations, ses recommandations, a organisé des
conférences de presse, a mené des actions de sensibilisation
notamment auprès de personnels navigants ou travaillant au sol dans les
aéroports, a rédigé des documents, notamment des rapports
sur ses visites des zones d’attente et, en 1996, le Guide de
l’accès des étrangers au territoire français. Elle a organisé un colloque
international sur ces zones d’attente et en a publié les actes.
Elle est aussi intervenue dans des sessions de formation, en lien avec diverses
associations ou le HCR, pour y expliquer les procédures
d’admission sur le territoire et de maintien en zone d’attente.
Elle a établi des liens avec les barreaux notamment de Paris et de
Bobigny et a participé à plusieurs réunions de formation
sur ces questions. Les autres activités sont présentées
dans les chapitres qui suivent.
Les chiffres cités ci-dessous sont tirés
de documents provenant du ministère de l’Intérieur.
Depuis quelques années, l’aéroport
de Roissy-Charles de Gaulle reçoit près de 96% des demandeurs
d’asile, l’aéroport d’Orly environ 2%, le reste des
demandes se répartit en province entre les aéroports de Lyon, Nice
et les ports de Marseille et Calais essentiellement. Depuis deux ans, le
ministère de l'Intérieur donne des détails sur les
différents types d'admission des demandeurs d'asile sur le territoire.
Il semble que les admissions au titre de l'asile après une
décision formelle du ministère sont de moins en moins nombreuses
: 54% en 1998, 29% en 1999. En effet, selon le ministère, les types
d'admission sont plus variés: décision du TGI ne renouvelant pas
le maintien (22% en 1999), impossibilité de réacheminer le
demandeur (26% en 1999) ou certains refus d'embarquement.
|
Etrangers
maintenus en zone
d’attente |
% de demandeurs
d’asile |
Nombre de demandeurs d’asile |
Dont mineurs
isolés |
Taux d’admission |
Durée
moyenne de maintien1[1] |
|
1987 |
|
|
40 |
|
|
35 % |
|
1988 |
|
|
116 |
|
|
31 % |
|
1989 |
|
|
412 |
|
|
48 % |
|
1990 |
|
|
679 |
|
|
51 % |
|
1991 |
|
|
873 |
|
|
85 % |
13 jours |
1992 |
Vote
de la loi |
|
1120 |
|
|
73 % |
9 jours²[2] |
1993 |
3938 |
11 % |
430 |
|
|
46 % |
4 jours |
1994 |
5386 |
10 % |
536 |
|
|
44 % |
4,7 jours |
1995 |
5421 |
9,6 % |
521 |
|
|
52 % |
3 jours |
1996 |
5646 |
9,3 % |
526 |
+80
mineurs |
|
52,9 % |
2,8 jours |
1997 |
5578 |
18 % ³[3] |
1010 |
+254
mineurs |
122 |
72,3 % |
2,9 jours |
1998 |
10265 |
23 % |
2484 |
+603
mineurs |
332 |
79,3 % |
7 jours |
1999 |
9308 |
51 % |
4817 |
+780 mineurs |
602 |
87,4 % |
8,2 jours |
Le dépôt à
l'Assemblée nationale en décembre 1991 de “l'amendement
Marchand”,
du nom du ministre de l’Intérieur de l’époque, avait
soulevé un tollé de protestations. Tant la procédure
employée par le gouvernement que le contenu du texte avaient
provoqué l'indignation de bon nombre de
parlementaires et d'organisations de défense des droits de l'homme.
Plus ou moins contraint par le groupe
socialiste au Sénat, le gouvernement avait
soumis le texte voté à la censure du Conseil
constitutionnel. Dans sa
décision du 25 février 1992, le Conseil a jugé non
conforme à la Constitution l’article 8 de la loi relative à
l’entrée et au séjour des étrangers en France, qui
traitait du maintien en zone de transit. Le maintien en zone d’attente a
été considéré comme une “ atteinte
à la liberté individuelle ” , le contrôle du juge judiciaire
nécessaire, mais le délai de son intervention
n’était pas précisé : “ en
conférant à l’autorité administrative le pouvoir de
maintenir durablement un étranger en zone de transit, sans
réserver la possibilité pour l’autorité judiciaire
d’intervenir dans les meilleurs délais, l’article 35 quater
ajouté à l’ordonnance du 2 novembre 1945 par
l’article 8, est en l’état contraire à la constitution ”
La zone de
transit n’a pas disparu pour autant, un nouveau projet de loi fut
rapidement élaboré. L'amendement Marchand se transforma en projet
Quilès, nom du ministre qui lui succéda, la zone de transit en
zone d'attente, les dispositions les plus choquantes furent
corrigées : le délai de maintien ramené de 30
à 20 jours, l'intervention de la justice après 4 jours et non 20
jours, le pouvoir de prolonger le maintien transféré du juge
administratif au juge judiciaire.
Ces
aménagements ont abouti
à la loi du 6 juillet 1992
qui constitua une avancée
car les zones d’attente n’étaient désormais plus des
lieux en dehors du droit. Cependant de nombreuses améliorations
étaient et sont encore nécessaires, parmi les plus importantes,
la possibilité d’un recours suspensif contre une décision
de rejet de la demande d’asile par le ministère de
l’Intérieur pour cause de demande manifestement infondée.
Pour l’Anafé, la loi Quilès constituait néanmoins
une régression, tant sur le plan des libertés individuelles - car
elle instaurait un régime dérogatoire de privation de
liberté pour des étrangers dont le seul délit était
de demander l'accès au territoire français - qu'à
l'égard du droit d'asile.
L'année 1998 a
été marquée par la réforme de l'ordonnance du 2
novembre 1945 sur les étrangers et de la loi de 1952 sur l'asile. La loi
du 11 mai 1998 n'a que très peu touché aux conditions
d'entrée en France et pas du tout au régime du maintien en zone
d'attente. Malgré les interventions de l'Anafé auprès du
ministère de l'Intérieur et des parlementaires, aucune de ses
revendications n'a été prise en compte.
En 1999, l'Anafé a
cherché à utiliser deux projets de loi en cours de discussion
pour tenter d'introduire diverses dispositions.
8L'Assemblée nationale avait
voté un amendement au projet de loi sur la présomption d'innocence, tendant
à rendre obligatoire la visite trimestrielle des locaux de garde
à vue par le procureur de la République. L'Anafé a
élaboré un argumentaire et un projet d'amendement tendant
à étendre cette obligation aux locaux de rétention
administrative et de maintien en zone d'attente. Le rapporteur de la commission
des lois sur ce projet, qui avait elle-même présenté et
défendu l'amendement sur la garde à vue, s'est montrée
favorable à notre proposition et s'est engagée à le
présenter en deuxième lecture.
Il a finalement été
en partie repris dans le texte définitivement voté, qui l'a
inséré dans l'ordonnance du 2 novembre 1945 sous la forme de deux
dispositions introduites aux articles 35 bis et 35 quater qui font obligation
au procureur de la République de visiter les centres de rétention
administrative et les zones d'attente au moins une fois par semestre.
8De même, la polémique née de l'arrêt
du Tribunal des Conflits du 12 mai 1997 dans l'affaire de deux passagers clandestins
consignés à bord d'un navire et défendus par
l'Anafé a obligé le gouvernement à réfléchir
à une réforme des procédures d'urgence devant les
juridictions administratives (voir 14 passagers clandestins dans les ports).
Sur la base d'un rapport du Conseil d'Etat, il a déposé un projet
de loi tendant à introduire une procédure de
référé devant les juridictions administratives comparable
à celle du référé devant le juge civil.
Comme les travaux parlementaires
le reconnaissent expressément, il est à craindre que le
dispositif envisagé ne soit insuffisant, notamment trop long,
l'exécution d'une décision de refus d'entrée en France
pouvant intervenir immédiatement et ses conséquences étant
alors irréversibles, malgré le risque majeur encouru par les
intéressés. Seule l'instauration d'un recours suspensif pourrait
pallier ce risque.
Ainsi, en 1999, l'Anafé avait saisi
de cette question le Comité des Nations-Unies contre la torture (CAT),
chargé de surveiller l'application de la Convention des Nations-Unies contre
la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants, qui allait examiner le rapport périodique de la
France. Relevant le risque de violation de l'article 3 de cette convention
interdisant le
renvoi d'une
personne vers un pays où elle risque d'être soumise à la
torture, le CAT a demandé à la France d'instaurer un tel recours.
L'Anafé a également
élaboré un argumentaire et un projet d'amendement tendant
à instaurer un recours suspensif contre les décisions de refus
d'entrée en France comparable à celui qui existe en
matière de reconduite à la frontière. L'Anafé a
rencontré à cette occasion le rapporteur de la commission des
lois sur le projet de loi relatif au référé devant les
juridictions administratives, qui s'est montré favorable à notre
proposition tout en craignant que le ministère de l'Intérieur ne
s'y oppose fermement. On peut malheureusement penser que tel a
été le cas puisque, lors de l'examen du projet par
l'assemblée en décembre, cette question n'a pas été
soulevée.
Le suivi et la défense individuelle d’étrangers en
difficulté a constitué une part importante du travail de
l’Anafé. Elle est intervenue auprès de nombreuses
personnes, essentiellement à Roissy mais également pour quelques
cas à Orly et en province, principalement pour des demandeurs
d’asile mais également pour des non-admis dont le refus
d’entrée était contestable. En 1997, l’Anafé a
essayé d’élargir son action dans une autre direction :
les refus de visa. Le visa constituant le premier
obstacle à l'entrée en France, il était logique de
s'intéresser aux conditions de sa délivrance,
particulièrement opaques du fait notamment de l'absence de toute source
législative ou réglementaire dans ce domaine. La seule
référence textuelle étant l'Instruction
générale relative aux visas,
l'Anafé a demandé communication de ce document au
ministère des Affaires étrangères. Celui-ci y a
opposé un refus, confirmé par le Conseil d'Etat, qui a
jugé que la divulgation de l'Instruction générale serait susceptible de "porter atteinte au secret
de la politique extérieure"[4].
L’Anafé a mené plusieurs interventions auprès
de l’administration sur des situations individuelles, l’absence de
motivation en cas de refus de délivrance des visas rendant les recours
presque impossibles.
Pendant les premières années d’application de l’article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945, une part importante du travail d’assistance aux étrangers a consisté à préparer leur défense en vue de leur présentation devant le juge chargé de statuer sur la prolongation de leur maintien en zone d’attente au-delà de quatre jours. Le raccourcissement des délais, y compris pour les demandeurs d’asile, a réduit la proportion d’étrangers présentés. L’essentiel du travail consistait d’abord à cerner leur situation et à leur expliquer les procédures, puis à tenter d’obtenir de la PAF, de la DAF et de la DLPAJ qu’elles acceptent de réexaminer les situations et de revenir sur les décisions à la lumière des éléments qui avaient été obtenus.
L’augmentation importante du nombre de demandeurs après 1996, alors que les moyens de la DAF avaient dans un premier temps diminué, a contribué à faire augmenter à nouveau les délais et à redonner une certaine importance au contrôle par le juge du maintien en zone d’attente. Ainsi la jurisprudence de la Cour d’appel de Paris annulant la procédure de maintien à l’encontre d’un mineur pour irrégularité en l’absence de capacité de l’intéressé est devenue systématique.
L’appréciation du
caractère manifestement infondé des demandes d’asile fait
régulièrement l’objet de discussions entre
l’Anafé et les ministères concernés. Le refoulement
d’un Cubain Roberto Viza Egues vers son pays en août 2000 illustre
ces divergences. Le risque existe en effet que l’examen à la
frontière s’apparente à une prédétermination
du statut de réfugié, du seul ressort de l’OFPRA[5].
L’examen à la frontière ne doit en aucun cas chercher
à “ prouver ” l’appartenance d’un demandeur à tel
ou tel parti ou association. Dans le domaine proche des sanctions aux
transporteurs, le Conseil constitutionnel
avait précisé que, lorsqu’il s’agit
d’un demandeur d’asile, le transporteur doit “ se
borner à appréhender la situation de
l’intéressé sans avoir à procéder à
aucune recherche ”[6]. Pour Roberto Viza Egues, le ministère
aurait affirmé s’être “ renseigné
auprès de plusieurs sources certaines et avoir conclu qu’il
n’appartenait pas à la dissidence cubaine ” et qu’il ne lui a pas été
possible de “ prouver l’appartenance formelle à
l’organisation ”[7], en l’occurrence le Mouvement du 14
février. En outre, Roberto aurait été refoulé alors
que le représentant du ministère des Affaires
étrangères, seul à l’avoir rencontré,
était favorable à son admission sur le territoire.
Concernant les conditions d’exécution des
décisions de renvoi, les allégations de violence à
l’occasion des tentatives d’embarquement sont devenues plus
nombreuses. A propos des reconduites à la frontière, Jean-Cyril
Spinetta ancien PDG d’Air France précisait qu'entre 1996 et
novembre 1998, “ 116 incidents ont eu lieu à bord des
vols”[8]. N’étant pas témoin de
telles scènes, l’Anafé peut difficilement lancer des
accusations à partir de témoignages indirects. Cette question
délicate à aborder fait tout de même l’objet de
discussions et d’échanges avec le ministère de
l’Intérieur, parallèlement aux dénonciations
publiques. En mars 2000, l’Anafé a rendu public un rapport
intitulé Après les prisons, les aéroports faisant l’état des lieux des
zones et de l’utilisation de la violence[9].
4Entrée des étrangers et asile
outre‑mer
En novembre 1998, le traitement par
l'administration française du dossier de boat people chinois
arrivés à la suite d'un naufrage en Nouvelle Calédonie a
mis en lumière les lacunes du droit en vigueur dans les TOM, dans les
domaines de l'accès au territoire et du droit d'asile. En demandant au
Premier ministre l'abrogation de la réglementation applicable -- un
décret de 1937 --, l'Anafé a contribué, même si
cette demande s'est heurtée à un refus implicite qui a fait
l'objet d'un recours toujours pendant devant le Conseil d'Etat, à une
réforme en profondeur de la réglementation dans les TOM : a
ainsi été rendu applicable le régime de maintien en zone
d'attente, sous la réserve importante du doublement des
différents délais prévus à l'article 35 quater de
l'ordonnance de 1945, dans ces territoires. Par ailleurs, la compétence
de l'OFPRA et celle de la Commission des recours des réfugiés ont
été étendues aux territoires d'outre-mer. Avec des
conséquences concrètes : alors que les premières demandes
d'asile déposées par les quelque cent boat people avaient toutes
été rejetées par le ministère de l'Intérieur
avant l'entrée en vigueur de la réforme, ce sont 20% des
mêmes dossiers qui ont finalement fait l'objet de la reconnaissance du
statut de réfugié après leur examen par l'OFPRA et la
chambre de la Commission siégeant à Nouméa.
Ce sont aussi des demandeurs d'asile chinois
naufragés et récupérés par la marine nationale
française en novembre 1999 au large de l'île de Saint-Martin
(Guadeloupe) qui ont fait apparaître les problèmes d'application
des dispositions légales relatives à l'entrée en France et
à l'asile dans les départements d'outre-mer. Sur le plan
matériel, malgré l'existence théorique, selon un
arrêté préfectoral de 1992, de vingt zones d'attente dans
le département de la Guadeloupe, il est apparu qu'un seul local
situé dans l'enceinte de l'aéroport Pôles Caraïbes
servait à la fois de centre de rétention, de zone d'attente et de
salle de garde à vue. En ce qui concerne la procédure, au cours
de laquelle de nombreuses irrégularités ont été
commises par l'administration préfectorale, l'Anafé, avec le
Gisti et Amnesty International et le concours d'avocats bénévoles
n'est parvenue qu'avec beaucoup de difficultés à faire
enregistrer les demandes de reconnaissance du statut de réfugié
des ressortissants chinois. Celles-ci, du fait de l'éloignement, n'ont
été traitées que par correspondance et aucun des
demandeurs n'a pu comparaître devant la Commission des recours. Toutes
les demandes ont été rejetées.
5. Renvoi vers un pays tiers
Nombre d’étrangers transitent par un ou plusieurs pays avant d’atteindre les frontières françaises pour y déposer une demande d’asile. La durée de ce transit peut varier de quelques heures à quelques semaines. Les pays traversés ne sont pas toujours signataires de la Convention de Genève, parfois les étrangers y sont en danger, notamment de renvoi vers leur pays d’origine.
4Jusque 1994, le ministère de
l’Intérieur a retenu le transit par un pays tiers comme un des
critères pouvant qualifier une demande d’asile à la
frontière de "manifestement infondée" et lui permettant de refuser
l’accès du territoire à un demandeur d’asile,
écartant ainsi sa demande de la procédure habituellement
appliquée. Aucune mesure garantissant sa protection dans le pays de
renvoi n’était prise. La Convention de Genève ne
prévoit pas de clause d’exclusion qui se fonderait sur le passage
par un pays tiers. Or, si pour l’examen de la qualité de
réfugié, l’existence d’un pays tiers d’accueil
n’est pas un obstacle a priori, il n’existe aucune raison a fortiori pour qu’elle le devienne lors de
l’examen du caractère “ manifestement
infondé ”
d’une demande qui apparaît comme un examen plus
allégé. Une demande “ manifestement
infondée ” ne
peut donc reposer sur l’existence d’un pays tiers d’accueil
possible.
Le bilan de l’année 1993 du
ministère de l’Intérieur confirmait que le passage par un
pays tiers constituait un des critères pour déclarer une demande
infondée : lorsque la demande “ émane
d’une personne ayant trouvé un pays tiers d’accueil en
provenance duquel elle vient (si elle fait état d’un séjour
suffisamment long qui lui aurait permis de solliciter une protection
adéquate auprès des autorités de ce pays, avec lesquelles
elle n’aurait pas eu de problèmes”. Selon ce rapport, 36% des rejets relevaient de
ces cas durant le premier semestre de 1993 et 33% pour le second semestre.
4En 1994, un ressortissant libérien Peter Rogers est
arrivé en France par bateau en provenance du Cameroun. Dans le port de
Dunkerque, les autorités françaises l’ont consigné
sur le bateau avec d’autres passagers. Sa demande d’asile a
été jugée manifestement infondée, le
ministère de l’Intérieur a pris une décision de
non-admission estimant qu’il aurait pu demander protection au Cameroun,
signataire de la Convention de Genève et pays tiers par lequel il avait
transité.
Le 27 mai 1994, le tribunal administratif de Paris a annulé le
rejet de la demande d’entrée en France formulée par Peter
Rogers. Le ministère de l’Intérieur a intenté un
recours devant le Conseil d’Etat lequel a confirmé le jugement
(CE, 6 décembre 1996). Le Conseil a considéré que la
circonstance que Peter Rogers ait fait étape au Cameroun sans y demander
protection “ n’aurait pas par elle-même permis de lui
refuser le statut de réfugié; qu’elle n’était
dès lors, pas au nombre de celles dont le Ministre de
l’Intérieur pouvait légalement tenir compte pour regarder
comme ‘manifestement infondée’ la demande de l’intéressé et lui
interdire pour ce motif l’accès au territoire ”. Pourtant, il n’est pas exclu
qu'aujourd'hui encore, le passage d’un demandeur par un pays tiers
intervienne dans l’appréciation du caractère manifestement
infondé de sa demande, l’administration sachant qu’elle
cherchera à le renvoyer dans un autre pays que le sien.
En 1991, le ministère de l'Intérieur a
proposé des discussions à l'Anafé qui demandait un accès à la
zone internationale des aéroports afin d'y venir en aide aux
étrangers qui éprouvaient des difficultés à se
faire admettre sur le territoire français et particulièrement aux
demandeurs d'asile. Ces discussions ont duré environ un an, plusieurs
réunions ont eu lieu. Finalement, le ministère de
l'Intérieur opposa une fin de non-recevoir à notre association,
préférant que cette présence soit assurée
uniquement par des organismes gouvernementaux, en l’occurrence à
l’époque l’OFPRA et l’OMI.
La loi du 6 juillet 1992 qui a créé les
zones d’attente annonçait un décret autorisant le HCR et
des associations à y accéder. Il a malheureusement fallu attendre
trois années pour voir le ministère publier ce décret. En
outre, l’accès permis par le décret du 2 mai 1995
était très limité : seulement 5 associations
habilitées[10]
à effectuer chacune une visite par zone et par trimestre. Chaque
association pouvait désigner cinq représentants.
L’Anafé a demandé au Conseil d’Etat d’annuler
ce décret. Le recours a été rejeté, le Conseil
estimant que “ la loi laissait au gouvernement la
liberté de limiter la mission des associations à un rôle
d’observateur pour lequel la fréquence imposée est
suffisante. ”
En 1996, l’Anafé a décidé d’encourager
les associations qui n’avaient pas été habilitées
à contester la décision et a présenté des
modèles de recours devant le tribunal administratif contre les décisions de refus
d’habilitation. Les tribunaux administratifs de Paris et de Rouen ont annulé les décisions
déférées à leur censure par les associations dont
les demandes avaient été rejetées en 1995, alors que le
tribunal
de Lyon s’estimant territorialement incompétent renvoyait les
requêtes qui lui étaient soumises au Conseil d’Etat. Le TA
de Rouen a estimé qu’il y avait une erreur manifeste d’appréciation,
estimant que le nombre de visiteurs agréés était
“ insuffisant au regard du nombre de zones
d’attente ”.
Quand au TA de Paris, il a
annulé la décision pour erreur de droit, le
ministère de l’Intérieur ayant substitué une
“ logique de concours à une logique d’examen ”. Le ministère a
interjeté appel du jugement du TA de Rouen devant la Cour administrative
d’Appel de Nantes qui a infirmé le jugement. Le Conseil
d’Etat a rejeté les
requêtes transmises par le tribunal de Lyon.
Par ailleurs les associations habilitées ont
déposé un recours contre l’obligation de demander une
autorisation au ministère de l’Intérieur avant chaque
visite. Le tribunal administratif de Paris a rejeté ce recours, par
jugement du 3 juillet 1998. L’Anafé a toujours milité pour
obtenir le droit de rester en permanence dans les zones d’attente afin
d’être plus près des étrangers et de leur apporter
une aide plus efficace et de manière quotidienne. Cette revendication
n’a pas été satisfaite. En 1997, le nouveau gouvernement n’a
pas désiré modifier la logique de la procédure. Le
décret du 17 juin 1998 a fait néanmoins preuve de plus
d’ouverture. Il permet désormais à chaque association de
demander l’accréditation de 10 visiteurs pour trois ans et les
autorise à effectuer 8 visites par zone et par an. Aux cinq
premières associations habilitées, une sixième a
été ajoutée, Médecins sans frontières.
L’accès limité des zones d’attente, la
nécessité de demander préalablement au ministère de
l’Intérieur l’autorisation ainsi que la dépendance
à l’égard de la volonté des fonctionnaires de police
semblent aller à l’encontre de l’esprit de Paul
Quilès, initiateur de la loi, lequel déclarait au cours des
débats parlementaires : "Les associations seront
présentes. Je ne doute pas un seul instant qu’elles seront
attentives à faire connaître leurs droits à tous les
étrangers qui arriveront".
