Convention sur l'avenir de l’Europe
Contribution d’ENAR
ENAR (European Network against Racism) réseau
constitué de membres présents dans les 15 pays de l’Union
européenne a pour objectif principal de lutter contre le racisme et de
promouvoir l’égalité des droits et des chances.
Dans le cadre de ses travaux, ‘La convention sur
l'avenir de
L’Europe’ est en train d’élaborer une constitution.
Or, jusqu’à présent, la question de la citoyenneté
européenne n’a pratiquement pas été abordée.
La citoyenneté européenne doit pourtant être au cœur
du projet concernant l'avenir de l’Europe.
Aujourd’hui, la citoyenneté
européenne complète mais ne remplace pas la citoyenneté
nationale. Elle est réservée aux nationaux des Etats membres et
exclut les ressortissants de pays tiers.
ENAR demande en conséquence que les droits et
les devoirs de la citoyenneté européenne soient reconnus à
l’ensemble des résidents de l’UE, quelle que soit leur
nationalité.
1. L’égalité de tous
les résidents par l’accession à la citoyenneté
La Convention sur l’avenir de l’Europe en
préparant un «projet constituant » va devoir se pencher
sur la question de la citoyenneté de l’Union européenne.
D’après le Traité de Maastricht, «est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre» (Article 17 de la version consolidée).
Or, dans les quinze pays de l’Union européenne, 15 millions de personnes participent activement à la vie économique, sociale et culturelle, paient des impôts et ont les mêmes obligations que les ressortissants communautaires sans pouvoir bénéficier du même statut au motif qu’ils n’ont pas la nationalité d’un Etat membre.
En excluant de la citoyenneté européenne les ressortissants de pays tiers, la citoyenneté telle qu’actuellement définie, ajoute une discrimination légale à des discriminations de fait vécues dans d’autres domaines tels que celui de l’emploi, du logement, alors que le principe de non-discrimination est au fondement de la construction européenne.
C’est pourquoi ENAR propose l’amendement suivant à
l’Article 17 afin
qu’une seconde porte d’accès à la citoyenneté
européenne soit ouverte :
« est citoyenne de l’UE
toute personne ayant la nationalité d’un Etat membre ou
résidant légalement sur le territoire d’un Etat
Membre ».
Afin de favoriser la cohésion sociale, il
nous paraît indispensable de placer les droits humains et
l’anti-discrimination au centre et comme partie intégrante de
toutes les politiques communautaires et d’inclure au titre des valeurs
fondamentales de l’UE le respect de minorités et de la
diversité culturelle.
Reconnaître la citoyenneté
européenne aux ressortissants de pays tiers légalement
installés dans l’UE
rencontre toutes ces demandes.
Accorder la pleine citoyenneté
européenne aux ressortissants de pays tiers leur permettrait de voter et
de se présenter aux élections municipales et européennes
au même titre que les citoyens européens qui résident dans
un autre Etat membre que le leur. Elle leur permettrait par ailleurs de vivre,
de poursuivre des études, de travailler ou de prendre leur retraite dans
le pays de L’UE de leur choix, comme peuvent le faire les citoyens
européens.
M.Vitorino, Commissaire européen de la Justice et des affaires
intérieures a évoqué la création d’une
citoyenneté civile qui garantirait des droits et des obligations
spécifiques au profit des ressortissants de pays tiers de longue
durée[1]. Il
s’agirait d’atteindre les objectifs fixés par les conclusions du Conseil de Tampere
qui avait la volonté d’établir un statut légal aussi
proche que possible de celui dont jouissent les citoyens européens au
profit des non-européens.
Nous ne sommes pas favorables à la création d’un nouveau statut. L’égalité de traitement entre tous les résidents de l’UE impose l’octroi de droits et d’obligations identiques, et non la création d’une citoyenneté de seconde zone pour les non-européens.
Le Président
de la Commission européenne, Romano Prodi a lui-même reconnu que
« construire une citoyenneté démocratique
européenne ne signifiait pas construire un super-Etat mais au contraire,
enrichir le concept de citoyenneté d’une dimension nouvelle et
qu’à ce titre, la citoyenneté européenne doit
devenir un facteur important d’intégration sociale de tous les
immigrants légaux présents dans l’Union[2] ».
Il en est de même du Conseil économique et social européen qui au titre de l’amélioration des politiques d’intégrations européennes, a demandé que la Convention étudie la possibilité d’accorder la citoyenneté de l’Union aux ressortissants de pays tiers ayant le statut de résidant de longue durée[3].
