Que sont-ils devenus? Le processus d'insertion des adultes issus de la migration

 

Claudio Bolzman, Rosita Fibbi, Marie Vial

Institut d'Žtudes sociales, Genve

 

1.      Introduction

Cette recherche a pour thme les modes d'insertion des jeunes adultes de la Çdeuxime gŽnŽrationÈ, ‰gŽs de 18 ˆ 35 ans, dans la sociŽtŽ suisse, ainsi que la manire dont les intŽressŽs vivent leur situation biculturelle. Elle porte plus spŽcifiquement sur les enfants d'immigrŽs italiens et espagnols rŽsidant dans les cantons de B‰le-Ville et de Genve. Son objectif est de savoir dans quelle mesure cette population conna”t des trajectoires de mobilitŽ sociale spŽcifiques, et si elle dŽveloppe des formes d'identitŽ culturelle particulires. Elle vise en outre ˆ comprendre les modes d'articulation entre les diverses modalitŽs d'insertion de ces jeunes adultes dans la sociŽtŽ helvŽtique et leurs stratŽgies identitaires.[1]

Jusqu'ˆ prŽsent, les Žtudes rŽalisŽes en Suisse sur le thme de la deuxime gŽnŽration ont concernŽ essentiellement les pŽriodes de l'enfance, de l'adolescence et de la jeunesse des enfants d'immigrŽs, analysant les problmes liŽs ˆ leur scolarisation, ˆ leur identitŽ dans un contexte de socialisation biculturelle ou encore ˆ leur formation.[2] Rares sont les d'Žtudes sur les modalitŽs d'entrŽe et d'installation des membres de la deuxime gŽnŽration dans la vie adulte, sur la manire dont ceux-ci se situent au cours de cette Žtape, ˆ la fois par rapport au pays d'origine et aux trajectoires de leurs parents, ˆ leur communautŽ ethnique et ˆ la sociŽtŽ suisse.

En AmŽrique du Nord et dans d'autres Etats europŽens, ces dernires questions ont ŽtŽ davantage explorŽes, tant sur le plan thŽorique quÕau niveau empirique. Dans ces recherches, lÕune des prŽoccupations thŽoriques majeures qui sous-tend l'Žtude des trajectoires des jeunes issus de la migration renvoie ˆ l'articulation entre insertion socio-Žconomique et assimilation culturelle. La littŽrature - notamment nord-amŽricaine - sur l'immigration a envisagŽ traditionnellement l'assimilation ˆ la sociŽtŽ d'accueil comme un processus graduel et quasi inŽvitable, qui irait de pair avec une intŽgration structurelle. En consŽquence, les difficultŽs d'adaptation culturelle et les problmes Žconomiques de la
premire gŽnŽration devraient faire place ˆ une incorporation progressive de ses descendants dans les diffŽrents secteurs sociaux et Žconomiques de la sociŽtŽ de rŽsidence. Ce processus devrait s'achever par l'assimilation de la troisime gŽnŽration, qui perdrait ainsi ses traits ethniques spŽcifiques (linguistiques, culturels) et ne serait plus dŽsavantagŽe, comme la premire gŽnŽration, sur le marchŽ de l'emploi (Alba, 1985; Sowell, 1981).

Les thŽories traditionnelles nord-amŽricaines ont envisagŽ l'assimilation comme un processus linŽaire, de nature endogne, sÕaccŽlŽrant par sa propre dynamique d'une gŽnŽration ˆ l'autre. Elles n'ont en revanche pas consacrŽ une attention suffisante aux conditions Žconomiques gŽnŽrales qui ont accompagnŽ ce processus. Or, ˆ la lumire des mutations qui se sont produites ces vingt dernires annŽes, comme la rŽduction des emplois intermŽdiaires (ouvriers qualifiŽs et personnel de bureau) et l'apparition d'un ch™mage persistant, certains auteurs amŽricains se demandent aujourdÕhui si les mŽcanismes qui ont permis l'insertion socio-Žconomique et l'assimilation culturelle d'une gŽnŽration ˆ l'autre sont toujours aussi efficaces (Gans, 1992; Portes et Zhou, 1993). Ils se posent notamment la question de savoir si les facteurs qui ont facilitŽ la mobilitŽ sociale ascendante des gŽnŽrations issues de la migration, ˆ savoir la qualitŽ de la formation, le remplacement des vagues migratoires prŽcŽdentes par de nouvelles vagues, l'enracinement dans des niches ethniques, continuent de fonctionner. Portes et Zhou (1993) notent ˆ ce sujet qu'il n'existe plus, pour la deuxime gŽnŽration actuelle, de modle unique d'insertion sociale et Žconomique, menant ˆ l'incorporation dans les classes moyennes blanches; et ils proposent le concept dÕ Çassimilation segmentŽeÈ pour rendre compte des formes diversifiŽes dÕincorporation ˆ la sociŽtŽ de rŽsidence.

Ces conclusions des chercheurs amŽricains sur la Çnouvelle deuxime gŽnŽrationÈ ne sont probablement gure surprenantes pour les chercheurs europŽens qui, depuis de nombreuses annŽes, s'interrogent sur les chances des enfants, des adolescents et des jeunes issus de la migration de surmonter les difficultŽs d'insertion et de positionnement identitaire quÕont connues leurs parents. En Europe en effet, la question de l'intŽgration de la deuxime gŽnŽration a ŽtŽ posŽe d'emblŽe comme problŽmatique, et envisagŽe essentiellement en termes de sa contribution ˆ la reproduction dÕune classe ouvrire stable (Hutmacher, 1981). Les travaux europŽens se montrent moins optimistes que leurs homologues amŽricains quant ˆ la rapiditŽ du processus d'insertion des nouvelles gŽnŽrations et se montrent plus nuancŽs dans leurs Žtudes sur les mŽcanismes qui lient processus d'insertion et processus identitaires.