Chaque visite des représentants agréés est soumise
à l’accord préalable du ministère de
l’Intérieur. La procédure d’autorisation est normalement
assez simple et rapide, elle n’a généralement pas
présenté de difficultés particulières. Depuis le
début de l’année 2000, plusieurs visiteurs se sont
néanmoins heurtés à diverses difficultés. Le
ministère a opposé plusieurs refus totaux ou partiels,
c’est-à-dire limités à une partie de la
journée (Anafé les 5/02 et 11/02, Cimade le 9/02) motivés
par les nécessités d’ordre public. Le ministère a
par ailleurs plusieurs fois tenté de faire renoncer des visiteurs, en
jugeant le délai trop court et en leur demandant de leur faire une
demande 48 heures à l’avance. Le ministère a fait des
difficultés pour autoriser une visite le dimanche.
Beaucoup de visiteurs ont aussi subi des délais d’attente
injustifiés entre leur arrivée et l’autorisation effective d’accès
aux différents lieux de maintien. Absence de coopération et
d’information des officiers de police, tentative de dissuasion :
malgré leurs cartes de l’Anafé et la
télécopie de l’administration montrant
l’autorisation, la présidente de l’Anafé et sa collègue,
ont attendu plus d’une heure avant de renoncer à
cette visite du 12 juin 2000.
Il y a aujourd’hui 122 zones d’attente en France
métropolitaine et outre-mer (voir liste en annexe). En 1997, 77 visites
ont été effectuées : 42 par l’Anafé, 12
par Amnesty international, 9 par France terre d’Asile, 9 par la
Croix-Rouge et 5 par la Cimade. En 1998, seulement 32 visites : 16 par
l’Anafé, 5 par Amnesty international … Ce faible nombre
permet de se poser la question de l’efficacité des associations
dans les zones d’attente ou du moins de leur réel engagement. Il
est également vrai que le fait de ne permettre aux associations
l’accès aux zones qu’un nombre limité de fois chaque
année, à un nombre également limité de visiteurs ne
facilite pas le recrutement de bénévoles compétents pour
cette activité. En outre, l’Anafé ne dispose pas de
ressources suffisantes pour assumer les frais afférents aux visites en
province.
Les visites des zones d’attente permettent de
fournir sur place des conseils et une assistance à certains des
étrangers rencontrés qui le sollicitent. Le décret du 2
mai 1995 précise d’ailleurs qu’il est possible de
s’entretenir avec eux de manière confidentielle. Dans un second
temps, elles permettent une observation de la situation et un constat des
dysfonctionnements dans les lieux de maintien. Cette analyse permet aux
associations d’émettre des revendications et de proposer certaines
mesures qui seraient plus protectrices et respectueuses des étrangers et
des réfugiés.
Le décret du 2 mai 1995 a prévu
qu’une réunion se tienne annuellement entre les acteurs du milieu
associatif et les services de l’Etat concernés, ministères
de l’Intérieur et des Affaires étrangères ainsi que
l’Office des Migrations Internationales (OMI). Trois réunions
annuelles ont eu lieu entre les associations habilitées et les
administrations concernées. C’est ainsi que des
améliorations ont pu être apportées (rédaction
et affichage du règlement
intérieur, nouvelle formulation dans le formulaire pour le respect du
jour franc, présence physique d’un interprète...). Le
décret du 2 mai 1985 prévoit que le compte-rendu de ces
réunions sera rendu public mais aucune discussion n’a
été menée avec le ministère afin de décider
de cette phase.
Pendant plusieurs années, l’Anafé
a centralisé les rapports de visites des associations membres, en a
analysé les observations et a rédigé un rapport de
synthèse. En 1998 et 1999, l’Anafé a publié un
rapport des visites effectuées l’année
précédente. Tiré à 3000 exemplaires, il a
été envoyé, en plus des ministères et
administrations concernées, au parlement, à la presse[11],
à toutes les juridictions administratives et judiciaires et aux
barreaux, aux organisations membres de l’Anafé pour diffusion dans
leurs réseaux, à de nombreuses organisations associatives,
syndicales et politiques, à de nombreuses représentations
consulaires et diplomatiques étrangères en France, ainsi
qu'à des associations étrangères et à
différents organes de l'Union Européenne (Parlement et
Commission) et du Conseil de l'Europe (Assemblée parlementaire,
département des droits de l'homme, CEDH et CPT) et aux commissions de
l'ONU spécialisées dans le domaine des droits de l'homme.
En vertu de l’article 5 de l’ordonnance du
2 novembre 1945, l’étranger à qui l’entrée en
France est refusée ne peut être rapatrié contre son
gré avant le délai d’un jour franc, c’est-à-dire
un jour entier, de 0 h à 24 h, ce qui signifie concrètement
que le rapatriement ne peut intervenir qu’à partir du surlendemain
0 h de la notification de la décision. L’étranger peut
renoncer à cette garantie mais cela doit résulter d’une
décision prise sans équivoque et faire l’objet d’une
mention écrite et signée de sa main. Le formulaire de
non-admission traduisait cette exigence par une
mention rédigée de la façon suivante : “ [la loi] vous permet également
, si vous le souhaitez, de disposer d’un délai d’un jour
franc avant ce rapatriement . Je renonce à bénéficier
au
délai du jour franc prévu à
l’article 5 ”,
suivie de l’alternative : “ OUI-NON ”.
L’Anafé a remarqué que la
quasi-totalité des étrangers semblaient y renoncer et ce
même lorsqu’ils contestaient le refus d’entrée ou
lorsqu’ils demandaient l’asile. De toute évidence, la
tournure de la phrase dans le formulaire et son manque de clarté
vidaient la garantie de son sens. La présentation était en outre
incompréhensible à toute personne qui ne connaît pas
l’ordonnance du 2 novembre 1945. Surtout la quasi totalité des
étrangers interrogés lors de visites affirmaient que la question
ne leur était jamais posée, encore moins expliquée, la
case étant souvent cochée par le policier.
L’Anafé alerta le ministère
à plusieurs reprises sur le non-respect de l’esprit de la loi
résultant de cette ambiguïté. Faisant suite à la
réunion du 14 octobre 1999 au ministère de
l’Intérieur sur le fonctionnement des zones d’attente,
plusieurs échanges de courrier (lettres du ministère en date des
15 février 2000, 13 mars et 2 mai) ont permis d’arriver à
une amélioration dans la rédaction. Celle-ci prévoit
actuellement une double signature de l’étranger, ce qui constitue
une avancée.
Dans une dernière correspondance datant du 15
juin 2000, l’Anafé a fait connaître sa position: l'étranger n'aurait plus à exprimer son choix
entre rapatriement et non-rapatriement par une signature sous une formule
pré-imprimée; il serait informé que la loi empêche
qu'il soit rapatrié contre son gré avant le délai d'un
jour franc, mais qu'il a la possibilité, en en faisant la demande
expresse, de repartir sans attendre ce délai. En septembre 2000,
la formule critiquée est toujours utilisée à Roissy.
Les étrangers maintenus dans les zones d’attente sont rarement au fait de la législation française et des subtilités des procédures qui leur sont appliquées. A plusieurs reprises, l’Anafé a fait part au ministère de l’Intérieur de son désir qu’un règlement intérieur des zones soit rédigé, traduit dans différentes langues et porté à leur connaissance. Un tel texte a finalement été élaboré. Ce règlement explique la procédure d’asile, les conditions d’hébergement, les droits de visites et la discipline à respecter avec mention des éventuelles mesures d’isolement.
Ce règlement est un progrès
non-négligeable pour le droit des étrangers maintenus,
d’autant plus que sa rédaction est le fruit
d’échanges entre le ministère et l’Anafé, les
associations ayant été autorisées à émettre
des propositions peu avant l’aboutissement du texte. Cependant, il reste
à obtenir qu’il soit effectivement porté à la
connaissance des étrangers concernés dans la langue qu’ils
comprennent.
Le règlement est théoriquement
affiché à l’entrée de chaque lieu de maintien. Lors
de la réunion de 1998 sur le fonctionnement des zones, le
ministère avait affirmé : “ un
règlement intérieur sera prochainement affiché dans les
zones d’attente (…) et sera traduit en cinq langues ”, ces langues devant être anglais,
arabe, espagnol, portugais et chinois. Il s’est avéré au cours des
visites effectuées par les associations qu’il
n’était pas toujours affiché ou traduit dans les
différentes langues, notamment l’arabe alors qu’il
l’était en italien. Dans les locaux du Mesnil-Amelot de la zone de
Roissy ouverts en juillet 2000, les règlements sont affichés en
français, anglais, italien, espagnol et allemand.
Lorsque le demandeur d’asile se présente
au poste frontière afin de solliciter son admission en France au titre
de l’asile, il est entendu par la PAF dans un premier temps. La PAF
sollicite rarement des interprètes lorsque les étrangers ne
parlent ni le français, ni l’anglais, que ce soit pour notifier
les décisions de refus d’entrée, de maintien en zone
d’attente, de renouvellement du maintien ou pour enregistrer la
première demande d’asile. Dans certains cas, les officiers de la
PAF ont recours pour les assister à des employés des
magasins hors taxes sous douane.
Dans les aéroports parisiens, le demandeur est
ensuite entendu par un représentant du ministère des Affaires
étrangères (Division asile aux frontières) qui
s’entretient avec lui. La méthode la plus souvent utilisée
à ce niveau de la procédure est l’interprétariat par
téléphone avec des interprètes professionnels de
l’association Inter service migrants. L’entretien terminé,
l’expert de la DAF doit disposer de toutes les informations qui vont lui
permettre d’émettre un avis sur l’admission ou la
non-admission, qui est ensuite transmis au ministère de
l’Intérieur pour la décision finale.
Par l’intermédiaire d’un avocat,
l’Anafé a tenté de faire déclarer illégale
cette pratique par la justice. Dans son ordonnance du 29 août 1998, la
Cour d’Appel de Paris n’a pas rejeté l’exception
d’irrégularité invoquée pour absence physique de
l’interprète, au motif qu’aucun texte n’imposait la
présence physique de ce dernier. Dans un arrêt du 7 octobre 1999,
la Cour de cassation a cassé et annulé cette décision au
motif que “ l’interprète doit nécessairement
être présent aux côtés de l’étranger qui
en sollicite l’assistance ”. L’administration continue cependant à
recourir à l’interprétariat par téléphone.
En vertu de l’article 35 quater de
l’ordonnance du 2 novembre 1945, lorsqu’il est mis fin au maintien
en zone d’attente, l’étranger est autorisé à
entrer sur le territoire français “ sous le couvert
d’un visa de régularisation de huit jours ”. Le texte prévoit qu’il devra
avoir quitté ce territoire à l’expiration de ce
délai, sauf s’il obtient une autorisation provisoire de
séjour ou un récépissé de demande de carte de
séjour.
L’Anafé avait remarqué que la PAF de Roissy ne
délivrait pas toujours de visa de régularisation, ou au mieux un
sauf-conduit dont elle fixait la durée à six jours, ce qui posait
deux types de difficultés :
8une difficulté matérielle : ce
délai raccourci ne facilitait pas les démarches puisqu’une
fois sur le territoire, tout demandeur d’asile doit d’abord obtenir
une domiciliation pour pouvoir retirer un dossier ;
8une difficulté pour les étrangers admis
après l’échec d’un renvoi munis d’un
sauf-conduit indiquant qu’ils doivent quitter la France et
précisant parfois que leur demande à la frontière a été
rejetée. Lorsqu’ils essayaient de déposer une demande sur
le territoire, la préfecture de police refusait en pratique de
l’enregistrer ou demandait son traitement en procédure dite prioritaire, procédure qui
manque de garanties (pas de recours suspensif, pas d’autorisation de
séjour, accès aux foyers et allocations refusés).
L’Anafé est intervenue à plusieurs
reprises auprès du ministère de l’Intérieur pour
faire cesser ces pratiques. Dans un courrier du 8 avril 1999, le Directeur des
libertés publiques et des affaires juridiques reconnaissait que cette
pratique “ contestable ” conduisait “ à un traitement
différencié des demandes d’asile que les
intéressés peuvent ensuite présenter sur le territoire qui n’a pas de
fondement légal”.
Il ajoutait que
“ des instructions écrites ont été
communiquées à la PAF de Roissy afin que la délivrance de
visas de régularisation soit à nouveau appliquée à
l’ensemble des demandeurs d’asile admis sur le territoire, quel qu’en soit le
motif. ”
Lors de la réunion du 14 octobre 1999 sur le
fonctionnement des zones d’attente, la DLPAJ indiquait aussi qu’un
nouveau modèle de sauf-conduit était rédigé, plus
proche du texte de l’article 35 quater de l’ordonnance du 2
novembre 1945. Il n’en demeure pas moins que les étrangers dont le
maintien en zone d’attente n’est pas prolongé par le
Tribunal sont souvent abandonnés sur place, à Bobigny, sans
documents. Les étrangers ne sont pas informés de
l’utilité du sauf-conduit pour la demande formelle sur le
territoire ; aussi, seuls ceux qui se rendent ensuite à Roissy par leurs
propres moyens pour y réclamer leurs effets sont parvenus à
obtenir la délivrance de ce document.
12. Les demandeurs d’asile mineurs
non-accompagnés
L’ordonnance du 2 novembre 1945 ne comporte
aucune disposition spécifique sur les mineurs non-accompagnés,
aussi les mineurs isolés sont maintenus en zone d’attente dans les
mêmes conditions que les adultes. Depuis le mois d’août 1998,
le juge judiciaire refuse dans la plupart des cas de prolonger leur maintien
lorsqu’ils lui sont présentés au bout de quatre jours,
estimant que le mineur n’a pas la capacité juridique pour
comparaître devant lui. Le mineur se voit pourtant notifier des
décisions administratives et judiciaires (refus d’accès au
territoire, maintien en zone d’attente) qui s’imposent à lui
et contre lesquelles il ne peut faire appel puisqu’il n’a pas de
représentant légal. Ainsi les mineurs sont maintenus en zone
d’attente pendant les quatre premiers jours et peuvent être
renvoyés à tout moment.
L’Anafé a attiré l’attention du
ministère de l’Intérieur sur cette situation à
plusieurs reprises, notamment à l’occasion des réunions
annuelles sur le fonctionnement des zones d’attente. Lors de la
réunion d’octobre 1999, la DLPAJ a indiqué aux associations
habilitées qu’une réunion spécifique y serait
consacrée. Malgré plusieurs relances, cette réunion
n’a jamais été convoquée. Entre-temps, le
ministère a mis en chantier une modification de l’article 35
quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945. L’Anafé a
tenté de connaître les dispositions de ce nouveau projet de loi
afin de pouvoir en proposer des amendements au gouvernement. Le 1er
août, elle était informée que la réunion promise
aurait lieu “ dès que le projet aura été
arrêté par le gouvernement ”. Nous espérions une réunion
d’échanges et de concertation, nous n’aurons qu’une
réunion d’information sur un projet bouclé.
En août 2000, le Premier Ministre a saisi la Commission Nationale
Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH) pour lui présenter les
hypothèses retenues et lui demander de rendre un avis pour le 1er
octobre. L’une des hypothèses est de permettre aux mineurs de 16
à 18 ans (90% des cas) d’agir en justice, au juge de
désigner un administrateur ad hoc pour les mineurs de 16 ans et de
rendre obligatoire la présence d’un avocat choisi ou
désigné d’office. Ces propositions sont largement
contestées par les associations, notamment l’Anafé dans son
communiqué du 19 septembre. Le 21 septembre, la CNCDH a confirmé
son avis adopté le 3 juillet 1998 demandant “ l’admission
immédiate sur le territoire des mineurs sollicitant
l’asile ”.
En vertu de l’article 35 quater, les personnes
maintenues en zone d’attente doivent pouvoir bénéficier de
“ prestations de type hôtelier ”. L’aéroport
Charles-de-Gaulle de Roissy constitue un cas à part puisqu’il
attire à lui seul plus de 95% des demandeurs d’asile qui sont
comptabilisés à toutes les frontières. Or depuis 1995, le
nombre de demandeurs a régulièrement augmenté pour
être multiplié par dix en 1999.
Les rapports de visites effectuées par
l’Anafé présentés au ministère de
l’Intérieur et rendus publics, les conférences de presse
pour informer des conditions précaires d’hébergement, de
l’insalubrité, du manque de place, l’ensemble du travail effectué
pour dénoncer le manque de moyens pour recevoir les étrangers ont
sans doute incité les services compétents à trouver des
solutions pour la zone de Roissy.
L’administration a réagi à plusieurs niveaux. Le
service DAF a vu ses effectifs augmenter, la capacité des locaux a
été accrue mais ces réactions ont général
été tardives. En attendant, la durée des procédures
s’est allongée, les étrangers ont été
obligés de passer plusieurs jours en zone d’attente et, pour
beaucoup, les conditions n’avaient plus rien “ d’hôtelier ”. En outre, le projet du ministre de
l’Intérieur de tripler le montant des amendes infligées aux
compagnies aériennes qui acheminent des étrangers démunis
des documents requis n’est sans doute pas étranger à
l’augmentation des demandes d’asile à Roissy et a sans doute
pour objectif de les limiter.
4Hébergement
Depuis plusieurs années, les étrangers sont maintenus
dans les chambres d’un étage réservé de
l’hôtel Ibis. Les 30 chambres du premier étage se sont
rapidement avérées insuffisantes. En 1998, suite aux visites et
au travail de dénonciation des conditions souvent inacceptables, des
travaux de rénovation ont été entrepris, conduisant dans
le même temps à utiliser des moyens d’hébergement
supplémentaires.
Lors de la réunion du 14 octobre 1999 sur le fonctionnement des
zones, la DLPAJ évoquait les conditions difficiles qui ont
prévalu depuis 1998. Dans un premier temps, le deuxième
étage de l’hôtel Ibis a été ouvert en
août 1999 mais cela devait constituer une solution provisoire. Le 20 août 2000, un docteur
expert près le TA de Paris a effectué une visite de ces deux
étages et décrivait: "le second étage est d'une
propreté satisfaisante, le premier couvert d'immondices .. la
chambre 34 a deux lits
séparés en bon état .. une salle d'eau fonctionnelle .. une
fenêtre que l'on ne peut ouvrir .. une climatisation parfaitement
inefficace .. en période de chaleur, l'atmosphère est
singulièrement pesante, l'air manquerait à ceux qui accuseraient
des troubles respiratoires .. le sommeil est problématique aux personnes
retenues".
Lorsque l’hébergement "de type
hôtelier" des deux
étages était saturé, les étrangers se retrouvaient
dans des conditions qualifiées “ d’épouvantables ” par Jean-Marie Delarue lui-même,
dans les locaux de police, en particulier aux aérogares 1 et 2 de Roissy
où “ les locaux sont réellement détestables ” (chronique d’Amnesty
International, mai 2000).
Suite à une visite du terminal 2A le 12
juin 2000, la présidente de l’Anafé s’exprimait
ainsi : “ il est impossible de ne pas rappeler que les
conditions matérielles d’accueil que nous avons pu constater dans
cette salle de correspondance sont inacceptables et ne sauraient en aucun cas
être justifiées par la moindre considération d’une
prétendue affluence exceptionnelle ; vingt-neuf personnes dans un espace
clos de 25m², aucune intimité, aucun accès libre aux
sanitaires, absence de douches…Nous avons déjà amplement
dénoncé une telle situation qui ne saurait perdurer. Une femme
enceinte de six mois, accompagnée de sa fille de six ans, y a séjourné
une semaine. ”
En juillet 2000, 72 places ont été
ouvertes au Mesnil-Amelot, dans un espace libéré par le centre de
rétention, afin de tenter d’éviter d’avoir recours
aux salles des postes de police des aérogares. Un nouvel établissement
devrait voir le jour dans la zone aéroportuaire au début de
l’année 2001. Lors de la réunion du 14 octobre 1999 sur le
fonctionnement des zones d’attente, le ministère de
l’Intérieur a précisé les contours du projet :
170 places, deux espaces de détente extérieur et
intérieur, une zone réservée aux mineurs isolés,
des bureaux pour les services administratifs, les avocats et les visiteurs. Une
question reste controversée : celle d’une salle
d’audience à l’intérieur même des murs de ce
centre. Lors de cette réunion, l’Anafé a demandé que
lui soient transmis les plans des futures zones d’attente de Roissy et
d’Arenc. Le Directeur des libertés publiques et des affaires
juridiques en a retenu l’idée et a accepté
d’organiser une réunion à cet effet. Une date a été
proposée en janvier 2000 puis annulée. Plus aucune suite
n’a été donnée.
En septembre, des étrangers sont toujours
maintenus pendant la journée dans les postes de police des terminaux
dans les conditions "épouvantables". Il s'agit en général de
personnes en attente d'un renvoi.
Il n’existe aucun chiffre fiable quant au nombre d’étrangers arrivés dans les ports qui auraient souhaité déposer une demande d’asile. Le nombre serait bien plus important que les cas recensés, notamment du fait de la pratique de l’administration de consigner les étrangers sur le bateau sans qu’ils puissent notamment faire enregistrer leur demande d’asile.
L’Anafé
est intervenue en justice auprès de passagers clandestins, notamment
à Sète en avril 1997, à Brest ou Lorient en juillet 1997.
Ainsi dans les affaires de Brest et de Lorient, l’avocat des
intéressés et l’Anafé ont décidé de
contester devant le TA de
Rennes
les décisions de renvoi prises en violation du droit au délai
d’un jour franc. Concernant la consignation à bord, le TGI de
Paris a été saisi d’une action civile en réparation
sur la base de l’article 136 du code de procédure pénale,
la seule autorisée par le Tribunal des conflits. L’avocat a
demandé un franc symbolique de dommages et intérêts pour
chacun des intéressés et l’Anafé et 10.000 francs
pour les frais de procédure, ainsi qu’une mesure de publication
judiciaire. Le jugement devrait être rendu au cours de l’hiver
2000/2001.
En 1997, des décisions de justice ont profondément
modifié la situation juridique des passagers clandestins.
4Après l’arrêt du tribunal
des Conflits du 12 mai rejetant la compétence du juge civil des
référés pour faire cesser les consignations
illégales, le juge administratif a déclaré illégale
leur consignation à bord des navires. Mais l’administration a
refusé de se plier au jugement d’un “ simple ” tribunal administratif (TA Poitiers, 9 juillet) dont
elle n’a pourtant pas fait appel. L’Anafé a continué
à intervenir pour des passagers clandestins consignés à
bord (affaires Poyarkovo à Sète, Jo Maple à Brest et
Aurélia à Lorient).
Deux nouvelles décisions ont fait avancer le
débat.
4Le 3 juillet 1997, le TA de Montpellier
annulait une décision ordonnant le renvoi des passagers clandestins vers
l’Italie, escale suivante du navire. C’était la
première fois qu’un juge administratif saisi des modalités
d’exécution d’une décision de refus
d’entrée condamnait la pratique constante de
l’administration consistant à renvoyer systématiquement le
passager clandestin par le même bateau. Cette pratique viole en effet
l’article 35 ter quand la destination du navire ne correspond pas
à un des trois cas autorisés par le texte : pays de
départ, pays d’origine ou pays où l’étranger
est autorisé à entrer
4Le 29 juillet 1997, dans l’affaire Zito,
le Conseil d’Etat a confirmé l’annulation de la
décision de refus d’entrée comme illégale car prise
à l’issue d’une procédure irrégulière,
en l’occurrence la consignation à bord. Le Conseil a
confirmé que l’étranger doit être placé en
zone d’attente pour bénéficier des garanties prévues
à l’article 35 quater. Des instructions ont été
adressées aux préfets à la suite de cet arrêt mais
uniquement oralement[12].