Cette égalité de traitement favoriserait le développement d’une dynamique propre à la construction de l’identité européenne, en permettant l’émergence d’un mode d’agir ensemble et d’une pratique citoyenne basés sur l’adhésion de tous aux principes fondateurs communs.
Etendre la citoyenneté de l’Union aux ressortissants de pays tiers légitime une citoyenneté de fait qui s’exprime déjà à travers l’exercice de droits sociaux, syndicaux ou culturels. A cette citoyenneté de fait doit correspondre une citoyenneté légale.
Attribuer les mêmes droits à toutes les
personnes qui résident sur le territoire de l'UE quelle que soit leur
nationalité, c'est reconnaître la légitimité de leur
présence et de leur participation à la vie culturelle, sociale,
syndicale et politique. C'est affirmer la volonté de vivre en
démocratie et de défendre les valeurs indivisibles et
universelles de dignité humaine, de liberté,
d’égalité et de solidarité sur lesquelles se fonde
l’UE.
2. La Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne
La Charte des droits fondamentaux de l’UE a la volonté de placer la personne au cœur de son action en instituant la citoyenneté de l’Union et se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d’égalité et de solidarité.
Cependant, tout en affirmant l’interdiction de toutes formes de discrimination dans l’Union (Article 21), la Charte institue néanmoins une différence de traitement entre les citoyens européens et les ressortissants de pays tiers. Seuls les premiers jouissent du droit à la libre circulation et des droits politiques. Ces discriminations instaurées à l’égard des ressortissants non-européens porte atteinte aux principes d’universalité et d’indivisibilité sur lesquels reposent les droits fondamentaux.
C’est pourquoi ENAR demande :
·
La révision de la Charte afin
que les ressortissants de pays tiers jouissent de tous les droits
accordés aux citoyens européens, et ce compris le droit à
la libre circulation et les droits politiques
· L’intégration de la Charte révisée dans les traités pour que cette dernière, qui a déjà un poids politique, ait une force juridique contraignante
· L’ajout d’une référence explicite et globale affirmant que tous les droits issus de la Charte seront pris en compte dans la définition et la mise en œuvre de toutes les politiques de l’Union
Par ailleurs, nous demandons à la Convention de modifier les traités pour permettre à l’Union d’adhérer à la Convention européenne des droits humains, à ses protocoles additionnels et à la Charte sociale révisée afin de renforcer le respect des droits fondamentaux de tout individu.
3. Gouvernance de l'Union européenne
Afin de combler le fossé démocratique
entre l’UE et les citoyens européens, le droit des ONG à
être consultés doit être reconnu à
l’échelle européenne pour parvenir à une
véritable société participative.
De plus, la réalisation d'une véritable égalité de traitement entre toutes les personnes qui vivent sur le territoire de l'UE trouve souvent un obstacle devant les "exigences nationales", auxquelles plusieurs Gouvernements préfèrent répondre plutôt que d’avoir l'ambition de construire une "Europe des droits".
ENAR demande:
· La consultation des ONG représentatives à un stade précoce de l’élaboration de la législation de l’UE ainsi que dans toutes les étapes de l'élaboration et de l’évaluation des résultats.
· Un Conseil qui ne soit pas le seul "Gouvernement" de l'UE, et le renforcement des pouvoirs de décision et du poids politique de la Commission dont le/la Président/e doit être élu/e par le Parlement européen
·
L'inclusion dans les Traités
des principaux objectifs et éléments de la "méthode
ouverte de coordination" – comme déjà proposé
par le Group de travail VI en relation avec la Gouvernance économique
– de façon à être applicables à toutes les
politiques communautaires, et en particulier aux politiques
d'intégration des ressortissants de pays tiers.
Bruxelles, octobre 2002
European Network against Racism (ENAR)
Rue de la charité 43
B – 1210 Brussels
Tel 0032 2 229 35 70
Fax 0032 2 229 35 75
www.enar-eu.org
[1] Closing speech at the Conference on
the role of civil Society in promoting integration Economic and Social
Committee Brussels, 10 September 2002.
[2] Contribution de Romano Prodi, Président de la Commission européenne, au colloque «une constitution pour le futur de l’Europe » organisée par la Fondation CARIPLO, Milan, 15/07/2002
[3] Résolution à l’intention de la Convention européenne, CES, 1069/2002