La double appartenance culturelle Žtait traditionnellement considŽrŽe ˆ la fois comme un signe de faible assimilation et comme une source de blocage dans le processus dÕinsertion dans les structures de formation et dÕemploi; les recherches des annŽes 90 font en revanche appara”tre les aspects plus dynamiques de cette double allŽgeance, en sÕintŽressant davantage aux stratŽgies identitaires des jeunes (Taboada-Leonetti, 1990; Camilleri et al., 1990), ˆ la manire dont ceux-ci grent les contradictions culturelles Žventuelles et les questions dÕidentitŽ qui en dŽcoulent. Les Žtudes sur ce thme mettent en Žvidence le fait que cette gestion est fort variable (Oriol, 1984; Taboada-Leonetti, 1990; Bolzman, 1996) et remettent par ailleurs en question le postulat du lien nŽcessaire entre insertion socio-Žconomique et assimilation culturelle.

En outre, la majoritŽ des travaux sur les jeunes issus de la migration traite de manire insatisfaisante deux questions mŽthodologiques dÕimportance, qui ont des consŽquences majeures sur le plan conceptuel. En premier lieu, lÕopŽrationnalisation de la notion mme de deuxime gŽnŽration y est problŽmatique. De nombreuses Žtudes sur lÕimmigration en effet, butant sur des problmes administratifs, ne prennent en compte que les personnes de nationalitŽ Žtrangre. Cette optique peut se dŽfendre lorsquÕil sÕagit de vagues dÕimmigration rŽcentes; elle est source de confusion conceptuelle et de biais statistiques lorsque les Žtudes concernent les immigrŽs de longue date et surtout leurs enfants. Dans ce cas, ne pas prendre en compte les naturalisŽs Çaboutit nŽcessairement ˆ Žcarter les populations qui sont en moyenne les mieux assimilŽesÈ (Tribalat, 1995).

La seconde lacune concerne la non prise en compte de la dimension du cycle de vie dans les Žtudes sur la deuxime gŽnŽration. La quasi totalitŽ des travaux empiriques ne prend en effet en considŽration que les jeunes, ‰gŽs de 25 ans ou moins. Or, divers travaux sur les modalitŽs de passage de la jeunesse ˆ l'‰ge adulte mettent en Žvidence un allongement de la pŽriode de transition entre ces deux Žtapes du cycle de vie, qui se prolonge parfois bien au-delˆ de 25 ans (Buchmann, 1989). La stabilisation dans l'emploi, la dŽcohabitation, la formation d'une famille interviennent plus tardivement ainsi que de manire moins linŽaire aujourdÕhui, et on ne sait pas, s'agissant de la deuxime gŽnŽration, si cette Žvolution gŽnŽrale prŽsente des modalitŽs spŽcifiques.

Dans cet article, nous nous interrogeons sur la manire dont les membres de la deuxime gŽnŽration rŽalisent leur insertion dans la sociŽtŽ suisse et vivent leur situation biculturelle. En particulier, nous cherchons ˆ savoir si les enfants des primomigrants connaissent une mobilitŽ socioprofessionnelle ascendante par rapport ˆ leurs parents et comment ils se situent culturellement par rapport ˆ la sociŽtŽ helvŽtique, en particulier s'agissant du choix de la nationalitŽ. De plus, nous comparons les trajectoires de ces jeunes d'origine immigrŽe avec un Žchantillon reprŽsentatif de jeunes adultes d'origine suisse, dont les parents ont un niveau de formation comparable[3] ˆ celui des parents immigrŽs. Ainsi, nous mettons en parallle les parcours des jeunes d'origine italienne ou espagnole ˆ la fois avec ceux de leurs parents et avec les trajectoires de leurs contemporains d'origine suisse, issus d'un milieu social similaire.

Nous cherchons Žgalement ˆ savoir si les formes d'insertion socioprofessionnelle et citoyenne des jeunes issus la migration s'accompagnent plut™t de la prŽservation d'une identitŽ culturelle liŽe au pays d'origine, ou de l'Žlaboration d'une identitŽ culturelle spŽcifique, ou encore d'une tendance ˆ l'assimilation ˆ la culture dominante. La question du lien entre insertion structurelle et identitŽ culturelle est donc au centre de notre travail. Nous partons de l'hypothse que l'absence en Suisse d'un mŽcanisme automatique dÕaccs ˆ la nationalitŽ fait de la qualitŽ de ÇnaturalisŽÈ un bon indicateur des stratŽgies identitaires poursuivies par les jeunes. Ds lors, la comparaison entre trajectoires professionnelles et profils identitaires des jeunes devenus Suisses et les parcours et profils de ceux demeurŽs Italiens ou Espagnols prend toute son importance. Si nous sommes ˆ mme de comparer ces deux populations, cÕest que la procŽdure dÕŽchantillonnage que nous avons adoptŽe nous permet d'avoir accs ˆ une deuxime gŽnŽration dŽfinie par ses contours sociaux - enfants dÕimmigrŽs - incluant aussi bien les personnes naturalisŽes que celles qui ont gardŽ leur nationalitŽ d'origine.