La pratique dans les ports reste variable, la consignation à bord a
continué à exister même si dans quelques ports les
passagers sont débarqués. Le ministère de
l’Intérieur semble ne pas exclure le maintien à
bord des passagers clandestins si le “ navire doit reprendre la mer dans un bref
délai ” ce
qui signifie dans un délai de 24 heures[13]. Les garanties prévues par
l’ordonnance du 2 novembre 1945 ne sont pas toujours respectées.
La loi du 27 décembre 1994 a étendu aux
gares ferroviaires ouvertes au trafic international le champ
d’application de l’article 35 quater. Le représentant de
l’Etat dans le département, le préfet et à Paris le
préfet de police, peut créer une zone d’attente dans ces
gares. Le problème actuel dans les zones d’attente ferroviaires,
notamment dans les gares de l’Est et du Nord, est le non-respect du jour
franc pour le renvoi des étrangers. Lors de la réunion annuelle
sur le fonctionnement des zones d’attente le 14 octobre 1999, la Police
aux Frontières et la DLPAJ ont reconnu que ces personnes étaient
renvoyées en général par le train suivant. Elles sont
maintenues en zone d’attente seulement lorsqu’elles sont
arrivées par le dernier train et que l’éloignement
n’est pas possible avant le lendemain.
Bilan
des visites
en zone d’attente à Roissy
Campagne de novembre 2000 à mars 2001
L’Anafé a
lancé une nouvelle campagne de visites de la zone d’attente de
l’aéroport Roissy Charles de Gaulle entre fin novembre 2000 et
mars 2001. Trois associations (Anafé,
Amnesty International et Cimade) ont effectué 16 visites, dans les zones
d’hébergement (Ibis, ZAPI 2, ZAPI 3) et sur les aérogares 1
(satellite 7), 2A, 2B, 2F. Il faut savoir que cet aéroport accueille
l’essentiel des personnes arrivant en France et qui sont maintenues en
zone d’attente[14].
Les textes internationaux et nationaux reconnaissent
à tout individu la liberté d’aller et venir, permettant
à toute personne de pouvoir se déplacer librement. L’usage
de cette liberté est limité par le nécessaire respect des
conditions d’entrée et de séjour sur le territoire national
fixées par chaque Etat. En France, les conditions d’entrée
des étrangers sont définies par l’ordonnance du 2 novembre
1945. Lorsque les personnes se présentant à la frontière ne
remplissent pas les conditions définies, elles peuvent être maintenues
en zone d’attente. Trois situations sont envisagées :
l’étranger est considéré comme “ non-admis ”, il est demandeur d’asile, il
est en transit interrompu.
Le maintien en zone d’attente limitant la liberté
d’aller et venir, il était nécessaire que son régime
soit encadré. La loi du 6 juillet 1992, article 35 quater de
l’ordonnance du 2 novembre 1945, crée les zones d’attente.
Le maintien est soumis à un certain nombre de conditions et
limité dans le temps. Certains droits sont reconnus aux personnes
maintenues : en théorie, elles sont libres de quitter la zone
d’attente pour toute destination située en dehors du territoire
français; mais en pratique les étrangers sont parfois
dépossédés de leurs papiers d’identité. La
zone d’attente doit également permettre aux personnes maintenues
de bénéficier d’une assistance linguistique,
médicale et juridique. Pour l’Anafé
, cette loi reste contestable tant sur le plan des libertés
individuelles que sur le respect du droit d’asile. L’Anafé s’est fixée
pour objectif “ d’assurer une présence effective et
compétente auprès des étrangers en difficulté en
zone internationale ”,
pour que les garanties accordées aux étrangers soient
respectées, “ et leur apporter une assistance juridique et
humanitaire ” en
cas de défaillance dans l’exercice de ces garanties.
A l’occasion de la visite de la nouvelle zone
ZAPI 3, le 8 janvier 2001, le ministre de l’Intérieur M. Daniel
Vaillant déclarait
“ La France est un pays ouvert,
(…) attaché depuis deux siècles, par sa tradition républicaine,
à accueillir l’étranger. Mais, en même temps, elle
n’a pas à dire oui à tous ceux qui par leur seule
volonté, ou par
l’utilisation de réseaux criminels, demandent à s’y
installer. Ce serait totalement irresponsable. (…) Cette
détermination n’entame en rien, cependant, notre volonté de
voir les situations individuelles des personnes non admises examinées
avec toutes les garanties qu’offrent la loi et le respect qu’un
Etat démocratique comme la France doit à la personne humaine.
C’est l’ambition que j’assigne à ces nouveaux locaux
et je sais pouvoir compter sur toutes les personnes qui y travailleront ”. Malgré
l’amélioration des conditions d’hébergement et bien
que “ le gouvernement a toujours entendu apporter des solutions
conformes à la dignité des personnes et au respect du droit ”, il a été
constaté, à de nombreuses reprises, que les droits de personnes
maintenues étaient bafoués, des demandes d’asile
n’étaient pas enregistrées, le jour franc était couramment
violé et le recours à la violence, était de plus en plus
fréquent.
1. Les conditions de visite des associations
Plusieurs visiteurs se sont heurtés à
certaines difficultés, pouvant aller du refus d'accès à
une partie de la zone, au refus de contact avec les personnes présentes
dans la zone d'attente.
Sept associations d'assistance aux étrangers, de défense
des droits de l'homme ou d'assistance médicale peuvent visiter les zones
d'attente sous réserve d'avoir obtenu un double agrément portant
sur l'association elle-même et sur les personnes désignées
par elle pour effectuer ces visites. Un arrêté du ministre de
l'Intérieur pris après avis du ministre des Affaires
étrangères désigne les associations habilitées;
leurs dix représentants obtiennent un agrément valable pour trois
ans, pour huit visites par an et par zone. Avant chaque visite, le visiteur
doit demander une autorisation expresse auprès du ministère de
l'Intérieur.
Une zone est “ délimitée
par le représentant de l'Etat dans le département ”, elle
s'étend “ du point d'embarquement et de
débarquement à ceux où sont effectués les
contrôles des personnes ” et peut inclure “ un ou
plusieurs lieux d'hébergement assurant aux étrangers
concernés des prestations de type hôtelier ”. Article 35
quater I de l’ordonnance du 2 novembre 1945.
L'accès aux aérogares et à tout
ou partie des aérogares a posé des problèmes. Deux
visiteurs se sont vu refuser l'accès à l'ensemble de
l'aérogare 2F, au motif que la zone d'attente se limite à ZAPI 2
et ZAPI 3 (CR du 15-02-01). Deux personnes se sont vu refuser l'accès
à des zones d'embarquement[15]
au motif que “ les visiteurs n'ont rien à faire là
où il n'y a pas d'INAD
” (CR du 16-01-01).
Deux autres visiteurs se sont vu refuser, dans un
premier temps, l'accès aux postes de police; finalement la PAF leur a
donné son accord, mais leur visite a été limitée
“ aux maintenus ”
(CR du 27-11-00). Ces décisions étaient tout à fait non
fondées au regard de la définition textuelle de la zone
d'attente.
Alors que le décret du 2 mai 1995
prévoit que “ les représentants
agréés d'une association habilitée (…) peuvent
s'entretenir confidentiellement avec les personnes maintenues dans cette zone ”, certains visiteurs se sont vu
interdire la possibilité de discuter avec les étrangers
présents dans les aérogares. Les différentes raisons
données : les étrangers étaient dans “ une
zone internationale ”,
décrite par la PAF comme une zone stérile comprise entre la zone
de débarquement et le contrôle de la police (CR du 26-12-00)
où ils étaient en instance de constitution de dossier (CR des
05-01-01 et 16-01-01).
Enfin il est regrettable qu’un visiteur se soit
vu confisquer la cassette de son dictaphone le temps d'une visite (CR du
26-12-00). Et qu'un autre visiteur ait été menacé
d’une “ inculpation pour aide à immigration
clandestine ” pour
avoir parlé avec des étrangers en zone internationale et leur
avoir conseillé de faire explicitement une demande d’asile au
poste de police (CR du 28-01-01).
2. Les conditions de maintien des étrangers
“ L'étranger qui
arrive en France (…) et qui soit n'est pas autorisé à
entrer sur le territoire français, soit demande son admission au titre
de l'asile, peut être maintenu dans une zone d'attente (…), pendant
le temps strictement nécessaire à son départ et, s'il est
demandeur d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa
demande n'est pas manifestement infondée ”, pour un maximum de 20 jours.
Article 35 quater I de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
ZAPI
3 doit accueillir les personnes maintenues en zone d’attente. Lorsque
ZAPI 3 est complet, les hommes, demandeurs d’asile, majeurs et
célibataires sont hébergés à ZAPI 2. Quant aux
aérogares, ils ne doivent pas servir de lieux
d’hébergement, pourtant des visiteurs ont pu constater,
lorsqu’ils ont pu y accéder, que des étrangers y avaient
passé la nuit (notamment celle du 26 décembre) ou y
étaient restés de longues heures, sans que l’on sache
pourquoi ils n’étaient pas transférés dans un des
lieux d’hébergement.
A. La zone dite “internationale”
La zone dite “ internationale ” est décrite par la PAF comme l'espace
compris entre le point de débarquement et le lieu où
s’effectue le contrôle de la police. Les personnes qui ont
visité la zone d’attente de l’aéroport de Roissy ont
pu rencontrer des étrangers dans la zone dite “ internationale ” ou “ stérile ” ou y constater leur présence. Ces
étrangers attendaient, parfois depuis plusieurs jours,
l’enregistrement de leur présence par la PAF comme non admis ou
comme demandeur d’asile.
Tant que ces étrangers n’ont pas pu faire enregistrer leur
situation par la police, ils n’existent pas pour l'administration, ce qui
les met dans une situation extrêmement précaire. En effet, tout
étranger maintenu en zone d’attente comme non admis, en transit
interrompu ou comme demandeur d’asile se voit reconnaître les
droits énumérés dans l’article 35 quater de
l’ordonnance du 2 novembre 1945. Leur logement et leur nourriture sont
notamment assurés par l’Etat français pendant toute la
durée de leur maintien en zone d’attente. Les étrangers qui
se trouvent dans la zone dite “internationale” n’ont accès à aucun de ces
droits élémentaires : ainsi certains ont pu témoigner
qu’ils avaient été nourris par les passagers et dormaient
sur les banquettes de l’aéroport (CR des 6-12-00, 18-12-00,
26-12-00, 28-01-01).
Une fois un passage accepté et
enregistré par la PAF, les étrangers peuvent être maintenus
dans les aérogares pendant la journée. Ils sont soit retenus dans
les cellules des postes de police, décrites comme “ un
cachot ” par une
étrangère maintenue (visite du 13-03-01), aux aérogares 1
(satellite 7), 2A, 2B, 2C et 2F, soit, en cas d'afflux plus important, dans les
salles mises à la disposition de la PAF dans le satellite 7 de
l'aérogare 1 et au sous-sol de l'aérogare 2A appelées
“ salle de correspondance ”.
L'aérogare 1 semble n’être
utilisé qu’exceptionnellement lorsqu’un groupe important
arrive, le temps nécessaire à l’accomplissement des
formalités. Les personnes sont maintenues soit dans la cellule du poste
de police soit dans la “ salle de correspondance ” au satellite 7.
Il n’est pas possible d’avoir accès
aux toilettes sans avoir recours aux policiers, et de ce fait l’attente
est parfois très longue : une femme policier a dit “ vous
n’avez qu’à pisser dans vos habits ” (CR du 05-01-01), un policier faisait
répéter plusieurs fois les demandes exigeant une formule de
politesse en anglais ou en français que les étrangers
murmuraient, effrayés et humiliés (CR du 30-12-00).
A plusieurs reprises, des étrangers se sont plaints de ne pas avoir
été nourris parfois depuis la veille au soir (CR des 18 et 27‑12‑00).
Les repas sont servis à des heures précises et du fait de
transferts entre les lieux d'hébergement et les aérogares il
arrive que de nombreuses personnes ne se voient pas servir de repas ou un
simple repas tampon à ZAPI 3. Les policiers sont souvent contraints de
procéder à des réquisitions pour chaque
repas et pour chaque personne.
Les postes de police
Les locaux sont sales, des plateaux traînaient
par terre lors de la visite du 16 janvier. Les locaux exigus mesurent une
dizaine de m², des personnes y restent de longues heures, souvent
entassées (environ douze personnes) (CR des 18-12-00, 03‑01‑01
et 16-01-01). La chaleur est souvent insupportable, il n’y a aucune
aération. Le local est fermé à clé de
l'extérieur et il n'y a aucune poignée à
l'intérieur.
A l'intérieur du poste de police de l'aérogare 2F, se
trouve un sous-local de 1,50 m² vitré et fermé à
clé, “ pour les cas difficiles ” (CR du 16-01-01). Une caméra est
braquée sur la cellule du poste de police de l'aérogare 2A.
Les salles de
correspondance
(aérogare 2A et satellite 7 de
l'aérogare 1)
Les conditions sont similaires à celles des postes de police.
Les locaux dans le satellite 7 qui se composent de deux salles de 16 et 8
m² sont particulièrement vétustes et délabrés.
Ils sont sales, lors d’une visite des restes de plateaux repas
étaient dispersés sur le sol (CR du 28-01-01). Les salles sont
surchauffées, les personnes peuvent y être entassées (CR du
27-12-00). Ces salles ne sont pas aménagées pour que les
personnes puissent y dormir, pourtant jusqu'à 40 personnes y auraient
encore passé la nuit à même le sol (CR du 27-12-00).
Quelques brancards recouverts de couvertures servant, d’après
l’officier de police, de matelas étaient présents lors de
la visite du 28 janvier.
La salle de l’aérogare 2A qui mesure environ 40 m²
est coupée en deux par une cloison en bois. Les personnes sont souvent
rassemblées, les visiteurs ont compté une vingtaine de personnes
le 30 décembre. Les locaux sont également surchauffés et
l'odeur y est, parfois, difficilement supportable (CR du 30-12-00).
La zone d'attente peut inclure
“ un ou plusieurs lieux d'hébergement assurant aux
étrangers concernés des prestations de type hôtelier ”. Article 35
quater II de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
La zone d’attente de Roissy s’est successivement composée de différents lieux d'hébergement : l’hôtel Ibis, ZAPI 2, ZAPI 3. Les deux étages de l'hôtel Ibis ne sont plus loués depuis janvier 2001 du fait de l'ouverture de ZAPI 3. La campagne de visites s’étalant de fin novembre 2000 à mars 2001, les visites se sont faites dans ces différents lieux.
Ibis
L'utilisation de l'hôtel Ibis devait être provisoire mais
elle a duré plus de 10 ans. Pendant plusieurs années, un seul
étage de l'hôtel était réservé à cet
usage. Les trente chambres disponibles se sont avérées
insuffisantes et un 2ème étage a été
ouvert en août 1999, la capacité passant à 120 lits. Les
conditions de maintien s’étaient substantiellement
améliorées depuis 1999, avec la réquisition du 2ème
étage et la réalisation de travaux. Le ménage était
en train d'être fait dans les chambres durant plusieurs visites (CR des
13-12-00, 30-12-00 et 03-01-01).
Malgré cette impression d'une
amélioration des conditions de maintien dans l'hôtel Ibis, la
situation restait la même. Les étrangers étaient toujours
logés dans des chambres petites, dépouillées à l'exception
des lits, dans “ une promiscuité inacceptable ”[16],
avec des fenêtres scellées et une climatisation inefficace
entraînant une impression d’étouffement. L'absence de lieux
ou d’équipements collectifs entraînait l'inactivité
des adultes et des enfants maintenus.
Le faible nombre de personnes présentes lors de quatre visites (CR des 13-12-00 et 03, 09, 10-01-01) pouvait laisser supposer que les étrangers n'étaient plus entassés. Mais un agent de l'OMI a précisé aux visiteurs que les deux tiers des personnes qui avaient passé la nuit dans l'hôtel étaient parties pour le TGI de Bobigny (CR des 13-12-00 et 01-01-01).
Les difficultés constatées restaient les mêmes que précédemment. Une chambre condamnée (CR 13-12-00), à l'entrée le panneau indiquant “ Chambre 222 à désinfecter ; teignes (…) mineure arrivée le 2 janvier, départ prévu le 7 à 18h30 ” (CR du 03-01-01). Des personnes présentes
depuis la veille n'avaient toujours pas de trousse de toilette (CR du 30-12-00). Enfin les étrangers ne pouvaient pas user de leur droit de communiquer étant donné qu’un des téléphones du 2ème étage était en panne, et sans l’intervention des visiteurs, les personnes hébergées à cet étage n’auraient pas pu utiliser les téléphones du 1er étage (CR du 05-01-01).
A l’hôtel Ibis, se trouvaient les 5 et 6 janvier 2001 une dizaine de jeunes femmes, certaines déclarées mineures entre 13 et 17 ans, les autres jeunes majeures, arrivées par le même vol, avec comme seul contact en France, un numéro de portable. Leur situation a semblé inquiétante aux visiteurs, qui les ont mises en garde contre des réseaux de prostitution (CR des 05-01-01, 10-01-01).
Zapi 2
En juillet 2000, un nouveau lieu dans la zone d'attente a été ouvert, ZAPI 2, qui recouvre une zone auparavant utilisée pour le centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot. ZAPI 2 a été ouverte pour faire face à la saturation et éviter d'avoir recours aux salles des postes de police. Elle offre 72 lits supplémentaires. Ce lieu est habituellement réservé aux demandeurs d'asile, hommes, célibataires et majeurs.
La police gère le lieu et les demandeurs d’asile, la surveillance extérieure (porte d’entrée et clôture) est assurée par la gendarmerie et l'intendance par la pénitentiaire conjointement avec le CRA (CR du 27-12-00). La partie administrative de ZAPI 2 accueille les bureaux de la police, la DAF, l'OMI et est utilisée pour les visites personnelles (CR du 27-12-00). La partie hébergement se compose de trois bâtiments de douze chambres pour deux personnes. Dans chaque bâtiment, il y a quatre sanitaires avec des lavabos, quatre douches. Les repas sont servis dans un réfectoire commun avec le CRA mais à des heures différentes. Les repas sont apparemment meilleurs qu’à l’hôtel Ibis, mais les étrangers se plaignent souvent de l’inadaptation des repas à leurs habitudes alimentaires (CR du 27-12-00).
ZAPI 2 n'a aucun équipement collectif, les
personnes traînent dans les étroits couloirs lorsqu'elles ne
peuvent pas sortir (CR du 26-12-00). Les locaux sont exigus et les
étrangers sont soumis à un manque d'intimité
évident, notamment dans les douches qui n'ont pas de portes (CR du
27-12-00). L’espace de “ promenade ” en extérieur est très
réduit.
Zapi 3
ZAPI 3 est le nouveau bâtiment destiné
à l’hébergement, ouvert depuis janvier 2001. Il peut
accueillir entre 160 et 180 personnes. Il s’agit d’un
bâtiment avec un rez-de-chaussée et un étage, un espace
récréatif et un jardin entouré de grillages avec un
système d'alarme (CR du 15-02-01). Une sortie directe sur les pistes de l'aéroport
est aménagée. Les chambres pour les familles, les célibataires
et les mineurs isolés, sont équipées de lits,
d'étagères et de lavabos. Une salle de jeux dont l'entrée
est libre et deux salles de repos ont été
aménagées, ces deux dernières équipées de
sièges fixes et de téléviseurs. Ces postes de
télévision, qui avaient été livrés lors de
la visite du 15 février, ne fonctionnaient toujours pas fin mars, faute
d’antenne adéquate. De fait, les deux salles de repos
étaient fermées à clef ce 13 mars, et semblaient
désormais servir à faire attendre les étrangers maintenus
en instance de départ de ZAPI 3, soit vers l’aérogare (pour
les renvois) soit vers Bobigny (pour aller au tribunal). Sur la porte
d’une des deux salles était d’ailleurs collée une
étiquette portant la mention “ TGI ”. Ni le hall du
rez-de-chaussée, ni les couloirs à l’étage ne sont
équipés de chaises ou de bancs. Les personnes qui ne veulent pas
rester debout sont donc obligées de s’asseoir par terre, ce qui
est très fréquent dans les couloirs de l’étage. Des
bureaux, une salle d'attente, une salle de soins et d'examens sont
prévus pour l'infirmière et le médecin. Un
réfectoire de 66 places a été aménagé, 3
services sont possibles et les heures des repas sont : petit
déjeuner : 7h30/9h, déjeuner: 11h/13h, dîner: 17h/19h.
La distribution de la trousse de toilette a été confiée
à la société TEP.
Bien que destinée à offrir de meilleures
conditions de type hôtelier, ZAPI 3 semble ressembler pour certains
à une “ nouvelle prison ”[17]
(CR du 23-01-01) notamment en raison des fenêtres condamnées dans
chaque pièce, du sas de sécurité séparant la partie
administrative de la partie où sont maintenus
les étrangers, des rangées de grillage
de 4 mètres de haut et de la présence de cars de CRS devant le
bâtiment. Une salle de contrôle, une quinzaine de caméras de
surveillance réparties sur tout le bâtiment et une salle de
fouille individuelle accentuent ce sentiment. Pour parer à
d’éventuelles bagarres ou tentatives de suicides, il n’y a
ni poubelle, ni oreiller et ni seau dans ZAPI 3 (CR du 15-02-01).
8L’espace administratif
et l’espace dit “de liberté”
ZAPI 3 est divisée, par un sas, en deux espaces
: l’espace administratif et l’espace dit “ de
liberté ”
dans lequel les étrangers sont libres de se déplacer. La
circulation entre ces deux espaces est un problème pour les agents du
MAE[18]
et de l'OMI. Les relations entre les deux espaces passent par la police. Cette
séparation ne permet plus de signaler les demandes d'asile non
enregistrées (CR 10-01-01). La PAF estime que ce problème est
résolu par la présence de deux fonctionnaires de police qui
circulent régulièrement dans les couloirs (CR du 15-02-01). Ceci
est loin d’être confirmé par les témoignages des
étrangers maintenus. L’un d’entre eux a dit “ à
toutes les personnes qu’il rencontrait, à chaque occasion ” qu’il voulait demander
l’asile, et qu’il avait pourtant fallu six jours pour que sa
demande soit enregistrée, pendant lesquels il s’est opposé
quotidiennement à des tentatives de renvoi (visite du 13-03-01).
Les agents du MAE ont leurs bureaux dans l'espace administratif et ils
ne peuvent se déplacer librement dans ZAPI 3. Ce problème avait
déjà été soulevé avant l'ouverture de la
zone d'attente (CR du 10-01-01) et se confirme aujourd'hui (CR du 30-01-01), notamment
leurs badges ne leur permettent pas d’accéder à l'espace
dit “ de liberté ”.
Le même problème de circulation se pose pour les agents de
l'OMI qui disposent de deux petits bureaux à l'étage, dans
l'espace dit “ de liberté ”. Leurs badges ne leur permettent pas de
circuler librement dans tous les espaces de la zone d'attente (CR du 30-01-01).
