"01.1025 - Question ordinaire urgente.
Office fédéral des réfugiés. Changement de pratique


"Déposé par  Heberlein Trix
Date de dépôt  07-05-2001
Déposé au  Conseil national
Etat actuel  Liquidé


Texte déposé
A en croire plusieurs communiqués de presse, l'Office fédéral des réfugiés
(ODR) entend changer sa pratique en étendant la définition du terme de réfugié
(art. 3 de la loi sur l'asile) aux personnes victimes d'actes de persécution
qui ne sont pas le fait d'un Etat.
A cet égard, je pose les questions suivantes au Conseil fédéral:
1. Est-il exact que cette réorientation radicale de la pratique de l'ODR peut
être opérée immédiatement, sans modification de la législation?
2. Quels sont les motifs qui justifient une telle réorientation?
3. Quels sont, pour l'essentiel, les nouveaux faits constitutifs d'une
infraction qui tomberaient désormais sous le coup de la loi?
4. Cette interprétation étendue de la notion de réfugié correspond-elle à la
pratique à l'échelle internationale, en particulier à celle des pays
limitrophes de la Suisse?
5. Cette extension du champ d'application de la loi ne va-t-elle pas soulever
des problèmes gravissimes en relation avec la fourniture des preuves? Se
peut-il qu'elle ait même pour conséquence un renversement de la charge de la
preuve?
6. A quelles conséquences (nombre de personnes supplémentaires reconnues comme
étant des réfugiés, nombre de regroupements familiaux qui deviendront
possibles, répercussions financières) faut-il s'attendre suite à ce changement
de pratique?
7. Le Département fédéral de justice et police a-t-il connaissance du
changement de pratique prévu?
8. Compte tenu de la révision de la loi sur l'asile qui est en préparation, ce
changement de pratique est-il judicieux, voire nécessaire?

Réponse du Conseil fédéral 30-05-2001
De jurisprudence et pratique constantes, l'asile est octroyé aux personnes
victimes d'actes de persécution. L'article 3 de la loi sur l'asile (LAsi)
précise notamment que la personne doit être persécutée en raison de sa race, de
sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social
déterminé ou de ses opinions politiques.


Cet article ne mentionne toutefois pas la nature de l'agent persécuteur. Le
législateur a, en effet, laissé le soin à l'administration, lors de l'adoption
de la première LAsi, de définir cette notion indéterminée. Faisant usage de
leur liberté d'appréciation, les autorités administratives et judiciaires ont
jusqu'à ce jour considéré qu'une persécution n'était déterminante pour la
reconnaissance du statut de réfugié que si son auteur était un Etat (théorie de
l'imputabilité).


La nature des conflits et des violations des droits de l'homme a cependant
évolué de manière telle que la définition classique de l'agent persécuteur ne
correspond souvent plus aux réalités des nouvelles formes de conflits. Le Haut
Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a ainsi relevé dans ses
recommandations que la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés,
interprétée selon sa lettre, son sens et son but, de même qu'à la lumière du
droit international humanitaire, commande d'accorder protection aux personnes
persécutées, indépendamment de l'auteur de la persécution, l'élément
déterminant étant à cet égard que l'Etat de provenance ne peut ou ne veut pas
garantir la protection des personnes concernées (théorie de la protection). Cet
avis est partagé par la majorité des Etats signataires de la Convention de
1951, dont tous les pays de l'Europe occidentale, à l'exception de l'Allemagne
et, dans une moindre mesure, de la France et de l'Italie.


Le passage de la théorie de l'imputabilité à la théorie de la protection
signifie que les personnes qui invoquent de façon vraisemblable la crainte
d'être exposées, dans leur pays de provenance, à de sérieux préjudices pour
l'un des motifs énoncés à l'article 3 LAsi doivent obtenir non seulement
l'admission provisoire, mais aussi le statut de réfugié en Suisse. Tel peut
notamment être le cas lorsque les structures d'un Etat sont en pleine
déliquescence ("failed state"). Il reste néanmoins possible de rejeter une
demande d'asile lorsque l'Etat de provenance est en mesure d'offrir une
protection suffisante contre les persécutions infligées par des tiers ou
lorsque la personne concernée peut trouver refuge dans une autre région de ce
même Etat.


Selon le HCR, aucune donnée statistique ne vient étayer la thèse selon laquelle
la reconnaissance de la persécution non étatique entraînerait une augmentation
du nombre de demandeurs d'asile. Dans le cadre de la réflexion menée au sein de
l'Office fédéral des réfugiés depuis l'été 2000, aucune information n'a été
obtenue de ses partenaires étrangers qui infirmerait la conclusion du HCR.
Partant, aucune conséquence financière importante ne serait à craindre, ce
d'autant que, comme souligné précédemment, les personnes concernées bénéficient
déjà, selon la pratique actuelle, d'une protection individuelle en Suisse en
raison des dangers concrets que des tiers font peser sur elles dans le pays de
provenance.
Un éventuel changement de pratique, découlant du passage de la théorie de
l'imputabilité à celle de la protection, ne nécessiterait vraisemblablement
aucune révision légale. La nature de l'agent persécuteur n'a pas été
expressément définie par le législateur dans l'article 3 LAsi. Elle est
interprétée par les autorités compétentes à la lumière du développement
international de la jurisprudence concernant la Convention relative au statut
des réfugiés. Eu égard au jubilé (50e anniversaire) de cette convention, une
discussion a été engagée sur la question des persécutions non étatiques.
A l'heure actuelle, l'Office fédéral des réfugiés réexamine donc sa pratique
relative aux persécutions non étatiques. Aucune décision concernant un éventuel
changement de pratique n'a cependant été arrêtée, d'autant que diverses
questions doivent encore être éclaircies. Un changement de pratique
n'interviendra qu'à l'issue d'une analyse approfondie de la jurisprudence
européenne et d'entente avec le Départe
ment fédéral de justice et police.