En effet, la prŽsente enqute porte sur les enfants des immigrŽs espagnols et italiens que nous avons interrogŽs ˆ lÕoccasion dÕune Žtude prŽcŽdente, menŽe dans le cadre du Programme national de recherche ÇVieillesseÈ (PNR 32), sur les modes de vie et les projets de 442 personnes de ces deux nationalitŽs, ‰gŽes de 55 ˆ 64 ans et rŽsidant ˆ Genve ou ˆ B‰le-Ville. SÕagissant de leurs enfants, nous avons interviewŽ par tŽlŽphone 402 jeunes adultes ‰gŽs de 18 ˆ 35 ans, dans le cadre du Programme national de recherche ÇMigrations et relations interculturellesÈ (PNR 39); nous avons Žgalement interrogŽ dans les deux cantons mentionnŽs un Žchantillon reprŽsentatif de 203 jeunes nŽs Suisses. Ces enqutes quantitatives ont ŽtŽ complŽtŽes par des entretiens semi-directifs menŽs auprs de 58 jeunes prŽcŽdemment interviewŽs.[4]

Les migrations espagnole et italienne sont les plus anciennes de l'aprs-guerre: ce sont celles qui, pour la premire fois depuis la Deuxime Guerre mondiale, ont donnŽ lieu ˆ une Çdeuxime gŽnŽrationÈ numŽriquement importante, ce qui permet d'observer sur deux gŽnŽrations le processus d'insertion de ces populations dans la sociŽtŽ de rŽsidence.

2.      La formation et l'insertion professionnelle

De nombreuses Žtudes europŽennes des annŽes 1970 et 1980 prŽsentent le passage de la deuxime gŽnŽration de la jeunesse ˆ l'‰ge adulte comme trs proche de ce que Bourdieu (1980) appelle le modle du Çjeune ouvrierÈ. Celui-ci se caractŽrise par une entrŽe prŽcoce sur le marchŽ du travail, aprs une scolaritŽ courte, le plus souvent scolaritŽ obligatoire ou brve formation professionnelle. Selon ce modle, les jeunes issus de la migration reproduisent ˆ quelques variations prs le parcours social de leurs parents. En effet, mme si le niveau d'instruction des jeunes immigrŽs s'amŽliore par rapport ˆ celui de leurs parents, cette amŽlioration se fait lentement (OCDE-CERI, 1987; Muus, 1993).

Or nos donnŽes montrent que les jeunes issus de la migration espagnole et italienne ont des parcours de formation trs semblables ˆ ceux des jeunes d'origine suisse. Relevons en particulier:

-       le faible pourcentage de rŽpondants sans formation post-obligatoire parmi les jeunes issus de la migration (2%), aussi bien naturalisŽs (2%) qu'Žtrangers (4%), et notamment parmi les femmes (2%) ; ce pourcentage est infŽrieur ˆ celui observŽ parmi les jeunes d'origine suisse du groupe tŽmoin (8%);

-       leur prŽsence gŽnŽralisŽe dans les formations de niveau secondaire supŽrieur (61%), aussi bien gŽnŽrales que professionnelles;

-       leur large accs aux formations tertiaires (32%) et, en particulier, leur prŽdilection pour les Žtudes universitaires (22%);

-       une ŽgalitŽ entre hommes et femmes sÕagissant des degrŽs de formation, aussi bien parmi les jeunes d'origine immigrŽe (36% et 32% de formations tertiaires) que parmi les jeunes autochtones (31% et 34%);

-       une qualification plus importante des naturalisŽs sur le plan scolaire (41% de formations tertiaires contre 26% parmi les non-naturalisŽs).

En gŽnŽral, la littŽrature s'accorde ˆ reconna”tre que l'insertion sur le marchŽ de l'emploi a lieu plus prŽcocement pour les jeunes issus de l'immigration que pour leurs homologues nationaux. Paralllement, la persistance dÕun taux de ch™mage ŽlevŽ, en particulier chez les jeunes, rendrait plus difficile leur accs stable au monde du travail, qui deviendrait un processus plus long et plus alŽatoire (Schultze, 1990). En dŽpit d'une certaine variabilitŽ selon la nationalitŽ d'origine et le pays de rŽsidence, la tendance dominante, dans les annŽes 80, est ˆ l'exercice de professions qui les situent dans une position statutaire intermŽdiaire entre celle de leurs parents et celle des jeunes nationaux (Lebon, 1987; MehrlŠnder, 1989). Les jeunes Žtrangers occupent en effet des professions relativement plus qualifiŽes que celles exercŽes par leurs parents, mais moins qualifiŽes que celles de leurs contemporains nationaux, mme si l'Žcart tend ˆ se rŽduire lentement (Singer-Kerel, 1986; Faist, 1993). A l'encontre de ces rŽsultats, notre Žtude sur les adultes issus de la migration en Suisse montre que nous sommes loin d'une logique de reproduction sociale d'une gŽnŽration ˆ l'autre d'une part, loin Žgalement d'une logique inŽgalitaire par rapport aux contemporains d'origine suisse d'autre part.