Les agents de l'OMI fournissent une aide humanitaire et peuvent
s’entretenir avec les personnes présentes en zone d’attente,
ce qui leur permettait notamment de signaler à la PAF les demandes
d’asile non enregistrées. Aujourd’hui il semble que leur
accès aux postes de police soit limité et qu'ils n’aient
plus la possibilité de transmettre les demandes dasile à la PAF.
L'attribution de deux bureaux à l'OMI pose un autre
problème puisqu'ils étaient initialement prévus pour les
policiers de la PAF comme postes de garde. Les agents de la PAF n'ont donc plus
de bureaux à cet étage et déambulent dans les couloirs au
milieu des personnes (CR du 30-01-01), sans pouvoir notamment tenir de registre
consignant les demandes formulées par les étrangers.
8Autres problèmes
Les personnes convoquées par le MAE sont appelées de vive
voix par les policiers ou par l’intermédiaire d’un porte
voix qui grésille, d’où incompréhension des noms
… le policier répète … et trouve parfois
difficilement la personne (CR du 30-01-01).
Un autre problème est le fait que ZAPI 3 serait construite sur
un ancien dépôt d'hydrocarbures. Lors d’une visite, des
égoutiers s'affairaient pour assainir le réseau d'eau (CR du
10-01-2001), le problème risque de se renouveler.
Plusieurs
visiteurs ont remarqué que des étrangers maintenus étaient
vêtus de vêtements légers. Ainsi, l'absence de distribution
de vêtements chauds pose problème : des jeunes femmes seules
ou avec des enfants étaient dépourvues de chaussettes, de
chaussures d'hiver en plein mois de décembre (CR des 27-11-00,
03-01-01). Les agents de l'OMI confirment qu'ils n'ont des vêtements
chauds que pour les enfants (CR du 03-01-01).
3. Les droits bafoués
Une personne maintenue en zone d'attente
peut “ demander l'assistance d'un interprète et d'un
médecin et communiquer avec toute personne de son choix ”. Article 35
quater II alinéa 2 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Le Conseil d’Etat a souligné que
l’étranger qui demande son admission au titre de l’asile est
maintenu en zone d’attente “ afin qu’il puisse
bénéficier des garanties édictées par les
dispositions de l’article 35 quater ”, “ des garanties
grâces auxquelles il est
mieux à même de faire valoir ses prétentions devant
l’autorité administrative pour l’examen même de sa
demande d’asile ”[19].
Cependant,
les témoignages recueillis au cours des visites effectuées
montrent que des étrangers ont des difficultés pour faire
enregistrer leur demande d’asile dans deux situations différentes
: d’une part, certains n’arrivent pas à franchir le premier
contrôle de la PAF et restent dans la partie dite “internationale”
parmi les passagers en transit, d’autre part ils peuvent avoir franchi ce
contrôle mais se trouvent dans les catégories non-admis ou en
transit interrompu et ne parviennent pas à faire enregistrer leur
demande.
8Avant le contrôle PAF
Plusieurs
étrangers ont été rencontrés dans les
aérogares, dans la “ zone internationale
”, espace faisant également partie de la zone d’attente (CR
du 26-12-00, 30-12-00, 16-01-01, 28-01-01) : ces étrangers ne
bénéficient alors d’aucune assistance et déclarent
souvent soit qu’ils n’ont rien à manger (CR du 6-12-00),
soit qu’ils sont nourris par les passagers en attente d’un vol (CR
du 18-12-00) et souvent ils dorment sur les banquettes de
l’aérogare (CR du 26-12-00). Des étrangers vus dans les
postes de police, dans les salles de correspondance (CR des 18-12-00, 27-12-00,
30-12-00, 03-01-01) ou dans les lieux d’hébergement ont
témoigné avoir vécu une situation identique (CR des
26-12-00, 28-01-01). Ces étrangers ont expliqué que leur demande
d’asile n’avait été enregistrée
qu’après plusieurs jours passés dans
l’aérogare (CR des 18-12-00, 26-12-00, 30-12-00, 03-01-01,
16-01-01), certains y seraient restés jusqu’à huit jours.
La police affirme qu'elle n'a aucun
intérêt à refuser l'enregistrement de ces demandes mais
aussi que celles-ci doivent être spontanées et qu'il ne leur
revient pas d'interroger les étrangers pour savoir s'ils demandent ou
non l'asile (CR 30-12-00). Des étrangers ont témoigné
qu’on leur avait dit d’attendre dans la zone internationale (CR du
26-12-00). Lors de la visite du 30 décembre, l’officier de quart a
fait remarquer aux visiteurs les demandeurs d’asile devant la porte du
bureau de quart et il a expliqué, pendant la visite du 28 janvier, que
les étrangers présents en “ zone internationale ” doivent faire explicitement une
demande, qui est enregistrée en échange d’information
concernant leur vol d’arrivée et qu’il est donc
d’usage de les faire attendre quelques jours. Enfin, les officiers de
quart auraient l’ordre de ne pas enregistrer trop de demandes
d’asile (CR du 28-01-01).
8Après le contrôle
PAF
Des
étrangers maintenus en zone, en situation de non admis ou de transit
interrompu, ont également témoigné de difficultés
à faire enregistrer une demande d’asile notamment depuis ZAPI 3
(CR du 28-01-01). Le 22 mars, dix huit personnes n’avaient pas pu faire
enregistrer leur demande d’asile. Un policier qui venait chercher deux
étrangers pour les conduire à l’aérogare pour un
embarquement a prétendu que c’était dans
l’aérogare que leur demande pouvait être prise en
considération (CR du 15-02-01). La demande d'asile d'une femme a
été enregistrée, à ZAPI 3, après plusieurs
tentatives d'embarquement (visite du 13-03-01).
Certains
ont vu leur demande enregistrée après avoir refusé
d’embarquer (CR des 26‑12-00, 30-12-00, 09-01-01, 10-01-01,
13-03-01). Il est inquiétant de constater que certaines personnes, dans
cette situation, se soient vu répondre : “ Toi tu vas
rentrer chez toi ” ou encore “ Ce
n’est pas mon problème. Tu as déjà perdu toute ta
famille, il est naturel de mourir. Tu dois retourner là-bas ”
(CR du 30-12-00). Ou encore “ on ne veut pas de vous ici
” (visite du 13-03-01).
Le problème de l’interprétariat a d’importantes conséquences sur cette situation. L’absence d’interprète et le déroulement d’une procédure inconnue dans une langue incomprise empêche parfois les étrangers de pouvoir formuler une demande
d’asile. Deux ressortissants du Sri Lanka ont été maintenus en zone d’attente comme non admis, la procédure s’est déroulé en anglais, langue qu’ils ne comprenaient pas. C’est uniquement après une intervention des visiteurs pour qu’ils puissent s’exprimer par l’intermédiaire d’un interprète qu’ils ont pu formuler leur crainte d’un retour et leur volonté de demander l’asile (CR du 10‑01‑01).
Les allégations de violences policières sont fréquentes et les faits constatés et rapportés dépassent largement les conséquences de la tension qui peut régner en zone d'attente. Aux violences physiques s'ajoutent des violences psychologiques : les étrangers sont réveillés au milieu de la nuit, pour décliner leur identité à un policier qui frappe à toutes les portes, parfois plusieurs nuits de suite. Si la personne doit aller au TGI ou être renvoyée, elle est emmenée dans une salle au rez-de-chaussée de ZAPI 3, où elle doit patienter jusqu'à l'heure du départ (8h ou 9h) (visite du 22-03-01).
4A plusieurs reprises, des allégations
de violences ont été rapportées: humiliations (CR des
30-12-00, 28-01-01, 30-01-01), insultes (CR du 13-03-01), agressivité,
coups (CR des 18-12-00, 03-01-01, 05-01-01 28-01-01, 13-03-01) jusqu'au
tabassage (CR du 23-01-01). Si les visiteurs pouvaient difficilement
vérifier certaines allégations, ils ont pu constater, lors de
trois visites, que les étrangers rencontrés avaient des traces de
coups (CR des 05-01-01, 28-01-01, 13-03-01).
4Cette violence a été reconnue,
par le juge délégué de Bobigny. Dans un arrêt rendu
le 5 février 2001, il a constaté que M. John Ejike portait des
traces de coups; il a reconnu la voie de fait caractérisée et a
annulé la procédure. La PAF a fait appel de cette
décision. Cet arrêt a été confirmé par la
cour d'appel de Paris dans une ordonnance du 7 février 2001 :
“ considérant que John Ejike (…) fait valoir par
l’intermédiaire de son conseil qu’il a fait l’objet de
violences lors d’une tentative de réembarquement le jeudi 1er
février 2001 ; qu’il est produit un certificat médical
établi le 6 février 2001 mentionnant diverses lésions,
marques et traces d’hématomes et notamment des
“ croûtes ” manifestant que ces lésions ne
sont pas toutes récentes ; considérant que la
procédure ne fait état d’aucun élément
pouvant laisser penser que l’intéressé a été
blessé avant son appréhension ; qu’il résulte
du certificat médical (…) que John Ejike s’est plaint de
douleurs au “ poignet gauche ” et à
l’“ épaule gauche suite à des coups ”
(…) qu’il convient dans ces conditions de confirmer
l’ordonnance entreprise ”.
4Cette violence a souvent lieu dans un
aérogare notamment lorsque les étrangers demandent des
informations sur leur situation ou simplement lorsqu'ils ne répondent
pas aux questions qui leur sont posées (CR des 30‑12‑00, 05‑01‑01,
28‑01‑01, 30‑01‑01). Si les lieux d'hébergement
semblaient épargnés par la violence, un étranger a dit
avoir subi de tels actes dans l'aérogare puis à ZAPI 3 (CR du
30-01-01). Ces allégations de violence sont régulières
lors des tentatives d'embarquement et semblent courantes après un refus
d'embarquement (CR des 18-12-00, 03-01-01, 05-01-01, 23-01-01, 28-01-01,
13-03-01). Leur explication semble liée à la
généralisation des refus d’enregistrer les demandes
d’asile. Un officier de quart a même affirmé que
l’attitude de l’étranger pendant la tentative
d’embarquement permettait de “tester” l’authenticité de la demande
d’asile.
4Depuis quelques semaines, les
témoignages d'actes de violence se font plus courants. Lors d'une visite
à ZAPI 3 le 13 mars, les visiteurs ont pu recueillir le
témoignage d'une femme, ressortissante de République
Démocratique du Congo, victime de violences depuis son arrivée
à Roissy. Interpellée par la PAF à l'occasion du
contrôle passerelle de son avion, cette femme a été
conduite dans les locaux de la police dans l'aéroport. Elle a
signé de force, menacée d'une gifle, un papier pour quitter la
France. Elle a ensuite été conduite à ZAPI 3. Vers 3h du
matin, elle a été réveillée, on lui a
annoncé qu'elle devait partir. Elle a été
transférée à l'aéroport à 9h du matin:
pendant ce transfert, des injures ont été proférées
par les policiers: “cochons”, “macaques”. Lors d'une tentative d'embarquement et alors qu'elle
résistait,
elle a été frappée,
traînée par le bras et s’est fait écraser une jambe
par un policier. Les autres personnes présentes, menottées, se
sont débattues pour ne pas monter dans l'avion et ont reçu
également des coups. Les coups se sont arrêtés lorsque les
agents de la PAF ont vu arriver le bus amenant les passagers du vol.
Ramenée à ZAPI 3 vers 12h, cette femme n'a pas réussi
à descendre du bus du fait de ses blessures, elle a accepté
l'aide d'un policier, qui, en fait, l’a tiré par les cheveux. Ces
violences ont été telles que la police a
préféré l'emmener à l'hôpital, où un
traitement lui a été prescrit. La nuit suivante, toujours
à 3h du matin, elle a été à nouveau
réveillée. Elle a été à nouveau
transférée à l'aéroport, elle y a retrouvé
les mêmes personnes que la veille. A 11h, elle a été
ramenée à ZAPI 3. Le lendemain, l'infirmière la cherchait,
elle le savait, les visiteurs ont compris qu'elle avait peur, qu'elle n'avait
plus confiance en personne.
4Pendant la visite du 22 mars, le visiteur a recueilli le témoignage d'une dizaine de personnes, de nationalité sierra leonaise, guinéenne et pakistanaise, qui avaient subi des violences à plusieurs reprises lors de tentatives d'embarquement. Parmi ces personnes, un Sierra Leonais, arrivé le 17 mars. Il a subi une tentative d'embarquement, accompagnée de mauvais traitements, dans la nuit du 17 au 18 mars. Refusant d'embarquer, il a été ramené à ZAPI 3 où on l'a également battu: pris d’un malaise cardiaque, le médecin a été appelé. Cela n'a pas empêché qu'on le ramène à l'aéroport dans la nuit du 18 au 19 mars pour tenter de le faire monter dans un avion. Après un nouveau refus, il a été ramené à ZAPI 3. Le médecin qui l'a vu le 21 mars, a établi un certificat signalant qu'il avait subi une agression. Pourtant dans la nuit du 21 au 22 mars, il a été emmené pour la troisième fois à l'aéroport et une nouvelle fois battu. Lorsque le visiteur l'a rencontré il boitait. Le lendemain, selon nos informations, il ne pouvait plus sortir de sa chambre.
4Un Pakistanais témoigne que, dans la nuit du 20 au 21 mars, lors d'une tentative d'embarquement, il a reçu des coups de matraques, à tel point qu'il a dû être emmené aux urgences de l’hôpital. Le visiteur a pu constater qu'il avait sept points de sutures sur le crâne.
4Un Sierra Leonais raconte que dans la nuit du 18 au 19 mars, il a été frappé et tiré par terre par quatre policiers parce qu'il refusait de monter dans l'avion. Lorsque le visiteur l'a rencontré, il avait des plaies aux genoux.
Les étrangers maintenus à ZAPI 3 vivent dans une profonde angoisse, qui se renforce au fil des jours. Un étranger raconte que son inquiétude est liée, en partie, aux évènements auxquels il a assisté le 20 mars, au moment où il partait pour le TGI de Bobigny. Du camion de police, il a vu des hommes et des femmes, poignets et chevilles menottés. Certains de ces étrangers, qui partaient pour l'aéroport, avaient des ceintures les ligotant au niveau des genoux et des coudes. Les mains derrière le dos, ils ne pouvaient pas se déplacer et étaient transportés par les policiers comme de vulgaires objets.
Les
propos d’un étranger, libéré, qui devait se rendre
dans un hôtel pour passer la nuit, retranscrivent la crainte de se
déplacer seul dans Paris et il traduisent cette peur de se faire battre
à nouveau. Demandant à un des visiteurs si ce n'est pas
problématique de se présenter dans un lieu qu'il ne connaît
pas, il appuie ces paroles par un geste qui en dit long : le bras devant le
visage, comme un enfant qui va recevoir une gifle (visite le 21-03-01).
“ Le refus d'entrée ne peut
donner lieu à une mesure de rapatriement contre le gré de
l'intéressé avant l'expiration du délai d'un jour
franc. ”.
Article 5 de l'ordonnance du 2 novembre 1945.
Ce délai doit permettre à
l’étranger de faire jouer ses droits et notamment “ s’il
le souhaite, d’entrer plus facilement en contact avec les personnes de
son choix ”.
Circulaire du 26 juin 1990.
Ce délai est un droit
pour l'étranger, s’il ne veut pas en bénéficier, il
doit y renoncer expressément.
Le problème réside dans le fait que la
formule utilisée sur les notifications ne correspond pas à la loi
: “ [la loi] vous permet également, si vous le souhaitez,
de disposer d’un délai d’un jour franc avant ce rapatriement.
Je renonce à bénéficier au délai du jour franc
avant ce rapatriement ”,
suivi de deux cases “ oui ” et “ non ”. La présentation de ce
droit dans cette formule ne permet pas à une personne qui ne
connaît pas l'ordonnance du 2 novembre 1945 d'en comprendre
l’importance.
Outre
le fait que la formule est incompréhensible, il apparaît que la
case “ oui ” est très
fréquemment cochée, y compris par des demandeurs d'asile, ce qui
est manifestement contradictoire avec les droits dont ils disposent par ailleurs.
D'après la police, “ cette notion
est difficile à expliquer et les étrangers ne la comprennent
pas ” (CR du
03-01-01). C'est sans doute pour cela que cette notion ne leur est pas
expliquée, au mépris du droit, comme le montrent de nombreux
témoignages (CR du 27-12-00, 30-12-00). Une telle pratique est
illégale puisque, si les personnes renoncent à ce droit il est
nécessaire que ce soit une décision sans équivoque. Ainsi
ce n’est pas uniquement un problème de formulation, c’est
également celui du respect des procédures (CR du 27-12-00,
30-12-00).
Tout d’abord il est très difficile pour les étrangers maintenus en zone d'attente d’entrer en contact avec des personnes qui peuvent les informer sur leur situation et sur leurs droits.
Mais
en plus, en pratique, il est presque impossible de contester un refus
d'entrée :
4Soit parce que les notifications n'ont pas
été remises et il est donc impossible de connaître les
motifs du refus d'entrée (CR des 27-11-00 et 03-01-01).
4Soit parce que les notifications ne
contiennent aucune information. Un officier de quart a déclaré
à ce propos “ il ne faut pas chercher sur les PV les
raisons de leur maintien ”
(CR du 30-12-00).
4Soit parce que le refus d'entrée est motivé par l'utilisation de documents falsifiés sans que la police ne procède aux vérifications auprès des services consulaires étrangers compétents, malgré les demandes des personnes maintenues (CR du 27-12-00 et 15-02-01).
“ Il [l’étranger] peut
(…) communiquer avec toute personne de son choix ”. Article 35 quater
II de l’ordonnance du 2 novembre 1945.
Le droit de communiquer passe obligatoirement pour les étrangers enfermés par l'utilisation de téléphones et la possibilité de recevoir des visites.
8Le
téléphone
Des cabines de téléphones publics ont
été installées dans tous les lieux d'hébergement et
dans les aérogares, pour que les étrangers puissent communiquer
librement. A ZAPI 3, trente deux téléphones publics sont répartis
dans le bâtiment, il est possible de téléphoner et de
recevoir des appels 24h/24. Mais aucun téléphone n'a
été installé dans les salles de visite, la PAF
prévoit que des téléphones soient mis ponctuellement
à disposition en présence de l'avocat.
Il arrive que certains téléphones soient déficients ou éloignés des espaces où se trouvent habituellement les personnes maintenues, ce qui ne leur permet pas de pouvoir exercer leur droit de communication dans les meilleurs conditions. A Ibis, en particulier, quatre téléphones étaient installés pour 120 personnes environ. Les téléphones étaient régulièrement en panne pendant plusieurs jours avant d'être réparés, une grève des services Télécom d'ADP pendant plus de 15 jours avait empêché toute réparation (CR des 18-12-00, 10-01-01). A ZAPI 2, les téléphones publics ont été installés à l'extérieur, ce qui entraîne au moins deux inconvénients : d’une part, il est difficile d’entendre le téléphone sonner, d’autre part, rien n’est prévu pour protéger les utilisateurs des intempéries (CR du 26-12-00).
Enfin, chaque étranger maintenu se voit normalement remettre une
carte téléphonique par l'OMI dès son arrivée. Il a
parfois été constaté que des personnes arrivées
depuis un jour ne disposaient pas de cette carte (CR du 30-12-00). Il est
arrivé que des policiers acceptent d'aller chercher des cartes pour des
personnes présentes dans les aérogares, sachant que l'OMI
n'était pas passé depuis leur arrivée (CR du 27-12-00).
8Les visites
Les visites personnelles des familles peuvent relever du parcours du combattant. En effet, il faut tout d'abord déterminer l'aérogare par lequel l’étranger est arrivé, puis accéder au bureau du chef de quart pour demander une autorisation de visite. Concernant ZAPI 3, le fonctionnement n'est pas encore certain : si les demandes de visites peuvent être gérées par ZAPI 3, certains fonctionnaires demandent aux visiteurs de passer par les officiers de quart des terminaux (CR du 23-01-01).
En partant de Paris pour se rendre à ZAPI 3, le billet aller-retour en RER coûte 98 francs; il faut ajouter le ticket de bus (2 x 8 francs), soit un total de 114 francs. Il n'est pas possible d'effectuer des visites entre 12h et 14h, lorsque l'officier est parti déjeuner. Si vous arrivez en fin de matinée, il se peut que le policier vous demande de revenir. Si vous revenez à 13h30, le nouvel officier vous redemande une pièce d'identité pour une nouvelle photocopie; vous indiquez à nouveau la personne à qui vous venez rendre visite. L'attente peut durer jusqu'à 1h30 voire 2h. Votre impatience vous conduit à interpeller les policiers qui ne cessent de traverser le hall, chacun indique que ce n'est pas de son ressort, qu'il a signalé votre demande et qu'on est parti chercher la personne.
Les policiers recherchent dans les listes de ZAPI 3 ou de ZAPI 2 le nom de la personne que vous désirez rencontrer. Malgré l'orthographe correcte et la véritable identité, le policier peut ne pas trouver cette personne dans ces fichiers. Sa recherche restant vaine, il peut prétexter que vous n'avez pas donné la bonne orthographe ou que la personne étant arrivée sous une fausse identité, vous ne pouvez pas lui rendre visite (visite du 22-03-01).
A plusieurs reprises, des personnes de l’Anafé se sont rendues à
ZAPI 3 pour rencontrer des étrangers maintenus qui les avaient
contactées. Dans un premier temps, se présentant comme des amis
ou comme venant par l’intermédiaire d’une association, ils
n’ont eu aucun problème pour rencontrer ces personnes. Le 23 mars
un refus de visite leur a été opposé, ils
s’étaient présentés à titre personnel, par
l’intermédiaire de l’Anafé.
Les étrangers étant prévenus de leur visite, il ne leur a
pas été possible d’user de leur droit de communiquer avec
“la personne de leur choix”. Les motifs du refus semblaient être le fait de ne pas
appartenir à la famille et l’appartenance à une
association, alors qu’aucune disposition dans l’ordonnance du 2
novembre 1945 n’interdit aux étrangers maintenus de recevoir des
visites de membres d’association.
A ZAPI 3, trois salles à l'entrée du bâtiment sont réservées aux visites. Ces salles semblent insuffisantes surtout pendant le week-end. Les visites des familles sont autorisées, de 8h à 21h, pour une durée limitée à une demi-heure. Il n’est pas possible de rencontrer une personne pendant les heures de repas, ainsi entre 12h et 14h aucune visite n’est autorisée.
A ZAPI 2, la salle prévue pour les visites des familles se trouve dans la partie administrative du bâtiment, à côté des bureaux de la PAF : les personnes ne peuvent donc pas s'entretenir de manière confidentielle (CR du 26-12-00 et du 27‑12‑00).
La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 février 2001, a reconnu que les avocats pouvaient accéder aux zones d'attente 24h/24. A ZAPI 2, les visites des avocats se déroulent dans un bureau, ce qui permet d'éviter tout racolage de la part de certains avocats (CR du 27-12-00). En effet une pratique inquiétante a été rapportée aux visiteurs : certains avocats présents en zone d'attente auraient eu une activité proche de l'escroquerie, ce qui a amené des agents à intervenir sous couvert de leur hiérarchie auprès du barreau de Bobigny, certains avocats auraient même dû rembourser les étrangers victimes (CR 18-12-00).
A Ibis, depuis juin 2000, un médecin était présent à mi-temps ainsi qu'une infirmière à plein temps. Aujourd'hui Ibis étant fermé, leurs bureaux ont été transférés à ZAPI 3. Ils disposent également d'une salle d'attente, une chambre avec deux lits et ont chacun un cabinet de consultation. Ils disposent d'une réserve de médicaments sur place. Les médicaments sont préparés pour chaque étranger, par prise et par jour, et mis dans le casier correspondant à sa chambre.
Malgré la mise en place d'un système d'assistance médicale, certains problèmes persistent. D'une part, le personnel soignant n'est pas présent le week-end : lors de la visite du 30 décembre, les policiers ont dû faire appel à un médecin du SMUR pour une crise de nerfs. D'autre part, leur présence se limite à ZAPI 3 et pour les autres parties de la zone d'attente, ZAPI 2 et les aérogares, c'est donc l'ancien système qui persiste à savoir l'appel au SMUR (CR du 27-11-00). L'assistance médicale demandée par les visiteurs (CR du 27-11-00 et 30-12-00) dépend alors de la disponibilité des policiers à emmener les étrangers voir le médecin du SMUR ou faire appel à lui.
La procédure de consultation posait problème à Ibis. Les étrangers désirant bénéficier de l'assistance médicale devaient souvent passer par l'intermédiaire des policiers. La transmission des informations médicales n'était pas optimale comme le montrent les différents témoignages recueillis durant les visites. Un étranger souffrant d'asthme n'avait pas été soigné, bien qu'il ait vu le médecin, car les policiers avaient égaré son ordonnance (CR du 30-12-00); une femme enceinte de 7 mois, prise d'un malaise durant l'audience devant le juge délégué, avait été conduite à l'hôpital où on lui a dit de revenir, mais lors de la visite du 26 décembre, son nom apparaissait sur le tableau des personnes qui allaient être renvoyées; l'agent de police présent au terminal n'était pas au courant de tous ces faits (CR du 26-12-00). L'intervention des personnes visitant la zone d'attente a parfois été nécessaire pour transmettre les demandes : huit étrangers ont demandé auprès des visiteurs à voir le personnel soignant qui pensait avoir terminé les consultations (CR des 27-11-00 et 05-01-01).
Le personnel soignant de ZAPI 3 affirme que toutes les demandes sont prises en compte. Pourtant un homme témoigne avoir été battu lors d'une tentative d'embarquement, puis enfermé dans le poste de police et enfin conduit à ZAPI 3 où on ne l’a pas autorisé à être hospitalisé ou avoir une aide médicale (CR du 23-01-01).
L'infirmière remarque que beaucoup de personnes sont angoissées à ZAPI 3 (CR du 15-02-01). Déjà l'infirmière et le médecin présents à Ibis déclaraient qu'elles prescrivaient surtout des médicaments pour des douleurs abdominales dues au stress, que les étrangers avaient besoin de discuter de leurs problèmes et d'ailleurs elles étaient consultées autant pour des soins que pour une assistance psychologique (CR des 13-12-00 et 03-01-01).
Le maintien en zone d'attente obéit à
des règles de droit créées par la loi du 6 juillet 1992.
Pourtant les différentes personnes qui se sont rendues en zone d'attente
ont constaté ou ont pu recueillir des témoignages exposant de
graves irrégularités de procédure.
L’étranger qui
arrive en France “ est immédiatement informé de ses
droits et de ses devoirs, s’il y a lieu par l’intermédiaire
d’un interprète ” et, pendant le maintien en zone
d’attente, “ il peut demander l’assistance d’un
interprète ”. Article 35 quater I et II de l’ordonnance du 2
novembre 1945.
La Cour de cassation a considéré que la présence physique de l'interprète était nécessaire aux côtés de l’étranger qui en sollicite l’assistance.
La présence d'un interprète est essentielle pour que la situation soit comprise par l’étranger. Même certaines personnes parlant français ont affirmé qu'il était difficile de bien comprendre ce qui se passait (CR du 03-01-01). Souvent les étrangers bénéficient simplement d'une explication en français ou en anglais (CR du 03-01-01).
Tous les interprètes mobilisés pour la procédure n’ont pas une neutralité suffisante vis à vis des interlocuteurs présents (CR du 26-12-00). De plus, certains témoignages font apparaître que malgré la signature d'un interprète sur une notification, aucun n'était présent pour leur expliquer la situation dans une langue qu'ils comprenaient (CR du 27‑11-00).
Pour la PAF, une vingtaine d'interprètes
seraient disponibles à Roissy. Selon nos informations, ces personnes
faisant office d'interprètes “ officiels ”, interviennent en permanence de 8h
à 21h, dans les 5 langues de l'ONU. Ce sont en fait des salariés
de la Préfecture de Seine Saint Denis employés pour des
périodes de 3 mois. Il s'agit aussi de policiers, du personnel des
compagnies aériennes, voire des services étrangers d'immigration
(CR des 27-11-00, 26-12-00).
La PAF utilise, pour déterminer la langue dans
laquelle l'explication pourra être faite, un tableau établi par la
DLPAJ (voir annexe). Ce tableau ne retient pas les langues officielles mais une
“ correspondance langues maternelles ONU ”[20],
or ce tableau ne comporte aucune source et donne lieu à des
assimilations aberrantes : tamoul/anglais, peulh/français, persan/arabe,
kurde/arabe, albanais/français.
Pour les agents du MAE, l'interprétariat par téléphone est la pratique la plus couramment utilisée. Ils bénéficient, à ZAPI 3, de matériel adapté.
“ Il [l’étranger qui
arrive en France] est immédiatement informé de ses droits et
de ses devoirs, s’il y a lieu par l’intermédiaire d’un
interprète ”. Article 35 quater de l’ordonnance du 2
novembre 1945.
Il ressort des différents
témoignages recueillis que les étrangers maintenus dans les zones
d'attente éprouvent un manque cruel d’information sur les
procédures qui leur sont appliquées, sur les droits qui doivent
leurs être reconnus. Outre le fait que ces personnes ne
bénéficient souvent pas de la présence d’un
interprète compétent et, de ce fait, ne comprennent pas ce qui se
passe, il apparaît qu’on leur demande simplement de signer des
documents remis uniquement en langue française sans explication (CR du
30-12-00, 03-01-01). Plusieurs étrangers ont affirmé avoir
refusé de signer les documents présentés, car ils ne
comprenaient pas ce qu'ils contenaient, une simple mention avait
été notée “ refus de signer ”; d'autres semblent avoir
été forcés de signer (CR des 27-11-00, 05-01-01).
Il semble qu'il est parfois plus opportun de refuser de signer. Une femme qui voulait déposer une demande d'asile, que l’on a tenté de renvoyer, a refusé d'embarquer. On lui a alors fait signer une série de documents, sans qu’elle puisse les consulter et sans qu’ils lui soient expliqués. Il s'est avéré que dans la série de documents signés, elle aurait déclaré ne pas demander l’asile (CR du 09-01-01).
Dans chaque zone, un règlement intérieur doit être affiché. Il doit expliquer la procédure, les conditions d’hébergement, les droits de visites et la discipline à respecter avec une mention sur les mesures d’isolement. Il doit aussi permettre la transmission de l'information. Pourtant il ne répond que partiellement à ce rôle d'information: il est long, complexe et est affiché uniquement dans 5 langues (allemand, anglais, espagnol, italien, français) souvent en pratique inutiles.
“ Le maintien
en zone d’attente est prononcé pour une durée qui ne peut
excéder quarante-huit heures par une décision
écrite et motivée du chef de service de contrôle aux
frontières ou d’un fonctionnaire désigné par lui.
Cette décision est inscrite sur un registre mentionnant
l’état civil de l’intéressé et la date et
l’heure auxquelles la décision de maintien lui a été
notifiée ” .Article 35 quater de
l’ordonnance du 2 novembre 1945.
La décision de
maintien en zone d’attente doit intervenir “ immédiatement,
dès qu’il apparaît qu’un étranger appartient
à l’une des catégories mentionnées au I de cette
circulaire
[les étrangers en transit interrompu, les étrangers qui ne
disposent pas des documents exigés, les étrangers qui sollicitent
l’asile à la frontière] ”. Circulaire
d’application de l’article 35 quater de l’ordonnance du 2
novembre 1945, du 9 juillet 1992.
De nombreux témoignages recueillis par les
visiteurs faisaient état de notifications établies plusieurs heures
après leur arrivée et surtout après leur
présentation auprès de la police (CR du 27-11-00). Ainsi de
nombreuses personnes se trouvaient dans les
aérogares sans qu'aucune décision ne
leur ait été formellement notifiée. D'autres
étaient en possession de notifications de maintien indiquant des heures
et des dates erronées (CR du 18-12-00, 30-12-00). Certaines personnes
qui avaient refusé d'embarquer étaient également en
possession de procès verbaux (PV) de tentative de refoulement
erronés sur lesquels l'heure indiquée ne correspondait pas aux
renvois qui avaient été tentés (CR du 30-12-00). Cette
pratique est également utilisée pour la décision de
prolongation du maintien (CR du 30-12-00). Alors que cette pratique est
illégale, le chef de quart fait remarquer que cela n’a pas
d’importance tant que l’écart ne dépasse pas trois
heures (CR du 30-12-00). Pourtant cette pratique a pour conséquence de
faire augmenter, de fait, le maintien, fondé sur une décision
administrative, au-delà des 4 jours réglementaires alors que dans
cette hypothèse une décision du juge des libertés est
obligatoire (CR du 28-01-01).
Les visiteurs avaient remarqué lors de
différentes visites qu’une notice dans le bureau de quart du
terminal 2A indiquait : “ Les demandeurs d’asile doivent
tous être systématiquement photographiés ”. On avait ajouté au stylo
“ de face ”
(CR du 30-12-00).
Lors de la visite du 3 janvier, une personne
confirmait que lorsqu’elle avait dit à la police qu’elle
demandait l’asile on l’avait prise en photo. D’ailleurs,
durant cette visite, un policier précisait que pour des raisons
pratiques les photos étaient des polaroïds, ce qui permettait de
reconnaître les personnes (CR du 03-01-01). Interrogé sur ce point
par les visiteurs, le ministère de l’Intérieur avait
considéré que la prise en photo systématique des personnes
demandant l’asile étaient une procédure illégale (CR
du 03-01-01). La notice avait disparu lors des visites suivantes (CR du
16-01-01). Selon le ministère, seule la prise en photo
systématique des demandeurs d’asile serait illégale et les
seules photos qui seraient prises seraient celles des personnes ne disposant
pas de documents d’identité ou ayant des documents sans photos.
Des visiteurs ont remarqué au terminal 2F, la fiche signalétique
de demandeurs d’asile, comportant la photocopie agrandie d’une
photo d’identité (CR du 28-01-01).
Bilan des observations
des audiences du “ 35 quater ”
au tribunal de grande instance
de
Bobigny
Campagne du 15 décembre 2000
au 31 janvier 2001
De la mi-décembre 2000 à la fin janvier 2001, une
campagne d'observation a été menée par l'Anafé,
concernant à la fois les zones d'attente et les audiences dites du “ 35
quater ” [21]. La synthèse qui suit a
été réalisée à partir des comptes-rendus
portant sur les audiences qui ont eu lieu pendant cette campagne.
L'idée d'assister aux audiences dans la perspective d'en rendre
compte est issue du constat suivant : l'ensemble de la procédure
liée à la zone d'attente est particulièrement
méconnu et opaque. Le seul moment public de la procédure se passe
lors des audiences “35 quater ” au cours desquelles un juge du tribunal
de grande instance se prononce sur la demande, formulée par l’administration,
de prolongation du maintien en zone d’attente des étrangers
à qui l’accès au territoire est refusé.
Cette campagne d'observations a permis de mettre en lumière des
irrégularités de procédure extrêmement graves, des
atteintes aux droits de la défense des personnes maintenues, des
atteintes au droit à un procès équitable, des atteintes
à l'intégrité physique, de graves lacunes en
matière de prise en charge des personnes remises en liberté, des
trafics d'êtres humains.
La période durant laquelle a été
réalisée cette campagne a été profondément
marquée par la grève des avocats commis d’office au titre
de l’aide juridictionnelle du barreau de Bobigny. La totalité des
audiences s’est déroulée dans ce contexte où les
droits des étrangers maintenus ne pouvaient être défendus,
sauf en présence d’un avocat rémunéré.
Nous avons distingué les irrégularités de la
procédure suivie lors des audiences “35 quater ” (avocat, interprète, rôle de la
défense, attitude des juges, mineurs, publicité des
débats), les conditions du maintien en zone d'attente telles
qu’elles sont évoquées publiquement lors des audiences
(interprète, procès verbal retranscrit dans une langue non
comprise par le demandeur d’asile, absence de médecins, passage
à tabac) et les graves lacunes en matière de prise en charge des
personnes relâchée.
La publicité des débats constitue l'accroche initiale de
la campagne d'observation. L’ensemble des observateurs qui ont
assisté aux audiences ont pu relever un certain nombre de discordances.
Les étrangers maintenus en zone d’attente se trouvent
confrontés à des difficultés
d’interprétariat ; l’attitude des juges n’est pas
uniforme, aussi bien durant le déroulement de l’audience
qu’à l’égard des mineurs isolés ; les
droits ne sont pas toujours notifiés aux intéressés et
l’obtention du sauf conduit reste problématique.
“ Le maintien
en zone d’attente au-delà de quatre jours à compter de la
décision initiale peut être autorisé, par le
président du tribunal de grande instance ou un magistrat du siège
délégué par lui, pour une durée qui ne peut
être supérieure à huit jours. ” Article 35 quater-III de
l’ordonnance du 2 novembre 1945
" A titre exceptionnel,
le maintien en zone d’attente au delà de douze jours peut
être renouvelé, dans les conditions prévu par le III, par
le président u tribunal de grande instance ou son
délégué, pour une durée qu’il
détermine et qui ne peut être supérieure à huit
jours" Article
35 quater- IV de l’ordonnance du 2 novembre 1945
“ Les
débats sont publics sauf les cas où la loi exige qu’ils
aient lieu en chambre du conseil ” - Article 433 du nouveau code de
procédure civile
La salle d’audience “ 35 quater ” de Bobigny se situe à droite en
entrant dans le tribunal, face au porche métallique. Cette nouvelle
salle ne comprend que 40 places assises environ[22].
A certaines audiences, tous les étrangers sont présents en
même temps dans la pièce. Le 9 janvier, on pouvait compter 29
étrangers, une bonne quinzaine de policiers, trois observateurs,
quelques membres de famille, plus quatre avocats et autant
d'interprètes. Quand le nombre de dossiers est très important
(50, 60 voire plus…), les étrangers encadrés par les
policiers arrivent en plusieurs groupes successifs. Pendant ces journées
de forte affluence, lorsque les personnes arrivent à accéder
à l’audience, elles restent debout. Ainsi, le 15 décembre,
deux observatrices relatent que le public, les familles et les
interprètes étaient debout, alors qu’il n'y avait que 23
étrangers.
La taille réduite de la pièce par rapport au nombre de
personnes, renforce parfois l’image d’une cohue judiciaire. Une
observatrice dénonce un brouhaha presque permanent. Il n’est pas
rare, durant le déroulement des audiences, d’entendre la porte
d’entrée qui claque toutes les dix secondes ; les avocats qui
s’installent en déplaçant des chaises et rédigeant
les derniers écrits sur leurs genoux ; des discussions entre policiers,
avocats et traducteurs ou entre les membres d’une famille qui sont venus
pour l’un des leurs. L’audience du 17 janvier est même
interrompue par un avocat qui crie haut et fort que ce n’est plus
possible de travailler dans de telles conditions. Le juge lui demande de sortir
et d’aller se plaindre à la ministre de la justice.
Si la publicité des audiences semble une chose acquise, à
plusieurs reprises certains observateurs n’ont pu accéder à
la salle, du fait de "réticences diverses". Ainsi, le 3
janvier, un policier a refusé par trois fois l'accès à
l'audience à une observatrice. Elle n’a pu finalement y
pénétrer qu’après 45 minutes de pourparlers et
grâce à l'intervention d'un avocat. Enfin, le positionnement
des intervenants varie selon les séances. La table face au juge peut
être réservée aux avocats pour préparer leurs
conclusions. Du coup, les étrangers et les interprètes sont
debout lors de l'examen du dossier, ainsi que l’avocat pour assurer la
défense de l'intéressé. A d’autres moments, la table
et les trois chaises sont réservées pour chaque examen.
Il convient de prendre garde à la possibilité
prévue par la loi et envisagée concrètement dans la
conception des bâtiments de ZAPI 3[23]
de déplacer les audiences des tribunaux vers les lieux
d’enfermement. Un tel déménagement ne remédierait en
rien aux difficultés constatées par les observateurs. Outre le
fait que la séparation des lieux d’enfermement et de jugement a
une force symbolique très grande, le risque d’une perte d’indépendance
des magistrats dans leur prise de décision est réel. Ce
déménagement rendrait d’autre part le travail des avocats
encore plus ardu et la venue des familles et du public extrêmement
difficile. La publicité des débats en serait compromise,
d’autant que la salle d’audience se trouverait dans l’enclos contrôlé
par la PAF.
“ Le président
du tribunal ou son délégué statue par ordonnance,
après audition de l'intéressé, en présence de son
conseil s'il en a un, ou celui-ci dûment averti. L'étranger peut
demander au président ou à son délégué qu'il
lui soit désigné un conseil d'office ”. – Article 35 quater
de l’ordonnance du 2 novembre 1945
“ Le président
ou son délégué avise l’étranger de son droit
de choisir un avocat. Il lui en fait désigné un d’office si
l’étranger le demande ” - article 4 du décret du 15
décembre 1992 fixant certaines modalités d’application de
l’article 35 quater
L'organisation de la défense des droits des étrangers
maintenus en zone d’attente est plus que chaotique dans la mesure
où, durant toute la période d’observation, la grève
des avocats s’est poursuivie au barreau de Bobigny. En l'absence
d'avocats commis d'office, l'attitude des magistrats est extrêmement
variable. Certains estiment qu'ils se doivent d'assurer un service minimum pour
la justice, que le droit de bénéficier de l'assistance d'un
avocat n'est pas une garantie fondamentale ou en tout cas, qu'il peut y
être dérogé en cas de circonstances insurmontables.
Certains juges ont décidé de prolonger le maintien en zone
d'attente alors même que l'étranger n'a jamais pu s'entretenir
avec un avocat[24]. A
l’inverse, d’autres présidents d’audience estiment
qu’en l’absence d'avocat, l'irrégularité de la
procédure prime et décident de remettre en liberté toutes
les personnes maintenues. Cependant la phrase introductive à chaque
examen, mentionnant la possibilité d’avoir un conseil
d’office n’a pas souvent été citée. Le 9
janvier, un observateur a interrogé la juge sur le fait qu'elle n'avait
jamais demandé aux étrangers s'ils souhaitaient être
assistés d'un avocat. Celle-ci a répondu : “ chacun
peut s'appuyer sur la jurisprudence qu'il est libre de choisir. Il ne faut pas
s'étonner des différences que vous pouvez relever d'une audience
à l'autre ”.
Dans le groupe de magistrats qui ont statué sur l’ensemble
des dossiers, deux attitudes ont généralement pu être
constatées. Les magistrats qui accordent plus de 10 minutes à
l’examen de la demande de prolongation de la PAF et ceux qui ont mis en
place une justice expéditive où l’audition de
l’étranger relève presque du miracle.
Pour démonstration, quelques échantillons
d’audiences :
4Le 27 décembre, la juge n'interroge
pratiquement pas les personnes, excepté une fois, où elle demande
alors à une jeune femme si elle a quelque chose à ajouter. La
personne répond : "I want a lawyer". Par la suite, la juge ne demandera plus
à quiconque s'il veut ajouter quelque chose et encore moins s'il
souhaite un avocat.
4Lors de l’audience du 24 janvier, l’une des questions récurrentes du juge est de demander si la personne a de la famille en France, alors que ce renseignement dans le cas d’une demande d’asile est sans incidence sur une éventuelle prolongation. Dans la moitié des cas, il n’attend pas la réponse ou l’apporte lui-même. Ce jour là, l’examen de chaque affaire prend au mieux 3 minutes.
4De manière plus atypique, le 21 janvier, suite à la demande de tous les étrangers maintenus d’être assistés d’un avocat, le magistrat décide d’ajourner l’audience, à charge pour les personnes qui souhaitaient être défendues de trouver un avocat pour le lendemain.
Cette attitude reste exceptionnelle. Le juge leur conseille de prendre
un défenseur à leurs frais en raison de la grève. Les
personnes pour lesquelles le délai de 96 heures expirait le jour de
l’audience, ont été libérées le jour
suivant ; le juge soulignant que “ c'est un simple avis
d'audience, ce n'est pas une décision ”.
Date |
Juge |
Décision |
15.12.00 matin |
Byck |
maintien |
15.12.00 après midi |
Maury |
libération |
16.12.00 |
|
maintien |
17.12.00 |
|
|
18.12.00 |
Tellier |
libération |
19.12.00 |
|
libération |
20.12.00 |
|
maintien |
21.12.00 |
|
maintien |
22.12.00 |
Plassard |
libération |
23.12.00 |
Gilles |
maintien |
24.12.00 |
|
maintien |
25.12.00 |
Gilat |
maintien |
26.12.00 |
Maury |
libération |
27.12.00 |
Zebulon |
maintien |
28.12.00 |
|
|
29.12.00 |
Penaud |
maintien |
30.12.00 |
Tellier |
libération |
31.12.00 |
Tellier |
libération |
01.01.01 |
Tellier |
libération |
02.01.01 |
|
|
03.01.01 |
|
libération |
04.01.01 |
|
libération |
05.01.01 |
Audax |
maintien |
06.01.01 |
Audax |
maintien |
07.01.01 |
Barrès |
libération |
Face aux revendications professionnelles des avocats, dont les
étrangers ne devraient pas avoir à subir les conséquences,
certains juges ou avocats du ministère de l’Intérieur se
sont laissés aller à des dérives, révélant,
davantage encore que d’habitude, d’un véritable
“ match d’improvisation ” judiciaire. Lors de
l’audience du 28 janvier, la juge demande en début d'audience
à ceux qui souhaitent un avocat de lever la main.
4Audience
du 28 janvier : (35 bis) Un Malien, originaire de Kayes, âgé de
vingt ans, déclare avoir un avocat. A 10h50, ce dernier n'est pas encore
présent à l'audience. Le juge statue tout de même et
prolonge la rétention. Il s'ensuit une altercation verbale entre la juge
et l'étranger. Ce dernier refuse d'être jugé sans son
avocat. La juge lui dit que si l’avocat n'est pas là, elle n'y
peut rien. Le jeune malien ajoute qu’il refuse de rentrer au Mali.
C’est alors que la juge lui répond : “ Si vous
préférez aller en prison, plutôt que d'aller au Mali, vous
savez ce qui vous reste à faire ”. Puis
elle le menace et hurle jusqu'à ce qu'il accepte de signer le
procès verbal. L’avocat arrivera à 11h30 et déposera
un recours à 12h10.