En ce qui concerne leur insertion professionnelle, le modle du Çjeune ouvrierÈ est fort ŽloignŽ de la rŽalitŽ vŽcue par nos jeunes rŽpondants d'origine immigrŽe. En premier lieu, ils entrent plus tard dans la vie active que leurs parents. A 17 ans en effet, deux tiers de leurs pres et 40% de leurs mres exeraient dŽjˆ une activitŽ professionnelle; ˆ cet ‰ge seuls 6% de leurs fils et 7% de leurs filles sont en emploi. Ils y entrent dans leur grande majoritŽ (prs de 8 sur 10), entre 18 et 24 ans, tout comme leurs contemporains d'origine suisse. Cette entrŽe plus tardive est due principalement ˆ un allongement de la durŽe de leur formation et non pas, ˆ la diffŽrence de ce que lÕon a pu observer dans dÕautres Etats europŽens (Gaymu et Parant, 1996; Thave, 1998; Everaers et Huls, 1998), ˆ des difficultŽs d'insertion sur le marchŽ de lÕemploi. Mme si une partie des enqutŽs a connu des pŽriodes de ch™mage - dans les mmes proportions au demeurant que leurs contemporains d'origine suisse - ces pŽriodes n'ont pas constituŽ un frein ˆ leur insertion professionnelle. En deuxime lieu, les emplois occupŽs par les jeunes issus de la migration les situent dans une trajectoire de mobilitŽ socioprofessionnelle ascendante par rapport ˆ la situation professionnelle qu'ont connue leurs parents. Ils abandonnent les professions manuelles et glissent massivement vers des professions du type Çcol blancÈ: employŽs qualifiŽs, cadres infŽrieurs et moyens. Leur parcours professionnel ne diffre gure de celui des jeunes d'origine suisse issus d'un milieu social comparable: ils rŽalisent ainsi, dans leur grande majoritŽ, le projet de mobilitŽ sociale que leurs parents avaient formŽ pour eux. La seule diffŽrence importante par rapport ˆ leurs homologues d'origine suisse rŽside dans un moindre accs des jeunes de la deuxime gŽnŽration aux emplois du secteur public. Examinons plus en dŽtail ces rŽsultats.

Le mode d'entrŽe dans la vie professionnelle des jeunes d'origine immigrŽe ne diffre gure de celui de leurs contemporains d'origine suisse: la grande majoritŽ de ces jeunes, ayant achevŽ leur formation, attendent moins de six mois pour trouver un emploi. Cela ne signifie pas que leur insertion s'est faite sans heurts: environ quatre sur dix ont connu des pŽriodes de ch™mage, une proportion trs proche de celle des jeunes d'origine suisse. Par ailleurs, et quel que soit le groupe considŽrŽ, prs de la moitiŽ d'entre eux ont connu des pŽriodes de ch™mage de plus de six mois. Cette situation reflte une difficultŽ pour l'ensemble des jeunes ˆ s'insŽrer de manire stable sur le marchŽ du travail, en particulier dans les annŽes 1990, caractŽrisŽes par une dŽtŽrioration de la situation gŽnŽrale sur le marchŽ de l'emploi. En effet, le ch™mage n'affecte pas seulement les jeunes d'origine immigrŽe mais l'ensemble des membres de leur classe d'‰ge, en particulier ceux de 26 ˆ 30 ans. En tout Žtat de cause, ces pŽriodes de ch™mage ne semblent pas avoir compromis de manire durable leurs chances de trouver un emploi.

En effet, au moment de l'enqute - 1997, annŽe relativement dŽfavorable sur le plan de l'emploi -, les jeunes issus de la migration connaissent le ch™mage dans la mme proportion que leurs contemporains d'origine suisse (2%)[5]. Ces donnŽes contrastent avec ce que l'on observe par ailleurs dans les pays voisins, tels la France ou l'Allemagne.

Des Žtudes menŽes en France indiquent que certaines catŽgories d'enfants d'immigrŽs ont besoin de disposer de liens personnels forts - famille, compatriotes, relations personnelles - pour avoir une chance de trouver du travail (Tribalat, 1995; Gaymu et Parant, 1996). En Suisse, environ trois jeunes d'origine immigrŽe sur dix ont obtenu leur emploi en sollicitant leurs relations personnelles, ou accessoirement, leurs parents ou l'entourage de ceux-ci, proportion identique ˆ celle relevŽe parmi les jeunes d'origine suisse. En fait, une bonne moitiŽ des jeunes ont, quelle que soit leur origine nationale, trouvŽ un travail par le biais d'une dŽmarche personnelle ÇclassiqueÈ: rŽponse ˆ une annonce, offre spontanŽe ou recours ˆ une agence. Ainsi, les jeunes d'origine espagnole ou italienne ne se distinguent nullement de leurs homologues suisses par un usage des Çliens fortsÈ en tant que mode d'accs ˆ l'emploi. Ce rŽsultat suggre que leur insertion sur le marchŽ du travail ne se heurte pas ˆ des formes plus ou moins explicites de discrimination.

Les contrats de travail des jeunes issus de la migration sont aussi stables que ceux des jeunes d'origine suisse: prs de 9 sur 10 disposent, dans chacun des groupes, de contrats ˆ durŽe indŽterminŽe. Par ailleurs, 8 jeunes sur 10 occupent des emplois ˆ plein temps. Sur ce plan, les diffŽrences entre hommes et femmes sont plus marquŽes que celles entre jeunes d'origine immigrŽe et jeunes d'origine suisse: quelle que soit l'origine nationale en effet, les femmes sont plus nombreuses que les hommes ˆ travailler ˆ temps partiel (prs de 3 femmes sur 10 contre 1 homme sur 10).

La seule diffŽrence notable entre les jeunes des deux origines, quant aux caractŽristiques des emplois occupŽs, concerne l'accs aux postes du secteur public: en effet seul un quart des jeunes issus de la migration y travaillent, alors que c'est le cas de prs de 40% des jeunes d'origine suisse. La situation est certes en progrs par rapport ˆ celle de leurs parents, qui n'Žtaient que 11% ˆ travailler dans le secteur public, mais l'ŽgalitŽ sur ce plan est loin d'tre acquise. On trouve des inŽgalitŽs semblables en France (Ta•eb, 1998).

Les recherches effectuŽes en Europe dans les annŽes 80, nous l'avons relevŽ, montrent que les jeunes issus de la migration occupent au mieux des emplois qui les situent dans une position statutaire intermŽdiaire entre celle de leurs parents et celle de leurs contemporains autochtones. Or, au vu de nos donnŽes, ces jeunes sont certes situŽs dans des catŽgories socioprofessionnelles plus ŽlevŽes que leurs parents; en revanche, leur situation prŽsente sur ce plan une forte similitude avec celle des jeunes d'origine suisse: quel que soit le groupe considŽrŽ, les employŽs qualifiŽs et les salariŽs intermŽdiaires prŽdominent
large­­ment. Si diffŽrence il y a, elle rŽside dans le fait que les jeunes d'origine Žtrangre sont lŽgrement mieux reprŽsentŽs dans les professions indŽpendantes et universitaires (18% et 12%, n.s.), alors que les jeunes d'origine suisse sont plus prŽsents dans les professions manuelles, celles d'ouvriers qualifiŽs ou de salariŽs non qualifiŽs (17% et 8%). Dans une recherche sur les jeunes sans qualification, Eckmann, Bolzman et de Rham (1994) observent que les enfants d'ouvriers suisses - lesquels sont souvent qualifiŽs - sont plus attachŽs aux mŽtiers manuels que les enfants d'immigrŽs socialisŽs en Suisse; ces derniers, mme munis d'un faible niveau de qualification, aspirent plus souvent ˆ entrer dans des mŽtiers du secteur tertiaire, ceux du bureau ou de la vente .

En ce qui concerne les catŽgories socioprofessionnelles, les diffŽrences entre hommes et femmes sont relativement importantes: on constate qu'en matire de carrire professionnelle, il existe un modle masculin et un modle fŽminin, dichotomie qui transcende l'origine nationale. Les hommes occupent plus souvent des postes de salariŽs intermŽdiaires et les femmes d'employŽes qualifiŽes; les hommes, plus nombreux ˆ travailler ˆ plein temps, dŽtiennent plus frŽquemment des postes d'encadrement.

 

Tableau 1: CatŽgories socioprofessionnelles des jeunes et des parents (2 dernires colonnes) par origine nationale et sexe ( en %)

 

Hommes d'origine immigrŽe

Femmes d'origine immigrŽe

Hommes d'origine suisse

Femmes d'origine suisse

Hommes immigrŽs ˆ 45 ans*

Femmes

immigrŽes ˆ 45 ans*

 

IndŽpendant

 

10

 

03

 

07

 

03

 

13

 

07

 

SalariŽ universitaire

 

15

 

07

 

06

 

10

 

01

 

02

SalariŽ

intermŽdiaire

 

34

 

29

 

38

 

27

 

27

 

12

 

EmployŽ qualifiŽ

 

31

 

55

 

31

 

46

 

02

 

10

 

Ouvrier qualifiŽ

 

06

 

01

 

12

 

00

 

06

 

02

SalariŽ sans

qualification

 

03

 

05

 

07

 

14

 

52

 

68

 

N

 

126

 

110

 

85

 

63

 

256

 

143

*Source: recherche PRI, PNR32.

 

SignificativitŽ des Žcarts :

Origine immigrŽe (H vs F)

P = .00

Origine suisse (H vs F)

P = .01

Hommes (origine immigrŽe vs suisse)

P = .42

Femmes (origine immigrŽe vs suisse)

P = .46

 

Les divers indicateurs passŽs en revue mettent en Žvidence que, dÕune gŽnŽration ˆ lÕautre, un processus dÕintŽgration socio-Žconomique est en marche, favorisŽ par la longue pŽriode de croissance Žconomique et de faible ch™mage qu'a connue la Suisse, ˆ l'inverse des pays voisins.

3.      Quelques ŽlŽments susceptibles dÕŽclairer nos rŽsultats

Les conclusions de notre Žtude remettent en question aussi bien certains rŽsultats dÕautres recherches que bon nombre dÕidŽes reues sur les parcours de formation et professionnels, gŽnŽralement jugŽs ÇproblŽmatiquesÈ, de la deuxime gŽnŽration, comparŽs ˆ ceux des jeunes Suisses. Cet Žcart peut mieux se comprendre ˆ la lumire de nos options mŽthodologiques dÕune part, de certains facteurs contextuels favorables ˆ la rŽussite scolaire et professionnelle des jeunes concernŽs, dÕautre part.

Sur le plan mŽthodologique tout dÕabord, nous avons en premier lieu choisi dÕinclure les naturalisŽs dans la population des jeunes issus de la migration; comme nous lÕavons vu, ceux-ci ont des parcours scolaires et professionnels plus proches de ceux des autochtones. Notre objectif en effet Žtait de donner ˆ notre population-cible une dŽfinition sociologique Ð enfants dÕimmigrŽs Ð , sans rŽduire celle-ci ˆ ses contours juridiques en nÕy incluant que les jeunes de nationalitŽ Žtrangre. En second lieu, nous limitons au degrŽ secondaire le niveau de formation des parents des jeunes Suisses composant le groupe tŽmoin, ce qui a pour effet dÕhomogŽnŽiser les milieux sociaux dÕorigine des deux ensembles mis en parallle. Or, la plupart des Žtudes ne prennent en compte que les jeunes de la deuxime gŽnŽration demeurŽs Žtrangers, et comparent ceux-ci avec lÕensemble des jeunes Suisses, indŽpendamment de leur origine sociale. Si nous avions procŽdŽ de la sorte, nous aurions obtenu les rŽsultats habituels, ˆ savoir un Žcart important entre les parcours de formation et professionnels des jeunes Žtrangers et des jeunes Suisses en faveur de ces derniers.