Puis, elle déclare à l’assemblée que du fait de la grève des commis d'office, il ne pourront bénéficier de cette assistance et elle n'y peut rien. Malgré l’absence d'avocat, elle statue sur l’ensemble des dossiers et maintient certains étrangers en zone d’attente. Deux jours plus tard, dans la même salle, l'interprète en anglais insiste auprès d’un étranger, pour lui expliquer que l'assistance d'un avocat est gratuite. C’est alors que le représentant du ministère de l'Intérieur s'insurge.
Tableau récapitulatif des juges face
à la grèves des avocats
Sur
les 38 audiences observées entre le 15 décembre et le 31 janvier,
une proportion équivalente de juges prennent en compte l’absence
d’avocat (20) et ne retiennent pas le défaut de conseil comme un
motif de libération (17). Un seul juge ajournera l’audience
Date |
Juge |
Décision |
08.01.01 |
Ansel |
libération |
09.01.01 |
Hovine |
maintien |
10.01.01 |
|
|
11.01.01 |
|
|
12.01.01 |
Vigneron De
Queville |
maintien |
13.01.01 |
|
|
14.01.01 |
Dubois-Treillon |
libération |
15.01.01 |
|
|
16.01.01 |
|
|
17.01.01 |
|
maintien |
18.01.01 |
Gesbert |
libération |
19.01.01 |
Plassard |
libération |
20.01.01 |
|
|
21.01.01 |
Rudloff |
|
22.01.01 |
Hovine |
libération |
23.01.01 |
Hovine |
libération |
24.01.01 |
|
maintien |
25.01.01 |
Hovine |
libération |
26.01.01 |
Plassard |
libération |
27.01.01 |
|
|
28.01.01 |
Boutier-Verges |
maintien |
29.01.01 |
|
|
30.01.01 |
|
libération |
31.01.01 |
Maton |
maintien |
“ [L’étranger]
peut également demander au président ou à son
délégué le concours d’un
interprète ”. - article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre
1945
“ Le
président nomme un interprète si l’étranger, qui ne
parle pas suffisamment la langue française, le demande ” - article 6 al 2 du
décret du 15 décembre 1992
Les difficultés linguistiques rencontrées par les étrangers lors des audiences se retrouvent à plusieurs stades durant la procédure au tribunal.
Tout d’abord, il y a le litige que
soulèvent presque systématiquement les avocats du
ministère de l’Intérieur, lorsqu’il apparaît,
lors de l’audience, que le requérant ne parle pas la langue du
procès-verbal. Le représentant du ministère de
l’Intérieur fait alors observer que pour l’audience, les
étrangers sollicitent le bénéfice d’un
interprète dans une langue différente de celle qui apparaît
avoir été employée lors de la procédure
administrative, préalable à la comparution devant le juge
délégué. Il va parfois jusqu’à souligner que
l’étranger doit comprendre cette langue ; du fait que celle-ci est
mentionnée par l’ONU, comme étant la langue officielle du
pays dont il est originaire.
4Le 30 janvier,
l’avocat du ministère de l'Intérieur soutient même
que tous les étrangers présents à l’audience parlent
français puisqu’ “ ils ont eu des
entretiens à l'aéroport et que les papiers qui leur ont
été présentés ont même été
signés ”. A
la sortie du tribunal, l’observateur présent accompagne 10
étrangers qui ont été libérés. Seuls un
Sénégalais et un Sierra Leonais parviennent à
s’exprimer en français.
4Le 17 janvier,
on a frôlé l’absurde, quand face à une Sierra
Leonaise ne parlant pas l'anglais[25],
l'avocate du ministère de l’Intérieur indique au juge que
c'est à la requérante de prouver qu'elle ne comprend pas
l'anglais.
Certains étrangers parlent de
manière imparfaite la langue, dite officielle, de leur pays[26].
Il est évident que la communication devient alors problématique.
Certains juges décident de suspendre leur examen, le temps qu’un interprète
soit présent ; alors que d’autres se contentent de
l’interprète anglais ou poursuivent la séance en
français. Ainsi le 9 janvier, un Iranien déclare ne parler que le
persan. L'audience se déroule quand même en l'absence
d'interprète.
D’autres irrégularités dans la procédure apparaissent. A de nombreuses reprises, l'interprétariat se déroule de manière très succincte. L'interprète traduit uniquement la
décision de maintien ou de remise en liberté, sans apporter d’explication complémentaire (audience du 23 janvier). Le lendemain, alors que l’interprète en crio et peul est présent à l’audience, la traduction pour les Sierra Léonais se fait automatiquement en anglais. Le juge souligne à plusieurs reprises que l’anglais est la langue officielle du pays. Là encore, l’interprète anglais intervient seulement pour traduire la décision du juge. Seules les personnes qui font signe qu’elles ne comprennent pas ou très peu, se voient assistées de l’interprète en crio / peul. A aucun moment, le juge n’a demandé à ce dernier de se présenter, lorsqu’un étranger de nationalité sierra léonaise passait à l’audience. Il en sera de même pour les ressortissants du Congo (RDC).
Certaines procédures se déroulent sans interprète (audience du 30 janvier). Le 14 janvier, les étrangers avaient eu la chance d’avoir un interprète en anglais. Un Afghan, de langue pachtou, une jeune Sierra Leonaise qui parlait crio, un Tamoul ainsi que les Ghanéens ont dû s'en contenter.
Enfin, les deux observations suivantes
résument à elles seules les résistances à
l’encontre du droit de se faire assister d’un interprète. Le
28 décembre, un jeune Malien de 22 ans, après s'être
présenté, indique avec un fort accent, qu'il ne parle pas le
français. La juge explose alors de rage : “ Il dit en
français, qu'il ne parle pas français. De qui se
moque-t-il ? Veut-il faire dépenser davantage d'argent à la
France, pour lui payer un interprète ? Et bien soit,
allons-y ! ”.
L’argent dépensé le 28 décembre est
économisé durant l’audience du 18 janvier, lorsqu’un
étranger maintenu en zone d’attente est demandé à la
barre pour servir d'interprète en lingala à un autre.
L'attitude des magistrats qui ont assuré les audiences durant
cette campagne est extrêmement variable. Certains, lorsqu’ils
statuent sur les différentes procédures, prennent le temps
nécessaire pour comprendre le cheminement des requérants et les
raisons de leur demande. D’autres, du fait de l’absence
d’avocat, semble-t-il, expédient rapidement les dossiers. Mais ce
qui surprend davantage, ce sont les attitudes de connivence entre certains
juges et les avocats du ministère de l’Intérieur.
Durant des audiences, des présidents essaieront, malgré
l’absence d’avocats, de respecter le déroulement de la
procédure. Mais il faut rappeler que l’absence de conseil est un
handicap important pour les étrangers, qui devrait conduire les juges
à reconnaître leur impossibilité de statuer, les
étrangers devant être libérés. Face à cette
situation, des magistrats s’emploient à rééquilibrer
la "balance", recourant à différents
stratagèmes, pour que l’étranger ait l’impression
d’avoir un procès équitable…
Tout d’abord, il y
a ceux qui, tout en paraissant de bonne foi, font preuve d’amateurisme.
Il faut évidemment préciser que le roulement à la
présidence des audiences du 35 quater est incessant, tandis que les
représentants du ministère de l’Intérieur,
présents quotidiennement, se dotent d’une jurisprudence à
jour. Le 29 décembre, la juge interroge longuement les personnes
maintenues et semble vouloir les aider. Pourtant, elle ira jusqu’à
demander à une jeune femme enceinte si elle pense que son état
est compatible avec la zone d'attente ! Face à un jeune Kurde, la
juge constate que la procédure est nulle du fait de l'absence
d'interprète… en arabe. Elle lui demande alors s'il
préfère rester en zone d'attente ou aller dans une association.
Sur les huit dossiers instruits, deux personnes ont été
libérées.
4Lors de
l’audience du 18 décembre le juge prononce une seule prolongation
sur 26 dossiers, en l'absence d'avocats. Elle concerne une jeune femme sierra
leonaise de 18 ans, qui parle très peu l'anglais. En raison,
semble-t-il, de la "rigidité" de l'interprétariat, à
la question du juge “ Souhaitez-vous un
avocat ? ”, la jeune femme répond non. Profitant de
cette aubaine, le juge a immédiatement prononcé la prolongation,
en “ oubliant ” de procéder à
l’examen de sa situation. L'audience a duré deux minutes.
D’autres juges se montrent assez attentifs vis à vis des étrangers. Ils soulèvent des problèmes de santé (audience du
25 décembre) ou veillent au confort des personnes maintenues lors de l’audience. Le 26 décembre, la juge demande qu'on apporte une chaise pour que l'étranger puisse s'asseoir en attendant que l'ordonnance soit rédigée.
Enfin, des présidents d’audience pointent les
dysfonctionnements du maintien en zone d’attente, en adoptant une
attitude plutôt ironique à l'égard de l'avocat du
ministère de l’Intérieur (audiences 15 décembre et
du 17 janvier).
Si de tels petits gestes ou conduites, qui pourraient paraître
anodins, sont mentionnés, c’est pour mieux souligner leur
caractère exceptionnel par rapport à des audiences qui sont le
plus souvent totalement extravagantes.
A plusieurs audiences, il a été noté que les échanges entre certains juges et le représentant du ministère de l’Intérieur ressemblent fort à de la connivence. Certains juges vont jusqu’à omettre d’interroger les étrangers (audience du 27 décembre). Ainsi, il peut en découler un traitement rapide des situations. On en oublie la gravité des dossiers ; le passage au tribunal n’est ni plus ni moins qu’une formalité du maintien en zone d’attente, par laquelle doivent transiter les personnes en attendant que leur demande d’asile ait été examinée par le ministère des Affaires étrangères. Le juge se contente parfois d’enregistrer les demandes formulées par la PAF, sans les remettre aucunement en question.
A ces irrégularités de
procédures durant les audiences
s’ajoutent les dérapages verbaux, nombreux au cours de la
période d’observation :
4Le 23 décembre, le magistrat tente
d’expliquer qu'il est incompétent pour statuer sur la demande
d'asile. Puis il dit durement à l’étranger :
“ (…) il faut le temps d'instruire votre demande. On ne peut
pas, rien qu'en vous regardant, vous accorder l'asile ou non. Si c'est fait
trop vite, c'est mal fait. Vous pouvez repartir si vous le souhaitez. ”
4Audience
du 28 janvier, une femme de quarante ans, originaire de RDC, est maintenue en
zone d'attente pour 8 jours, avec un bébé d'un an. Elle
déclare que si on la ramène, on la renvoie à la mort
(…) On pose la question de sa capacité à comprendre le
français. Mais la juge hurle qu'elle le comprend suffisamment pour avoir
fait une demande d'asile.
“ L’article 35
quater n’a pas distingué la situation des mineurs de celle des
majeurs. Cette non-distinction permet à l’administration de
maintenir les mineurs au même titre que les majeurs en zone d’attente.
Il faut donc se référer aux principes de droit commun et aux
dispositions internationales lorsqu’on est amené à prendre
la défense d’un mineur maintenu en zone
d’attente. ” Guide de l’accès des étrangers au
territoire français – Anafe
- 1996.
“ Les Etats parties
veillent à ce que […] b) Nul enfant ne soit privé de
liberté de manière illégale ou arbitraire.
L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un
enfant doit n’être qu’une mesure de dernier ressort et être
d’une durée aussi brève que possible. ” - Article 37 de la
Convention internationale de New York relative aux droits de l’enfant.
“ Le juge peut relever
d’office la nullité pour défaut de capacité
d’ester en justice ”. - Article 120 alinéa 2nd
du nouveau code de procédure civile.
"Constituent des
irrégularités de fond affectant la validité de l'acte : le
défaut de capacité d'ester en justice (...)" Article 117 du nouveau
code de procédure civile.
L’article 35 quater ne spécifie
aucune procédure particulière concernant le maintien en zone
d’attente des mineurs isolés. L’administration a choisi de
leur appliquer la même procédure qu’aux adultes. Pourtant,
pour placer un mineur en zone d'attente il faut lui avoir notifié au
préalable deux décisions, l'une de refus d'entrée sur le
territoire et l'autre de placement en zone d’attente. Toutes les deux
comportent des conséquences en droit et ouvrent des voies de recours
(très théoriques). Elles ne devraient par conséquent pas
être opposées à un mineur sans représentant
légal. De ce fait, le maintien en zone d’attente d'un mineur
isolé est illégal même pendant les quatre premiers jours.
Ce n’est pourtant qu’au terme de ces quatre premiers jours que la
jurisprudence de la cour d’appel de Paris impose au juge chargé
d’apprécier l’opportunité de la prolongation du
maintien en zone d’attente d’ordonner la libération des
mineurs en raison de leur incapacité juridique. Lors de la grève
des avocats commis d’office,
l’irresponsabilité de certains
juges et le comportement suspect d’avocats, ayant en charge la
défense de ces adolescents, voire jeunes adultes (c’est à
dire dont l’âge est compris entre 18 et 21 ans), ont attiré
à plusieurs reprises l’attention des observateurs. Quant à
ceux qui étaient accompagnés par des adultes, leur sort a
généralement suivi celui de l’adulte accompagnateur.
Face à l’augmentation de ces
jeunes demandeurs d’asile, le recours à la détermination
“ scientifique ” de leur âge, notamment par l’intermédiaire
de l’examen osseux, est souvent utilisé par le ministère de
l’Intérieur. Il permet de reconnaître majeurs de jeunes
garçons ou jeunes filles, qui d’après l’avocat du
ministère de l’Intérieur, “ mentent sur leur
âge pour se sortir de cette mauvaise situation ”. Certains magistrats considèrent que
ces tests médicaux sont fiables[27],
mais n’hésitent pas à demander parfois une
vérification, en cas de désaccord entre la défense du
mineur et l’avocat du ministère de l’Intérieur. Ce
fut le cas pour un jeune Turc de quinze ans[28]
dont la demande d'asile n'avait pas été enregistrée et qui
a vu son maintien prolongé. De manière assez étonnante, la
PAF a parfois tendance à jouer au
“ forum-shopping ”. Si une décision d’un
juge délégué requiert un nouvel examen osseux, elle
représente le dossier quelques jours plus tard, en espérant
bénéficier d’une “ connivence
expéditive ”…
4Le 12 janvier,
B. S., né en 1983 en Sierra Leone, est présenté à
l’audience. Il a déjà été
présenté devant le juge délégué qui avait
ordonné un nouvel examen à l'Hôtel Dieu. Or, la PAF
n’hésite pas à le représenter sans que
l’examen médical ne soit fait. Pour justifier un tel comportement,
l’avocate du ministère de l’Intérieur estime que
l’administration n’a pas à prendre en charge le coût
de ce second examen. Elle ajoute : “ Il n'a qu'une carte
d'identité sierra leonaise qu'on peut contrefaire. ” Il n'y a donc pas eu de 2ème examen et
la juge le déclare majeur. Le 35 quater est applicable et il est
maintenu.
D’autres juges doutent de la validité de l'examen osseux. Il faut préciser que ces tests sont très contestables - et contestés -, notamment parce qu’ils se réfèrent à des ensembles statistiques établis sur des populations nord américaines, qui plus est, avant la seconde guerre mondiale. Par conséquent, leur utilisation pour les populations concernées est parfaitement inadaptée.
Quand la minorité s’avère évidente,
malgré la mauvaise foi du représentant du ministère de
l’Intérieur, les adolescents sont libérés et
présentés au parquet des mineurs[29].
La transition entre les deux instances judiciaires, lorsqu’elle a lieu,
relève cependant de l’improvisation administrative. La police
refuse parfois d’accompagner ces jeunes personnes, prétextant que
cela n’entre pas dans ses fonctions.
4Le 23 janvier, une Sierra Leonaise mineure,
dont les papiers mentionnent un âge de 14 ans, tandis que le test osseux
indique 12 ans et demi, est remise en liberté sans qu’aucune
mesure ne soit prise par le juge. L’interprète raconte alors aux
observateurs que la greffière l'a emmenée pour la remettre
à l'aide sociale à l’enfance (ASE).
4Le 6 janvier, un jeune Sierra Leonais,
S. D., né le 3 décembre 1983 d’après sa carte
d’identité, est décrété majeur (test osseux,
dentaire et développement sexuel selon la PAF). Cependant, la juge
s'interroge sur sa protection et lui propose de bénéficier
d’un encadrement "jeunes majeurs". Le jeune homme accepte. Il
est alors transmis au parquet des mineurs, pour un accompagnement ASE dans le
cadre des 18-21 ans. Or le juge des mineurs ne voudra pas le recevoir puisque
officiellement il est majeur. Sur le conseil d'une interprète, il partira,
sans sauf conduit, en direction de la gare du Nord, pour rejoindre Amsterdam,
où, paraît-il, il existe un camp de réfugiés pour
les gens de Sierra Leone. L'interprète sera incapable de nous donner la
moindre précision sur cet hypothétique camp, mais déclarera
aux observateurs : “ en Hollande, il
sera à l'abri ”.
Certaines audiences laissent pantois lorsque personne ne soulève
l'exception de minorité alors qu’elle ne fait aucun doute. Il nous
appartient de dénoncer ces faits qui mettent en lumière le
mépris de certaines règles de droit fondamental telle que
l’incapacité d’un mineur d’ester en justice.
C’est ainsi que certains juges ne retiennent pas “ la
possibilité de soulever d’office le défaut de
capacité d’une partie ” (article 117 et s. du nouveau code de procédure
civile), qui leur permet de déclarer nulle la procédure dont fait
l’objet l’étranger mineur, puisqu’en droit commun, les
mineurs doivent être représentés à l’audience
par un parent ou un tuteur. Le pouvoir d’appréciation de
l’opportunité du maintien en zone d’attente, pourtant
clairement défini par la loi[30],
est ici écarté délibérément ou par
ignorance. Le 23 janvier, un jeune Congolais de Kinshasa de 17 ans, aurait pu
en bénéficier ; l’ignorance du magistrat l’en a
empêché.
A l’opposé, la liberté, lorsqu’elle est
accordée par le juge, peut aussi déboucher pour ces mineurs sans
accompagnateur sur l’inconnu. Les prises en charge effectives font
défaut.
4Le 26 janvier, un jeune Sierra Leonais, B. B.,
né le 3 juillet 1983, qui ne parle que le peul, déclare au cours
de l’audience qu'il a 18 ans. Il le répète plusieurs fois,
incapable de dire un mot de plus en français. La juge s’en tient
à ses dires. Il sortira, totalement isolé ; il a été
battu comme la plupart des étrangers présentés lors de
cette audience. Incapable de dire un mot en français ou en anglais, il
est pris en charge par les observateurs. A la sortie, certains d’entre
eux demandent à la juge si elle ne pense pas qu'on lui a soufflé
cette unique phrase et qu'il est curieux, à la différence
d’autres présentés ce même jour, qu’il n'y ait
pas eu le moindre test médical. Le silence de la magistrate sera la
seule réponse.
A différentes reprises des comportements douteux d’avocats venant défendre des étrangers en zone d’attente ont été observés. Les faits semblent connus de la police et des interprètes. En effet, des jeunes filles mineures, assistées d’avocat, ont pu être libérées en raison d’irrégularités flagrantes lors de leur maintien en zone d’attente sans que leur minorité ne soit soulevée.
4C’est ainsi que le 31 janvier le
substitut du procureur qui avait été alerté n’avait
pu intervenir pour la protection de deux jeunes filles. Dans leur dossier
figurait un procès-verbal précisant qu’elles avaient
déclaré être majeures, alors que leur document
d’identité attestait du contraire. A aucun moment, cette
pièce n’avait été mentionnée lors de
l’examen.
4Un garçon et deux filles sont reconnus
mineurs. Une des jeunes filles, Sierra Leonaise, déclare en crio avoir
un frère ici dont elle ne connaissait pas l'adresse. Alors que tous
trois étaient retenus dans une petite pièce en attendant
d'être présentés au juge des enfants, les observateurs
présents ont vu un avocat en civil aller leur parler à deux
reprises en langue africaine. La juge l'a fait sortir une fois, mais il revient
leur parler puis fait un grand clin d'œil à son confrère en
robe dans la salle. A la fin de l'audience, le greffier lui aussi témoin
du manège, ajoute qu’elles vont aller dans un foyer
d’où elles s'enfuiront dans deux jours. “ Elles ont
maintenant des numéros de téléphone ”.
4Le 28
décembre, un jeune Congolais arrive en France avec le passeport de son
frère aîné. En effet, sa mère réside en
France avec l'aîné, mais ne remplit pas les conditions du
regroupement familial. La juge estime qu'il n'y a pas coïncidence entre
les noms de famille des prétendus frères et de la mère.
Puis elle ajoute qu'elle ne peut établir aucune corrélation entre
l'acte de naissance, produit à l'audience et la personne
présente. Par la suite, la juge ne voit pas l'intérêt de
nommer un administrateur ad hoc puisque, dit-elle, la mère
détient l'autorité parentale. Elle venait pourtant de dire que le
lien de parenté était inexistant. Vingt minutes après le
jugement, l'enfant s'écroule en larmes, appelle sa mère. Il est
emmené dans une pièce attenante où on l'entend pleurer,
sangloter, crier : “ je veux mourir ”.
On entend des bruits de chaises renversées. La juge est imperturbable et
paraît ne rien entendre.
4Le 4
janvier un étranger se dit mineur, l’examen osseux le dit majeur.
La juge remarque que selon elle “il paraît bien jeune”.
Malgré cette remarque la juge s’estime liée par
l’examen et ne demande aucune expertise.
4Le 26
janvier, Mlle D., une enfant de 14 ans est présentée à
l’audience. Sur le passeport, il est mentionné qu'elle est de
nationalité française, née le 10 juin 1986 à
Epinay-sur-Seine. Elle est arrivée avec sa mère malienne, qui est
entrée sans problème sur le territoire. Soupçonnant un
passeport falsifié, la PAF a retenu l'enfant seule du 22 au 26 janvier.
Il semble que l'enfant n'a reçu aucune visite de la part de sa famille.
Aucun membre de sa famille n'a été prévenu que la fillette
était présentée à cette audience, où elle
arrive seule, avec comme seule langue le bambara. La juge décide
d'envoyer l'enfant devant le substitut, afin qu'il contacte la mère.
“ L’ordonnance
est susceptible d’appel devant le premier président de la cour
d'appel ou son délégué. […] Le droit d’appel
appartient à l’intéressé, au ministère public
et au représentant de l’Etat dans le
département. ” - Article 35 quater de l’ordonnance du 2
novembre 1945
“ Le magistrat
fait connaître verbalement aux parties présentes le délai
d’appel et les modalités selon lesquelles ce recours peut
être exercé. Il les
informe également que l’appel n’est pas
suspensif ” - Article 7 du décret du 15 décembre 1992
Certains jours, il a été constaté que les juges ne notifient pas leurs droits aux personnes qui comparaissent ou ne le font que de manière partielle. Ainsi, à aucun moment, ils ne demandent aux personnes au début de l’audience si elles souhaitent être assistées d’un avocat commis d’office. De même, à l’issue de l’audience, ils omettent de dire à l’étranger qu’il a la possibilité de faire appel. En l’absence d’avocat, l’irrégularité demeure…
En revanche, certains juges informent toutes les personnes de la
possibilité de faire appel (audience du 22 décembre), mais dans
ce cas, il est rare que l’intéressé comprenne le sens de la
démarche. La difficulté peut être d’autant plus
importante quand la traduction n’est pas assurée. Plusieurs
observateurs disent avoir essayé d'avertir les interprètes de la
nécessité de faire appel, mais sans avoir pu entrer en contact
avec les étrangers.