Ajoutons par ailleurs que notre groupe dÕobservation est composŽ de jeunes issus de la fraction la plus stabilisŽe de la migration espagnole et italienne, celle qui sÕest maintenue en Suisse contre vents et marŽes gr‰ce ˆ son ancrage professionnel et ˆ ses droits sociaux acquis. Enfin, notre univers est localisŽ dans deux cantons, Genve et B‰le-Ville, qui sont parmi les moins sŽlectifs de Suisse en matire de formation, ce qui favorise les performances scolaires des enfants issus des milieux populaires et des enfants dÕorigine Žtrangre.

La similitude des parcours de formation et professionnels des jeunes dÕorigine immigrŽe et dÕorigine suisse sÕŽclaire Žgalement si lÕon tient compte dÕun certain nombre de facteurs contextuels liŽs aux politiques scolaires mises en place.

Tout dÕabord, les jeunes dÕorigine immigrŽe ont vŽcu leur socialisation primaire en Suisse: 86% dÕentre eux y sont nŽs et 11% y sont arrivŽs avant 11 ans. Cette socialisation helvŽtique a ŽtŽ renforcŽe par une forte insertion au niveau prŽscolaire : plus de neuf jeunes sur dix ont frŽquentŽ lÕŽcole enfantine ˆ Genve ou le Kindergarten ˆ B‰le. Ils ont Žgalement pu recourir, en cas de besoin, aux dispositifs que ces deux cantons ont mis en place afin de soutenir les Žlves allophones ou en difficultŽ. Ainsi, leur taux de redoublement ˆ lÕŽcole primaire est faible et identique ˆ celui des jeunes dÕorigine suisse. Enfin, ces jeunes ont bŽnŽficiŽ de lÕŽlŽvation gŽnŽrale du niveau de formation quÕa connue la Suisse au cours de ces dernires dŽcennies. Mme si celle-ci nÕa pas supprimŽ les inŽgalitŽs sociales face ˆ la formation (Hutmacher, 1993), elle a nŽanmoins rŽduit de manire substantielle les effectifs de jeunes qui arrtent leur formation au degrŽ obligatoire.

Ajoutons enfin que la forte mobilisation des familles immigrŽes autour de la rŽussite scolaire de leurs enfants (ZŽroulou, 1988) a sans conteste contribuŽ ˆ la rŽussite sociale et professionnelle de ces derniers dans la sociŽtŽ suisse. Nous en reparlerons.

4.      Du foyer parental ˆ la formation du couple et de la famille

Si la similitude caractŽrise les parcours de formation et professionnels des jeunes d'origine immigrŽe et des jeunes d'origine suisse, le domaine des relations familiales appara”t en revanche plus contrastŽ. Dans la sphre privŽe en effet, les trajectoires sont davantage diversifiŽes selon l'origine nationale, mme si ces diffŽrences, qui portent principalement sur les rapports intergŽnŽrationnels, sont loin d'tre systŽmatiques.

Une premire diffŽrence concerne les ‰ges de dŽpart du foyer parental: les jeunes d'origine espagnole ou italienne quittent plus tard le foyer parental que les jeunes d'origine suisse. Les deux tiers de ces derniers disposent, entre 21 et 25 ans, d'une rŽsidence autonome alors que six sur dix des premiers logent encore chez leurs parents ˆ cet ‰ge. Cette cohabitation prolongŽe, qui correspond ˆ une rŽalitŽ observŽe dans toutes les sociŽtŽs industrielles (Galland, 1997) reflte peut-tre une situation caractŽristique des pays de l'Europe du Sud: en Italie, par exemple, 59% des parents cohabitent avec au moins un enfant adulte, proportion qui se rŽduit ˆ 33% en Allemagne et ˆ 31% au Royaume Uni (Jowell et al., 1989).

Ce dŽpart plus tardif des jeunes d'origine italienne et espagnole est liŽ tant ˆ des facteurs Žconomiques que culturels, qui ne s'excluent d'ailleurs pas (Bolzman, Fibbi, Vial, 1997). Du point de vue culturel, le dŽpart des enfants n'est envisagŽ que lorsque ceux-ci ont acquis leur indŽpendance financire et sont donc en mesure de fonder leur propre mŽnage. Dans le cadre des entretiens qualitatifs, les parents soulignent ˆ plusieurs reprises le devoir qu'ils ont d'aider leurs enfants ˆ s'installer dans la vie adulte, jusqu'ˆ ce qu'ils soient ÇsistematiÈ. Les enfants, pour leur part, peroivent cette cohabitation prolongŽe comme partie du devoir filial: partir plus t™t constituerait une offense aux parents. Du point de vue Žconomique, la cohabitation prolongŽe est liŽe ˆ la difficultŽ qu'ont les parents d'assumer plusieurs loyers. La grande majoritŽ des immigrŽs de la premire gŽnŽration appartient en effet aux couches populaires et leurs ressources Žconomiques sont limitŽes. Une cohabitation prolongŽe permet ds lors dÕŽpargner des ressources en vue de l'installation des enfants.

Lorsqu'ils quittent le foyer parental, les jeunes d'origine suisse habitent plus souvent seuls, alors que les jeunes d'origine immigrŽe s'installent davantage en couple. En gŽnŽral, ces derniers ne quittent le toit des parents que lorsqu'ils ont les moyens de payer un loyer. La vie en couple est prŽcŽdŽe, chez les jeunes issus de l'immigration, de l'accs ˆ un emploi, situation moins courante chez les jeunes d'origine suisse.