Lorsque le juge rend sa décision, les étrangers sont déjà fragilisés par une procédure et des informations complexes. On leur demande de signer la notification d’une décision qui ne leur a pas été forcément traduite. Et on n’hésitera pas à prendre trente secondes, pour leur indiquer où ils doivent signer.
4Le 25 janvier, la juge, après lecture
de l'ordonnance indique : “ Vous êtes libre, mais je
vous invite à prendre vos dispositions pour quitter le territoire
français le plus vite possible, sous peine de vous exposer à un
nouveau retour en prison ”.
“ Si le maintien en
zone d’attente n’est pas prolongé au terme du délai
fixé par la dernière décision de maintien,
l’étranger est autorisé à entrer sur le territoire
sous le couvert d’un visa de régularisation de huit
jours. ” - Article 35 quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945
Les explications des juges lorsque les personnes maintenues sont
libérées, sont très variables et vont du plus lapidaire au
plus détaillé, lorsqu’elles sont données. Entre ceux
qui expédient les dossiers dans des délais très brefs[31]
et ceux qui acceptent de prendre du temps pour expliquer un tant soit peu ce
qui attend les demandeurs d’asile à la sortie du tribunal, la
"marge" est parfois importante.
Ainsi, des juges indiquent systématiquement aux personnes libérées la possibilité d'obtenir un sauf-conduit à Roissy et de se rendre ensuite sous huit jours à la préfecture afin de déposer leur demande d'asile (audiences du 22 décembre et du 18 janvier). Mais le langage juridique et la rapidité des explications ne facilitent pas toujours la compréhension bien que le président de l’audience et les interprètes aient une attitude très conciliante.
D’autres magistrats soulignent cette possibilité, de
façon sporadique et lapidaire. Certains n’en font pas du tout
mention. C’est ainsi que la juge présente à
l’audience les
23 et 25 janvier, qui libérera une grande partie des
étrangers du fait de l’absence d’avocat commis
d’office, ne leur signalera à aucun moment la possibilité
d’obtenir un sauf conduit.
Enfin, plusieurs juges s’inquiètent, en cours
d’audience, de savoir comment les personnes libérées vont
regagner Roissy pour retirer leur sauf-conduit.
4Le 9 janvier, la juge trouve scandaleux que ce
document ne leur soit pas remis sur place. Elle demande alors à la
cantonade si les associations ne pourraient pas s'en charger. Le 17 janvier, le
juge souligne l’inertie des autorités de contrôles aux
frontières à l’officier présent et exprime fortement
des doutes quant au fait que cette pratique change un jour. Cependant il
semblerait qu'un dispositif soit en cours de réflexion entre la justice
et la police pour trouver une solution à la délivrance des sauf
conduits à la sortie des audiences.
Il est à noter qu’un des arguments avancés par la
PAF pour que les audiences du 35 quater se déroulent directement dans
l’enceinte de la zone d’attente est justement la facilité de
délivrance des sauf-conduits à l’issue des audiences ;
alors que ces documents pourraient tout à fait être établis
sur place à Bobigny, tel que cela était d'usage il y a quelques
années.
Les visites effectuées en zone d’attente à
l'aéroport de Roissy Charles De Gaulle par les différentes
associations habilitées permettent de déceler les
difficultés que rencontrent les étrangers et de mieux saisir le
dysfonctionnement quasi-permanent de ce régime de privation de
liberté dérogatoire au droit commun. En outre, les observations
des audiences du “ 35 quater ” conduisent aussi à entrevoir,
à un autre stade, la précarité des personnes au cours de
leur maintien en zone d’attente, que ce soit au niveau des conditions
matérielles ou dans le déroulement de la procédure
à l’hôtel IBIS, au Mesnil Amelot (ZAPI 2) ou encore dans le nouveau bâtiment
inauguré en janvier : ZAPI 3. Ainsi, les plaidoiries des avocats,
les interventions des requérants, aussi brèves soient-elles, et
les différentes réponses apportées aux interrogations de
certains juges nous ont permis de noter les discordances notoires entre les
textes en vigueur et la réalité dans ces lieux difficilement
accessibles.
“ [L’étranger]
peut demander l’assistance d’un interprète. ” - Article 35 quater de
l’ordonnance du 2 novembre 1945
“ L’interprète
doit nécessairement être présent aux côtés de
l’étranger qui en sollicite l’assistance ”. - Arrêt de la Cour
de cassation du 7 octobre 1999.
Les problèmes d’interprétariat se retrouvent
pratiquement à tous les stades de la procédure.
Parmi les personnes qui se présentent au poste frontière
de l’aéroport, une majeure partie d’entre elles semble
pouvoir se faire comprendre auprès de l’officier de la PAF, en
indiquant qu’elles viennent demander l’asile en France, soit avec
quelques mots du “ pays d’accueil ” ou d’anglais, soit
dans le meilleur des cas en parlant bien l’une de ces deux langues.
Généralement, le fait que la personne se soit exprimée[32]
dans l’une de ses deux langues, avec plus ou moins de difficultés,
suffit pour estimer le degré de compréhension de la langue
suffisant pour expliquer une procédure aussi complexe que celle du
maintien en zone d’attente et de l’examen du caractère
manifestement infondé de la demande d’asile. L’officier dresse
alors le procès verbal en anglais ou en français ce qui
évite d’avoir recours à un interprète dans une autre
langue.
Ces pratiques peuvent aussi conduire à ne pas respecter les
langues parlées par les intéressés et
“ officialiser ” le principe que l'anglais, voire le
français, étant langue
officielle du pays et reconnue par l’ONU, doit être compris
par tous. Ainsi, lors de l’audience du 24 janvier plusieurs
ressortissants de nationalité sierra leonaise sont maintenus en zone
d’attente, malgré l’incompréhension manifeste de la
langue. Quelques jours auparavant, deux Sri Lankaises refusent de signer
le procès verbal de placement en zone d'attente car elles ne comprennent
pas l’interprète en anglais.
Malgré l’arrêt de la Cour de Cassation du 7 octobre 1999,
qui impose la présence physique d’un interprète afin que
les étrangers comprennent leurs droits à travers ces
méandres procéduriers, il apparaît encore des situations
où les traductions se font par téléphone. Ces moyens ont
pu être soulevés par certains avocats ou d'office par certains
juges attentifs, conduisant généralement à la
nullité de la procédure (audience du 25 décembre).
Pour les demandeurs d’asile qui ne parlent aucune des deux
langues précitées et ne parviennent pas à se faire
comprendre auprès des autorités administratives, il arrive
qu’ils se retrouvent face au juge à Bobigny, sans que leur demande
d’asile ait été enregistrée. Une personne peut alors
se retrouver dans une situation qui pourrait s’apparenter à une
scène burlesque, si elle ne traduisait une grave dégradation de
l’accès aux droits et garanties normalement reconnu par la loi.
4Ainsi le 27 janvier, en provenance
d’Abidjan, un Sierra Leonais se présente au poste frontière
avec comme seul papier une carte de la Croix Rouge internationale, sur laquelle
est noté en anglais "refugee". Quatre jours plus tard,
l’avocat de la PAF se contente alors d’expliquer au juge que cet
homme n’a pas de papier, excepté la carte de la Croix Rouge où
est mentionnée son identité, et demande le prolongement du
maintien en zone d’attente le temps de pouvoir préparer le
rapatriement sur Abidjan. Il faudra l’attention du juge pour mettre en
relief l’absurdité du comportement de la PAF, vis à vis de
cet homme qui parle crio et souhaite manifestement demander l’asile. Le
requérant verra sa détention prolongée de huit jours, le
temps d’examiner sa demande ! La langue, au-delà d’un
instrument de communication, devient un instrument de pouvoir devant des hommes
et des femmes démunis.
“ [la décision
de maintien] est portée sans délai à la connaissance du
procureur de la République ” - Article 35 quater de
l’ordonnance du 2 novembre 1945.
La demande d’asile, une fois enregistrée, doit être
transmise aux ministères de l’Intérieur (DLPAJ) et des
Affaires étrangères. En outre la décision de placement en
zone d’attente doit être notifiée au Parquet. Or, plusieurs
dossiers laissent apparaître des délais importants entre
l’heure où l’avis à Parquet, obligatoire en
matière de placement en zone d’attente, est notifié, et le
moment où les étrangers sont à la disposition de la
police. Ce moyen de nullité peut être retenu par certains juges,
à partir seulement d’un "écart horaire minimum"
qui se situe autour de quatre ou cinq heures[33].
Ce constat n’est pas nouveau et avait été relevé
dans le rapport de l’Anafé du 23 mars 2000.
Les autorités sont ainsi amenées à
présenter des dossiers dont les délais tardifs avoisinent la
dizaine d’heures. Par exemple, un avis de placement en zone
d’attente concernant deux Sierra Léonaises sera notifié dix
heures après leur interpellation par la PAF ; idem pour deux Sri
Lankais dont le placement a été notifié plus de neuf
heures après leur interpellation. Ces quatre personnes seront remises en
liberté.
On notera enfin que, si l’absence de signature des officiers de
la PAF sur les procès verbaux de placement en zone d’attente est
retenue[34]
comme un moyen de nullité, l’absence de signature de la part des
étrangers ne vaut pas, jusqu’à ce jour, preuve d’incompréhension.
La suspicion fréquente vis à vis
d’étrangers accusés d'être des “ faux
réfugiés ”, voire des
“ clandestins ”, aboutit à interrompre le voyage
de personnes en transit à Roissy. Ainsi, de peur de devoir
réacheminer certaines personnes, on n'hésite pas à
maintenir certaines d'entre elles en zone d'attente, malgré des papiers
en règle. Par exemple, un Ivoirien, en transit à Roissy le 14 janvier
entre Douala et Zürich où il réside avec son épouse
et son enfant, est accusé d'avoir un faux passeport. Il nie et persiste
à dire qu'il a des preuves. Après avoir subi deux tentatives
d'embarquement, il est présenté pour une prolongation du
maintien. Il sera finalement remis en liberté, en l'absence d'avocats.
Son billet d’avion lui ayant été confisqué, il
demande conseil auprès des observateurs pour rentrer en Suisse,
où il doit absolument reprendre le travail. Pour récupérer
passeport et billet d'avion, il devra adresser un courrier à la PAF.
Quelle adresse ? Quelle solution ?
Ces comportements des autorités de contrôle aux
frontières semblent conduire à outrepasser le droit par des abus,
que ce soit au moment de la sortie de l'avion ou au tribunal face au juge.
Ainsi il n'est pas rare que des pièces soient manquantes ou
incomplètes (telles que la notification de maintien en zone
d’attente) lors de la présentation du dossier au juge, ce qui
n’empêche pas le représentant du ministère de l’Intérieur
de demander une prolongation, voir même une deuxième prolongation
qui, bien sûr, est exceptionnelle…
4Le 9 janvier, un Congolais est
libéré par la juge qui constate qu'il n'y avait pas de
notification officielle de son placement en zone d'attente, mais seulement un
rapport sans date ni heure, dont l’indication est nécessaire pour
qu’il puisse statuer. Le 28 janvier, deux dossiers sont ainsi
présentés. Les deux personnes concernées seront
relâchées. Il arrive aussi que des notifications sans interprète
et sans mention de l'heure soient présentées au juge. Certaines
conduiront vers une ordonnance de libération, d’autres non.
Ces exemples de dossiers incomplets, pris parmi d’autres, et
présentés par la PAF au juge, laissent à penser que de
telles pratiques existent de manière assez habituelle, sans que tous les
juges soulèvent d’office ces moyens de nullité.
4Le 7 janvier, les observateurs présents prennent en charge une angolaise ne parlant pas français qui avait été arrêtée en transit. Elle est accompagnée de quatre enfants, bras et jambes nus, dont la fourchette d’âge semble se situer entre 5 et 8 ans. Un avocat arrive à midi alors qu'elle est déjà libérée. Un des interprètes explique aux observateurs que l'avocat a été vu en zone d'attente et a demandé 1300 dollars pour la défense de la famille. L’avocat est alors interpellé et une dispute s’en suit. Il refuse de rendre l'argent. La famille n'a plus que 200 $ pour regagner la Hollande, son pays de destination.
4Le 23 janvier, le représentant du
ministère de l’Intérieur, explique au cours d’une
discussion informelle que le tarif le plus élevé jamais
pratiqué en zone d’attente s’élève à 7
000 dollars. Lorsqu’on sait que la marge de manœuvre des avocats et
des juges est assez réduite dans le cadre des audiences 35 quater, on
peut se demander si la liberté contractuelle n’entraîne pas
des abus de la part de certains avocats peu scrupuleux.
Certaines demandes d’asile ne sont pas enregistrées en
zone d’attente. Compte tenu des difficultés liées à
l’absence d’interprétariat et du fait que la présence
des associations pour apporter une assistance juridique reste limitée et
tributaire du ministère de l’Intérieur, il est parfois
impossible de savoir si la demande d'asile a été ou sera
enregistrée. Le 14 janvier, il a été observé
qu’aucune procédure n’avait été
déclenchée pour cinq personnes présentées à
l’audience.
Pour certains requérants, la demande d'asile n’est
enregistrée qu'après la visite de l’avocat en zone d'attente.
Parmi ces étrangers, certains ont dû essuyer un refus
préalable d'embarquement (cas d’une Sri Lankaise,
présentée à l’audience du 22-12-2000).
Au bout de quatre jours de maintien en zone d’attente, la
prolongation de 8 jours est généralement très facilement
acceptée par les juges, afin qu’un fonctionnaire du MAE rencontre
le demandeur d’asile ou que la décision du ministère de
l’Intérieur soit rendue pour savoir si la demande est ou
n’est pas manifestement infondée ! Quant à la
deuxième prolongation de 8 jours, qui ne devrait être
prononcée qu’à titre exceptionnel, il n’est pas rare
que le tribunal l’accorde à la PAF au seul motif (exceptionnel
bien sûr) que le MAE n’a pas pu rencontrer la personne ou n’a
pas pu donner une réponse. Mais, là encore, l’attitude du
juge varie. Ainsi le 17 janvier un Congolais entendu par le MAE le 10 janvier
n'a toujours pas de réponse à sa demande d'asile. Le juge
accordera sa libération au “ vu de la détention
exceptionnelle à laquelle il a été soumis ”.
Pour d’autres cas, malgré l’absence de
réponse du MAE, le maintien en zone d’attente est accordé.
Divers compte
rendus d’audiences témoignent de ces attitudes variables :
4Audience
du 22 décembre : trois Sri Lankais n'ont pas pu faire enregistrer leur
demande d'asile en zone d'attente. Leur avocate demande la condamnation de
l'administration pour voie de fait. Le juge retient la voie de fait et
libère ces deux personnes.
4Audiences
des 25 et 27 décembre : Demandes de prolongation acceptées du
fait que les requérants n'avaient pas été entendus par le
MAE.
Il est souvent difficile de savoir dans quelles conditions les
étrangers ont été "maintenus". Dans
l’ensemble, la rapidité des audiences laisse peu de temps pour
évoquer les conditions de maintien, le juge s’attardant au mieux
à comprendre si la procédure a été
régulière, et l’étranger n’a
généralement guère le temps de dire plus que son
identité et son origine… La seule remarque soulevée au
cours d’une audience a été faite, le 9 janvier, par un
Sri Lankais qui se plaignait d'avoir été menacé
d'être frappé pendant son maintien.
4Le 26 janvier, l’attention des
observateurs est attirée par le fait qu'un Soudanais est pieds nus.
Libéré, il leur explique que c’est la police qui lui a pris
ses chaussures et l'a battu. Il raconte qu’il est arrivé quatre
jours plus tôt avec 42 autres Nouba originaires du sud Soudan, où
ils sont persécutés. Et que tous demandaient l'asile. Ils ont
été divisés en plusieurs groupes : 14, dont il
n’a plus aucune nouvelles, ont été expédiés
à Cotonou ; 4 autres ont été envoyés à
Bamako où ils ont demandé l'asile. Les autorités les ont
refusés et envoyés à Conakry (autre refus !).
C’est alors qu’ils sont revenus en France. A chaque embarquement,
ils ont été battus, ainsi que dans l'hôtel Ibis. Un
médecin, bénévole à la Cimade 93, a
été appelé en fin de journée pour constater les
plaies et les contusions. Les observateurs interpellent la juge pour lui
demander si elle sait qu'ils ont été battus ou si elle a
remarqué que leurs vêtements étaient déchirés
(manches arrachées, tee-shirt en lambeaux) et que l'un d'eux
était nus pieds. Elle répond qu’elle n'a rien
remarqué, en précisant qu’ils n'avaient rien déclaré
et qu’ils n'avaient qu'à porter plainte.
Pendant un mois et demi,
en plein hiver, il a été noté à de nombreuses
reprises que certaines personnes maintenues, parmi lesquelles des enfants,
étaient peu vêtues. Il semble que l’Office des Migrations
Internationales ne soit pas en mesure de pourvoir à l’assistance
humanitaire prévue par la mission que l’Etat lui a confiée.
Les juges semblent eux-même oublier le rôle que doit
remplir l’OMI. Le 25 décembre, le juge interpelle les deux
bénévoles d’une association, présents à
l’audience afin de prendre le problème en charge.
Les problèmes médicaux des étrangers ne sont
généralement pas considérés comme une
priorité par les juges et encore moins par la PAF. Ainsi, face à
différentes plaintes des requérants, plusieurs observateurs ont
assisté à des attitudes passives de la part des juges. Les juges
n’ont-ils pas le pouvoir d’exiger la
consultation d’un médecin ?
Pour illustrer ces quelques lignes, quatre exemples ont
été retenus :
4Audience
du 26 décembre : L'étranger se plaint et demande à voir un
médecin. Le juge lui répond qu'il fallait le demander en zone
d'attente.
4Audience
du 29 décembre : La juge fait remarquer que d'après un examen
médical, la jeune femme est enceinte de trois mois. Elle demande alors
à l'intéressée, si elle pense que son état est
compatible avec le maintien en zone d'attente. L'intéressée
répond que oui… La prolongation est prononcée. On demande
donc aux étrangers d'établir eux-mêmes leur propre
diagnostic médical.
4Audience
du 21 janvier : Une Sri Lankaise essaye d'expliquer qu'elle est
asthmatique. En l'absence d'interprète elle n'a pu se faire comprendre
et n'a donc vu aucun médecin durant son maintien à Roissy. Elle
reparle de son asthme à l'audience, mais le juge ne réagit pas.
4Audience
du 28 janvier : Une femme de quarante ans, originaire de RDC, avec un
bébé d'un an, se plaint de ne pas avoir eu d'interprète
lors de la visite d'un médecin en zone d'attente. Elle ajoute
qu’elle n'a donc pas pu être soignée. La juge lui
répète qu'elle comprend. La discussion n’ira pas plus loin.
Manifestement, ça ne l'intéresse pas.
L’attitude des membres de la PAF est très variable
à l’égard des étrangers. On peut ainsi passer de
l’impassibilité ou l’indifférence, la compassion
reste rare. Des attitudes sont révélatrices :
4Audience
du 23 décembre : “ Nous sommes 120 appelés qui
logent dans des préfabriqués au bord des pistes, dans des
conditions bien moins bonnes que celles des personnes en zone
d'attente. ”
“ Les
chambres sont faites tous les jours, mais ils salissent tout. Parfois, il faut
les forcer à nettoyer. Les femmes ne mettent pas de serviette sur le
lit, pour changer leur bébé ; elles le font
généralement par terre. Alors forcément, tout est
sale. ”
“ En
cas d'expulsion, en général, ça va. Mais certains ne
veulent pas partir, alors il faut être un peu dur avec eux. On est
obligé... ”
“ Si le maintien en zone
d'attente n'est pas prolongé au terme du délai fixé par la
dernière décision de maintien, l'étranger est
autorisé à entrer sur le territoire français sous le
couvert d'un visa de régularisation de huit jours. ” – Article 35
quater de l’ordonnance du 2 novembre 1945
La première difficulté pour les étrangers
libérés est de comprendre la nécessité de se rendre
à l’aéroport pour obtenir le sauf conduit[35] ;
la seconde est de s’y rendre. Rappelons que l’obtention de ce
laisser passer peut avoir, par la suite, des conséquences importantes
sur la procédure de demande d’asile. Un sauf conduit étant
considéré comme une entrée régulière sur le
territoire français, il donne le droit d’avoir un avocat pris en
charge par l’aide juridictionnelle lors de l’examen éventuel
du dossier par la Commission des recours des réfugiés.
Après l’audience, les étrangers
libérés attendent, dans le hall d'entrée du tribunal, les
différentes ordonnances et doivent trouver un moyen de se rendre
à Roissy. Ils ne sont bien évidemment plus à la charge de
la police. De son propre chef, la Croix Rouge a décidé de pallier
les carences de l’Etat et de conduire les étrangers
libérés à Roissy pour qu’ils
récupèrent leur sauf conduit. Cette assistance essentielle ne
suffit malheureusement pas à couvrir les besoins. Et en l’absence
de la Croix Rouge, les personnes se retrouvent à Bobigny, avec au mieux
la carte de téléphone donnée par l'OMI, aucun plan de la
région parisienne, et aucune idée de ce qu'ils doivent faire
(audience des 15 et 27
décembre et 3 janvier).
Dans l’ensemble, ils sont très démunis et n’ont pas de vêtements adéquats. Nombreux sont ceux qui ne portent que des vêtements d'été. Un bénévole de la Croix Rouge, rencontré à Roissy, souligne qu’il est la plupart du temps impossible pour les étrangers de récupérer leurs bagages en soute. Il semble aussi qu’il n’y ait pas systématiquement de distribution de nourriture et de boissons chaudes pour les personnes qui passent à l’audience à Bobigny. Le 26 janvier, les étrangers n'avaient rien mangé depuis la veille au soir et n'ont eu les décisions que vers 15 heures. Généralement il semble que seuls les policiers soient nourris à midi et souvent les audiences se poursuivent jusqu'à 16 heures.
Le parcours pour se rendre à l’aéroport pourrait se
résumer de la sorte. Du fait de l’absence de moyen financier pour
ces personnes, la seule possibilité offerte est
généralement d’aller sans ticket jusqu’à la
station de RER de Roissy. On peut ensuite imaginer, pour ceux qui comprennent
l’utilité d’un tel déplacement,
l’hésitation à laquelle ils doivent faire face, à la
fin de la ligne du RER B entre Roissy I et Roissy II ! Le périple
se poursuit en bus pour ceux qui regagnent l'aérogare 1, ZAPI 2 ou ZAPI
3. C’est très long et pénible pour des gens extrêmement
stressés et souvent au bord de l'épuisement.