Une deuxime diffŽrence concerne la cohabitation prŽnuptiale. Dans leur grande majoritŽ (9 sur 10), les jeunes mariŽ(e)s d'origine suisse ont cohabitŽ avant le mariage, alors que les enfants d'immigrŽs sont moins nombreux ˆ avoir vŽcu une telle expŽrience, bien que ce soit le cas de deux rŽpondants sur trois. Chez ces derniers, c'est parmi les hommes, les naturalisŽ(e)s et les personnes Žpousant un conjoint suisse que l'on trouve proportionnellement le plus grand nombre de personnes ayant vŽcu en concubinage avant le mariage.

L'‰ge moyen au mariage est le mme pour les jeunes d'origine Žtrangre que pour les ÇautochtonesÈ: 26 ans pour les hommes, 24 ans pour les femmes. Une fois mariŽ(e)s, ceux/celles qui n'ont pas connu de cohabitation prŽmaritale attendent plus longtemps la venue de leur premier enfant que ceux/celles qui ont vŽcu un temps de concubinage. Les premiers ressentent probablement le besoin d'expŽrimenter la vie de couple avant de fonder une famille, les seconds se mariant vraisemblablement lorsqu'ils dŽcident d'avoir un enfant. Les femmes ont, quelle que soit leur origine nationale, leur premier enfant en moyenne ˆ 26 ans. Les femmes d'origine espagnole et italienne, tout comme leurs mres, ont une bonne ma”trise de leur fŽconditŽ. Les mres immigrŽes ont repoussŽ la venue de leur premier enfant en raison des contraintes liŽes ˆ la migration; leurs filles, quant ˆ elles, tiennent compte de leur trajectoire de formation et professionnelle.

Tant les hommes d'origine espagnole/italienne que ceux d'origine suisse ont tendance ˆ choisir une Žpouse munie d'un niveau d'instruction analogue ou infŽrieur au leur, alors que les femmes choisissent en majoritŽ un conjoint d'un niveau de formation Žgal ou, plus rarement, supŽrieur au leur. LÕhomogamie est donc plut™t forte s'agissant du niveau de formation. Par contre, si l'on considre l'origine nationale du conjoint, le choix des enfants d'immigrŽs reflte davantage leur socialisation biculturelle: 40% d'entre eux choisissent un partenaire d'origine suisse[6] et une moitiŽ un conjoint d'origine espagnole ou italienne, quel que soit le sexe du rŽpondant[7]. Ces jeunes se diffŽrencient ainsi nettement de leurs parents immigrŽs, presque tous mariŽs avec une personne de la mme nationalitŽ, voire de la mme rŽgion. Ils se dŽmarquent Žgalement des jeunes d'origine suisse, qui se marient en majoritŽ avec un(e) partenaire de la mme origine nationale, encore une fois quel que soit le genre de la personne interrogŽe.

Une troisime diffŽrence concerne l'activitŽ extra-domestique des femmes. Dans les couples non-mariŽs, les femmes d'origine suisse ont un taux d'activitŽ plus ŽlevŽ que leurs homologues dÕorigine Žtrangre (85% et 70%). La situation change peu aprs le mariage, mais se modifie fortement lors de l'arrivŽe des enfants: si dans les deux groupes le taux d'activitŽ des femmes diminue, la baisse est plus importante chez les femmes d'origine suisse (54%), les femmes d'origine immigrŽe optant plut™t pour un travail ˆ temps partiel (63%). A l'encontre des stŽrŽotypes sur le ÇtraditionalismeÈ des femmes d'origine immigrŽe, celles-ci adoptent sur ce point un style plus moderne que leurs congŽnres suisses.

Les femmes d'origine espagnole ou italienne ont ŽtŽ socialisŽes par leurs mres, plus actives que les femmes suisses de leur classe d'‰ge ˆ exercer un r™le Žconomique en dehors du foyer (Fibbi, Bolzman, Vial, 1999). Elles comptent en outre souvent sur le soutien de leur mre ou belle-mre pour la garde des enfants, ce qui est plus rarement le cas pour les femmes d'origine suisse (26% et 10%).

Au sein du couple, que celui-ci soit d'origine suisse ou immigrŽe, la rŽpartition des t‰ches entre conjoints suit des modles semblables, basŽs sur une certaine spŽcialisation des responsabilitŽs dŽvolues ˆ chacun. Lorsque la femme travaille ˆ l'extŽrieur du foyer, l'homme s'investit un peu plus dans certaines activitŽs domestiques, mais l'implication de la femme demeure prŽpondŽrante; sur ce plan, l'ŽgalitŽ reste plus une reprŽsentation qu'une rŽalitŽ. En ce qui concerne la prise de dŽcision sur des sujets importants (montants ˆ Žconomiser, emploi de l'un ou de l'autre, etc.), les couples d'origine suisse dŽcident davantage chacun dans son domaine d'activitŽ (modle d'autonomie), alors que ceux d'origine immigrŽe prennent plus souvent les dŽcisions ensemble, une tendance dŽjˆ observŽe chez leurs parents (modle synarchique)[8]. Les jeunes d'origine immigrŽe reproduisent l'habitus familial (Bolzman, Fibbi, Vial,1997) qui confre ˆ la femme le r™le de partenaire nŽcessaire dans la prise de dŽcision.

Finalement, les relations entre gŽnŽrations sont plus Žtroites dans les familles italiennes ou espagnoles que dans les familles suisses. Lorsque les enfants des premiers quittent le foyer parental, ceux-ci s'installent plus prs du lieu de rŽsidence des parents et les voient plus souvent. Les Žcarts entre les deux groupes tendent cependant ˆ diminuer lorsque les jeunes d'origine suisse se marient; ils se rapprochent alors davantage de leurs parents.