A Roissy, la Croix Rouge assure une permanence du lundi au samedi de 14
heures à 20 heures. Leur local à Roissy 1 est très
difficile à trouver, il faut téléphoner pour qu'un
bénévole vienne vous chercher et vous conduise dans un
dédale d'escaliers et de couloirs. Dans ce local, il n'y a ni
nourriture, ni vestiaire, ni médicaments. Les bénévoles,
eux aussi démunis et en nombre insuffisant, se démènent
pour obtenir les sauf-conduits, durant les quelques heures de permanence.
Enfin, comme cela se passe habituellement pour d’autres
démarches administratives, on constate que les rapports avec les forces
de l’ordre diffèrent selon que les étrangers sont seuls ou
accompagnés de bénévoles de la Croix Rouge ou de l’Anafé.
4Audience
du 15 décembre : “ A l'issue de la matinée,
l'interprète en anglais nous a demandé de nous occuper de deux
des personnes libérées, la Croix-Rouge étant absente, elle
ne voyait pas comment ces deux personnes allaient pouvoir retirer leur sauf-conduit.
Nous les avons donc accompagnées à Roissy, où nous avons
obtenu leur sauf-conduit. Puis, nous avons été interpellés
par deux autres étrangers, libérés le 13 décembre.
Ceux-ci se sont vus refuser la délivrance de leur sauf-conduit à
deux reprises, parce qu'ils ne parlaient pas français! Nous les avons
alors accompagnés au terminal 2F où ils ont obtenu ce document en
l’espace de 15 minutes.”
Les étrangers patientent dans le hall d'entrée du
tribunal, en attendant l’ordonnance du juge, plusieurs observateurs ont
relevé la présence d’hommes extérieurs abordant les
jeunes africaines libérés. Une observatrice indique que, lors des sorties des
audiences du 19 janvier et 2 février 2001, les jeunes femmes de Sierra
Leone semblaient être les plus vulnérables. “ Les
avocats ou autres personnes les encadraient et nous empêchaient de leur
parler : puis nous avons assisté au départ, sous bonne
escorte, de deux d'entre elles sans rien pouvoir faire. Visiblement, elles ne
connaissaient pas les hommes qui venaient les chercher mais semblaient
prévenues. Equipés de portable, très sûrs d'eux, ils
passent de nombreux appels ”.
Les comportements de ces hommes, à la sortie du tribunal,
semblent bénéficier de l’appui de certains avocats, qui
interviennent lors des audiences. Le 23 décembre, deux observateurs ont
pu échanger quelques propos avec des policiers. L’un d’entre
eux dénonce alors un avocat, si connu des policiers de la PAF
qu’ils l’ont affublé d’un surnom. Il précise
que c’est un spécialiste du 35 quater dans le mauvais sens du
terme. “ C'est son business. On le voit toujours ici. Il se fait
de l'argent sur la misère des gens ”[36]. A plusieurs reprises, il obtient la remise
en liberté de Sierra Leonaises. Son
comportement est généralement agressif. Certains jours, il défend bien ses clientes ; d’autres jours, il plaide de manière fantaisiste, menace de déposer une plainte pour voie de fait ou de saisir le bâtonnier.
4Audience
du 14 janvier: “ Le rôle de certains avocats, non commis d’office,
m'est apparu particulièrement trouble, en cette période de
grève. Certains profitent du désarroi des étrangers pour
leur faire croire qu'ils vont être renvoyés chez eux, s'ils n'ont
pas d'avocat. Ils en profitent pour extorquer d'importantes sommes d'argent,
à des gens manifestement très démunis. J'ai d'ailleurs eu
une vive altercation avec l'un d'entre eux qui essayait de m'interdire d'aller
parler avec les étrangers ”. Sur une
note, l’observatrice précise qu'elle a été
violemment prise à parti par un avocat, alors qu'elle parlait avec une
jeune sierra leonaise, en la mettant en garde contre les
proxénètes. “ Il m'a insultée en
m'interdisant de parler à sa cliente (elle n'était pas sa cliente
puisqu'elle venait de comparaître sans avocat), que je n'avais rien
à faire là et qu'il entendait bien être
respecté ”.
De tels agissements concernent également des hommes qui
n’ont personne pour les guider lors de leur libération.
L’attitude de ces "rabatteurs" consiste à venir recruter
des gens isolés et désemparés.
4Le 30 janvier, un mineur sierra leonais
âgé de 16 ans, mais déclaré majeur par l'expertise
médicale, a été pris en charge par un homme d’une
trentaine d’années. Les protestations d'une avocate qui explique
alors aux étrangers qu'ils ne doivent suivre personne mais aller
à la Croix Rouge de Roissy n’y feront rien. L'homme est parti avec
six jeunes hommes.
4Audience
du 26 janvier : “ Nous avons été témoins de
manèges suspects. Cela se passe généralement en diverses
langues africaines et concerne aussi bien les adultes que les mineurs, les
hommes que les femmes. Alors que nous étions sept représentants
d'associations, accompagnant un groupe d'une trentaine d’hommes à
la station de bus, nous avons été suivis par deux individus se
disant : "cousins". Comme nous avions longuement parlé
avec les étrangers, en les mettant en garde, aucun ne s'est dit :
"cousins" des deux individus. A cela s’ajoutent des
"avocats" qui proposent leurs services et qui sont visiblement
furieux lorsque les associations viennent en aide à ces
étrangers. Un greffier nous dira : “ Il faut bien savoir que
les avocats sont des commerçants, ce sont des professions
libérales ! ”
.
I.
L'étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou
aérienne et qui soit n'est pas autorisé à entrer sur le
territoire français, soit demande son admission au titre de l'asile,
peut être maintenu dans une zone d'attente située dans une gare
ferroviaire ouverte au trafic international et désignée par
arrêté, un port ou un aéroport pendant le temps
strictement nécessaire à son départ et, s'il est demandeur
d'asile, à un examen tendant à déterminer si sa demande
n'est pas manifestement infondée.
Il est immédiatement
informé de ses droits et de ses devoirs, s'il y a lieu par
l'intermédiaire d'un interprète. Mention en est faite sur le
registre mentionné ci-dessous, qui est émargé par
l'intéressé.
La zone d'attente est
délimitée par le représentant de l'Etat dans le
département. Elle s'étend des points d'embarquement et de
débarquement à ceux où sont effectués les
contrôles des personnes. Elle peut inclure, sur l'emprise, ou à
proximité, de la gare, du port ou de l'aéroport, un ou plusieurs
lieux d'hébergement assurant aux étrangers concernés des
prestations de type hôtelier.
II. Le
maintien en zone d'attente est prononcé pour une durée qui ne
peut excéder quarante-huit heures par une décision écrite
et motivée du chef du service de contrôle aux frontières ou
d'un fonctionnaire désigné par lui, titulaire au moins du grade
d'inspecteur. Cette décision est inscrite sur un registre mentionnant
l'état civil de l'intéressé et la date et l'heure
auxquelles la décision de maintien lui a été
notifiée. Elle est portée sans délai à la
connaissance du procureur de la République. Elle peut être renouvelée
dans les mêmes conditions et pour la même durée.
L'étranger est libre
de quitter à tout moment la zone d'attente pour toute destination
située hors de France. Il peut demander l'assistance d'un
interprète et d'un médecin et communiquer avec un conseil ou
toute personne de son choix.
III. Le
maintien en zone d'attente au-delà de quatre jours à compter de
la décision initiale peut être autorisé, par le
président du tribunal de grande instance ou un magistrat du
siège délégué par lui, pour une durée qui ne
peut être supérieure à huit jours. L'autorité
administrative expose dans sa saisine les raisons pour lesquelles
l'étranger n'a pu être rapatrié ou, s'il a demandé
l'asile, admis, et le délai nécessaire pour assurer son
départ de la zone d'attente. Le président du tribunal ou son
délégué statue par ordonnance, après audition de
l'intéressé, en présence de son conseil s'il en a un, ou
celui-ci dûment averti. L'étranger peut demander au
président ou à son délégué qu'il lui soit
désigné un conseil d'office. Il peut également demander au
président ou à son délégué le concours d'un
interprète et la communication de son dossier. Le président ou
son délégué statue au siège du tribunal de grande
instance, sauf dans les ressorts définis par décret en Conseil
d'Etat. Dans un tel cas, sous réserve de l'application de l'art. 435 du
nouveau code de procédure civile, il statue publiquement dans une salle
d'audience spécialement aménagée sur l'emprise
ferroviaire, portuaire ou aéroportuaire.
L'ordonnance est susceptible
d'appel devant le premier président de la cour d'appel ou son
délégué. Celui-ci est saisi sans forme et doit statuer
dans les quarante-huit heures de sa saisine. Le droit d'appel appartient
à l'intéressé, au ministère public et au
représentant de l'Etat dans le département. L'appel n'est pas
suspensif.
IV. A
titre exceptionnel, le maintien en zone d'attente au-delà de douze jours
peut être renouvelé, dans les conditions prévues par le
III, par le président du tribunal de grande instance ou son
délégué, pour une durée qu'il détermine et
qui ne peut être supérieure à huit jours.
V.
Pendant toute la durée du maintien en zone d'attente, l'étranger
dispose des droits qui lui sont reconnus au deuxième alinéa du
II. Le procureur de la République ainsi que, à l'issue des quatre
premiers jours, le président du tribunal de grande instance ou son
délégué peuvent se rendre sur place pour vérifier
les conditions de ce maintien et se faire communiquer le registre
mentionné au II.
Un décret en Conseil
d'Etat détermine les conditions d'accès du
délégué du haut-commissaire des Nations unies pour les
réfugiés ou de ses représentants ainsi que des
associations humanitaires à la zone d'attente.
VI. Si
le maintien en zone d'attente n'est pas prolongé au terme du
délai fixé par la dernière décision de maintien,
l'étranger est autorisé à entrer sur le territoire
français sous le couvert d'un visa de régularisation de huit
jours. Il devra avoir quitté ce territoire à l'expiration de ce
délai, sauf s'il obtient une autorisation provisoire de séjour ou
un récépissé de demande de carte de séjour.
VII. Les dispositions du présent article s'appliquent également à l'étranger qui se trouve en transit dans une gare, un port ou un aéroport si l'entreprise de transport qui devait l'acheminer dans le pays de destination ultérieure refuse de l'embarquer ou si les autorités du pays de destination lui ont refusé l'entrée et l'ont renvoyé en France.
VIII. Si
le départ de l'étranger du territoire national ne peut être
réalisé à partir de la gare, du port ou de
l'aéroport dont dépend la zone d'attente dans laquelle il est
maintenu, l'étranger peut être transféré vers toute
zone d'attente d'une gare, d'un port ou d'un aéroport à partir
desquels son départ peut effectivement avoir lieu.
Lorsque la décision de
transfert doit intervenir dans le délai de quatre jours à compter
de la décision initiale de maintien en zone d'attente, elle est prise
dans les conditions prévues au II du présent article.
Lorsque le transfert est
envisagé après le délai de quatre jours à compter
de la décision initiale de maintien, l'autorité administrative en
informe le président du tribunal de grande instance ou son
délégué au moment où elle les saisit dans les
conditions prévues aux III et IV du présent article.
Dans le cas où la prolongation ou le renouvellement du maintien en zone d'attente ont été accordés, l'autorité administrative informe le président du tribunal de grande instance ou son délégué ainsi que le procureur de la République de la nécessité de transférer l'étranger dans une autre zone d'attente et procède à ce transfert.
La prolongation ou le
renouvellement du maintien en zone d'attente ne sont pas interrompus par le
transfert de l'étranger dans une autre zone d'attente.
L'autorité
administrative avise immédiatement de l'arrivée de
l'étranger dans la nouvelle zone d'attente le président du
tribunal de grande instance et le procureur de la République du ressort
de cette zone.
Annexe 2 : liste des zones
d’attente
ALPES MARITIMES
Port de Villefranche-sur-mer – Port de la
Santé
Port de Nice
Aéroport de Nice-côte d’Azur
Ardennes
Aéroport de Charleville-Mézières
AUDE
Port La Nouvelle
BOUCHES DU RHÔNE
Port autonome de Marseille
Aéroport de Marseille Provence
CALVADOS
Port de Caen-Ouistreham
Port de Honfleur
Aéroport de Deauville-Saint Gatien
Aéroport de Caen-Carpinet
CHARENTE-MARITIME
Port de commerce de La Rochelle-Pallice
Port de Rochefort-Tonnay-Charente
Aéroport de La Rochelle-Laleu
CORREZE
Aérodrome de Brive-la-Gaillarde
CORSE DU SUD
Port d’Ajaccio
Port de Propriano
Port de Porto-Vecchio
Port de Bonifacio
Aéroport d’Ajaccio Campo Dell’Oro
Aéroport de Figari-Sud-Corse
HAUTE-CORSE
Port de Bastia
Port de Calvi
Port d’Ile Rousse
Aéroport de Bastia-Poretta
Aéroport de Calvi-Sainte-Cathérine
CÔTE D’ARMOR
Port de Saint-Quay Portrieux
Aéroport de Saint-Brieuc
Aéroport de Lannion
Port de Légué
Port de Tréguier
DOUBS
Gare de Morteau
Gare de Pontarlier
FINISTERE
Port de Roscoff
Port de commerce de Brest
Aéroport de Brest-Guipavas
Aéroport de Quimper-Pluguffan
HAUTE-GARONNE
Aéroport de Toulouse-Blagnac
GIRONDE
Port autonome de Bordeaux
Aéroport de Bordeaux-Mérignac
HERAULT
Port de Sète
Aéroport de Béziers
Aéroport de
Montpellier-Méditerranée
ILLE-ET-VILAINE
Port de Saint-Malo
Aéroport de Rennes-Saint-Jacques
Aéroport de Dinard-Pleurtuit
INDRE
Aéroport de
Châteauroux-Déois
INDRE-ET-LOIRE
Aéroport de Tours-Saint-Symphorien
ISERE
Aéroport de Grenoble-Saint-Geoirs
JURA
Aéroport de Dôle-Tavaux
LOIRE
Aéroport de
Saint-Etienne/Bouthéon
LOIRE-ATLANTIQUE
Port atlantique de Nantes-Saint-Nazaire
Aéroport de Nantes-Atlantique
MAINE-ET-LOIRE
Aérodrome d’Angers-Avrillé
MANCHE
Port de Cherbourg
Port de Granville
Aéroport de Cherbourg
MAYENNE
Aéroport de Laval-Entrammes
MORBIHAN
Port de commerce de Lorient
MOSELLE
Aéroport de Metz-Nancy-Lorraine
NIEVRE
Aéroport de Nevers-Fourchambault
NORD
Port de Dunkerque
Aéroport de Lille-Lesquin
Gare de Lille-Europe
OISE
Aéroport de Beauvais-Tille
PARIS
Gare de l’Est
Gare du Nord
PAS-DE-CALAIS
Port de Calais
Port de Boulogne-sur-mer
Gare de Calmais-Fréthun
PUY-DE-DOME
Aéroport de Clermont-Ferrand-Aulnat
PYRENEES ATLANTIQUES
Aéroport de Biarritz-parme
Aéroport de Pau-Pyrénées
Gare de Hendaye
Port de Bayonne
HAUTES-PYRENEES
Aéroport de Tarbes-Ossun-Lourdes
PYRENEES ORIENTALES
Aéroport de Perpignan-La Llabanère
Gare de Cerbère
Port de Vendres
BAS-RHIN
Aéroport de Strasbourg-Entzheim
HAUT-RHIN
Aéroport de Bâle-Mulhouse
RHÔNE
Aéroport de Lyon-Satolas
Aéroport de Lyon-Bron
SAVOIE
Aéroport de
Chambéry-Aix-les-Bains
Gare de Modane
HAUTE-SAVOIE
Aérodrome de Annecy-Meythet
SEINE-MARITIME
Port de Rouen
Port du Havre
Port de Dieppe
Aéroport de Rouen-Vallée de Seine
Aéroport du Havre-Octeville
SEINE-SAINT-DENIS
Aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle
Aéroport du Bourget
VAR
Port de Toulon
VIENNE
Aérodrome de Poitiers-Biard
HAUTE-VIENNE
Aéroport de Limoges-Bellegarde
VAL-DE-MARNE
Aéroport d’Orly
YVELINES
Aéroport de Tossus-le-Noble
REUNION
Aéroport de Saint-Denis
Port de Saint-Denis
REGION GUADELOUPE
Port de Pointe-à-Pitre
Port de Basse-Terre
Port de Gustavia à Saint
Barthélémy
Port du Bord de mer à
Trois-Rivières
Port de Deshaies
Port de Terre de Hut
Port de Terre de Bas
Port de Saint Louis de Maie Galante
Port de Marigot à Saint Martin
Marina de Bas du Fort à
Pointe-à-Pitre
Marina de Rivière Sens à Gourbeyre
Aéroport de Pointe-à-Pitre Le
Raizet
Aéroport Grand Case à Saint
Martin
Aéroport de Saint
Barthélémy
Aérodrome de Saint François
Aérodrome de Terre de haut
Aérodrome de La Désirade
Aérodrome Grand-Bourg de Marie Galante
Aérodrome du Baillif
REGION MARTINIQUE
Aéroport de Fort-de-France – Le
Lamentin
Port de croisière de Fort-de-France
Port de plaisance de Fort-de-France
Annexe 3 :
Tableau des équivalences des langues utilisé
par la PAF
LANGUES UTILISEES
|
LANGUES ONU
|
tAMOUL |
ANGLAIS |
PENJABI |
ANGLAIS |
PEULH |
Français |
PERSAN |
ARABE |
OURDOU |
ANGLAIS |
TURC |
ARABE |
HINDI |
ANGLAIS |
SOMALI |
ANGLAIS |
PATSHO |
ANGLAIS |
LINGALA |
Français |
KURDEMANJI |
ARABE |
KURDE |
ARABE |
BAMBARA |
Français |
BENGALI |
ANGLAIS |
ALBANAIS |
Français |
RUSSE |
RUSSE |
SONINKE |
Français |
WOLOF |
Français |
VIETNAMIEN |
Français |
AMHARIQUE |
ARABE |
KINYARWANDA |
Français |
COMORIEN |
Français |
ROUMAIN |
ANGLAIS |
POLONAIS |
ANGLAIS |
KIKONGO |
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1. Ces chiffres concernent les demandeurs d'asile à Roissy jusqu'en 1997. A partir de 1998, le ministère de l'Intérieur n'a fourni que des moyennes pour l'ensemble des demandeurs (dont 96% maintenus à Roissy).
3. En 1997 et 1998, le ministère de l'Intérieur donne des pourcentages qui incluent les mineurs accompagnés dans le nombre de demandeurs d'asile. Les chiffres qu'il donne sont: 23% en 1997, 30 % en 1998.
4. Le Monde, 23 décembre 1998 “ Des demandeurs d’asile dénoncent des violences policières lors de leur refoulement ” - Le Monde, 24 mars 2000, “ Des associations dénoncent la violence omniprésente dans la zone d’attente de Roissy ”.
1. Amnesty International, Association Nationale d’Assistance aux Frontières pour les Etrangers, Cimade, Croix Rouge, France Terre d’Asile.
1. Voir L’Humanité 26/08/98; Libération 15/03/2000 et 22‑23/04/2000; Le Monde 24/03/2000 ; Libération, 24/03/2000.
1.Roissy et Orly concentraient, en 1999, 88 % de l’activité des zones d’attente et 96 % des demandes d’asile étaient faites à Roissy ; 12 590 personnes étaient passées par la zone de Roissy en 1999 et 12 503 entre le 1er janvier et le 20 septembre 2000. Louis MERMAZ, Rapport T II “Intérieur et décentralisation - police”, n° 2628, 11 octobre 2000.
1. Les agents du MAE instruisent les demandes d’asile en s’entretenant avec les intéressés et émettent un avis transmis au ministère de l’Intérieur quant au caractère fondé ou non de la demande.
1. "Aux frontières de la France, les Turcs doivent parler arabe et les Bulgares anglais", Le Monde, 6 février 2001.
1. Article de l’ordonnance du 2 novembre 1945 sur l’entrée et le séjour des étrangers en France, qui régit le maintien en zone d’attente.
1. A paris, la salle d’audience où se déroulent les appels 35 quater, toute en longueur, permet d’accueillir une petite douzaine de personnes.
2. La ZAPI 3, d’une capacité de 160 lits , a été ouverte sur le site de l’aéroport de Roissy CDG en janvier 2001.
1. Certains juges ont ainsi respecté la procédure judiciaire, à son préliminaire, en demandant aux personnes maintenues si elles souhaitaient un avocat, mais en précisant qu'il ne pouvait leur en fournir pour cause de grève. Ce moyen n'était donc pas retenu pour refuser la prolongation du maintien. Le 15 décembre, le juge a entendu les 14 personnes concernées, seules 4 ont été remises en liberté pour notification tardive au Parquet et absence d'interprète.
2. Le 27 décembre, la PAF n’hésite pas à présenter la liste des langues de l'ONU dans lesquelles les demandeurs sont censés s'exprimer (cf. annexe). Le juge suspendra cependant l'audience pendant une heure vingt, afin de rechercher des interprètes en poulha, penjabi, pashtou ou farsi, crio et peul. De même, le 17 janvier, du fait que l'interprète en langue hindi était absent, le président suspend l’examen en attendant que l’interprète arrive (3 heures d’attente pour la personne).
3. Audience du
07-01-2001 : Une mineure chinoise libérée et
présentée au parquet des mineurs.
Audience du 08-01-2001 :
2 mineurs libérés et présentés au parquet des
mineurs.
Audience du 30-01-2001 : 4 mineurs sont présentés, un seul examen médical a été effectué. Un sera libéré pour absence d'avocat (malgré l’expertise médicale le déclarant majeur) ; 2 autres sont libérés pour être présentés ensuite au parquet des mineurs. Enfin un dernier est maintenu en ZA pour "retour volontaire", alors qu'il avait refusé d'embarquer auparavant !
1. Guide de l’accès des étrangers au territoire français et du maintien en zone d’attente – Anafe – 1996.
1. Le 26 janvier, 63 dossiers ont été présentés en trois heures. Cette surabondance donne en moyenne, 3 minutes environ par dossier !
1. Il faut parfois entendre par “ exprimer ”, le fait que la personne prononce juste quelques mots d’anglais ou de français. Ainsi le 27 décembre 2000, les procès verbaux de tamouls présentés à l’audience, étaient rédigés en anglais, alors qu’ils ne parlaient pas cette langue.
1. Le 8 janvier, deux
libérations ont été ordonnées, pour notification
tardive du placement en zone d'attente (4-5 heures après
l'interpellation) ; alors que le lendemain, pour des motifs similaires, une
femme avec son enfant, originaires de la République Démocratique
du Congo, verront leur prolongation accordée par le juge
(interpellés à 18h, leur notification de placement avait eu lieu
à 23h45).
Le 17 janvier, une Sierra Leonaise interceptée par la PAF à 11h et enregistrée à 17h30, sera maintenue en zone d’attente malgré le délai anormalement long.
1. Le 27 décembre, un interprète, un greffier et un policier de la PAF ont dit, à plusieurs reprises, aux observateurs présents, de ne pas se réjouir lorsque les étrangers sont relâchés. Car, avaient-ils ajouté, des réseaux les attendent à la sortie, et qu'il serait plus difficile de récupérer les jeunes filles, sur le trottoir.