L'Žchange de services entre parents et enfants est plus intense dans les familles espagnoles et italiennes que dans les familles suisses: les parents espagnols/italiens ont en effet davantage besoin de soutien de la part de leurs enfants, pour les dŽmarches administratives par exemple; en outre, les attentes sont plus fortes de part et d'autre. Dans ces familles en effet, la norme prŽdominante est l'entraide, alors que dans les familles suisses, mme si l'entraide est prŽsente, on compte davantage sur l'aide extŽrieure et publique.

Ce caractre soudŽ des familles immigrŽes contraste avec l'image mŽdiatique de familles parcourues de tensions dŽchirantes, en particulier lors de l'adolescence des enfants. Nous observons que, si celles-ci sont bien rŽelles, elles existent dans des proportions similaires dans les familles suisses. De plus, elles semblent s'estomper lorsque les enfants atteignent l'‰ge adulte.

 

Tableau 2: Divers indicateurs des relations intergŽnŽrationnelles selon l'origine nationale et le sexe (en %)

 

Hommes d'origine immigrŽe

Femmes d'origine immigrŽe

Hommes d'origine suisse

Femmes d'origine suisse

P

(Žcarts

ho-fe)

P

(Žcarts

selon lÕorigine)

% de rŽpondants habitant la mme ville que leurs parents

 

73

 

81

 

42

 

47

Esp/It : ns

Suisses : ns

Hommes: .00

Femmes: .00

% voyant leurs parents au moins une fois par semaine

 

63

 

76

 

49

 

58

Esp/It : .03

Suisses : ns

Hommes: .05

Femmes: .00

% envisageant de prendre leurs parents ‰gŽs chez eux

 

54

 

62

 

39

 

47

Esp/It : .00

Suisses : ns

Hommes: .00

Femmes: .08

% voulant "faire plus" pour leurs parents

 

37

 

45

 

31

 

37

Esp/It : ns

Suisses : ns

Hommes: ns

Femmes: ns

% estimant "bonnes" les relations avec leurs parents ˆ l'adolescence

 

 

71

 

 

53

 

 

72

 

 

59

 

Esp/It : .00

Suisses : ns

 

Hommes: ns

Femmes: ns

 

RŽcapitulons. Les modles de famille incarnŽs respectivement par les jeunes couples d'origine italienne/espagnole et par leurs contemporains d'origine suisse ne se conforment pas au schŽma qui irait du traditionalisme des premiers ˆ la modernitŽ des seconds. Les distinctions vont plut™t dans le sens d'une tendance un peu plus poussŽe, parmi les natifs suisses, vers ce que Kellerhals et Coenen-Huther (1990) appellent la Çfamille associativeÈ, caractŽrisŽe par la qute de l'Žpanouissement individuel et l'autonomie, alors que l'on trouve chez les jeunes d'origine immigrŽe un modle qui oscille entre la Çfamille bastionÈ, s'agissant des relations avec les parents et la Çfamille compagnonnageÈ en ce qui concerne les relations au sein du couple; dans ces derniers types de famille en effet, le Çnous-groupeÈ revt une importance plus grande. Quant aux couples mixtes, leur modle familial se rapproche tant™t du p™le ÇsuisseÈ, tant™t du p™le ÇimmigrŽÈ, sans que l'une ou l'autre tendance ne prŽdomine clairement.

Les diffŽrences entre couples des deux origines apparaissent surtout dans les rapports intergŽnŽrationnels. Les parents Žtrangers ont ŽlaborŽ en immigration, une sous-culture spŽcifique qui a marquŽ les relations avec leurs enfants et qui peut se comprendre ˆ partir de deux dimensions: l'une liŽe ˆ la culture populaire urbaine, l'autre ˆ la condition immigrŽe. En effet, la vie des classes populaires est, comme le rappelle Hoggart (1970), une vie dense et concrte, dans laquelle l'accent est mis sur le groupe familial, avec la solidaritŽ domestique ŽrigŽe en valeur centrale. La seconde dimension accentue les caractŽristiques liŽes ˆ la premire: la relation entre parents et enfants se trouve renforcŽe du fait que seule une partie de la famille des immigrŽs vit en Suisse, ce qui conduit Lj se serrer davantage les coudesÈ entre ceux qui sont lˆ.

En effet, on voit Žmerger dans le contexte migratoire un vŽritable habitus familial. En premier lieu, les liens de couple se renforcent, la femme acquŽrant le r™le de partenaire nŽcessaire dans la conception et la rŽalisation du projet migratoire; cet habitus s'Žtend ensuite aux liens intergŽnŽrationnels, soudŽs autour d'un projet de mobilitŽ sociale centrŽ sur la Çdeuxime gŽnŽrationÈ.

En synthse, l'intŽgration structurelle des jeunes issus de la migration sur le plan de la formation et de l'insertion professionnelle ne les amne pas, au niveau culturel, ˆ l'adoption d'un style de relations familiales identique ˆ celui des jeunes d'origine suisse. De plus, leur style particulier de relations intergŽnŽrationelles ne constitue pas un handicap pour eux sur le plan de l'insertion professionnelle. Au contraire, dans le cas des femmes avec des enfants, il permet ˆ celles-ci de maintenir une activitŽ plus continue sur le marchŽ du travail que les femmes d'origine suisse.

5.      Acquisition de la nationalitŽ : les limites de lÕintŽgration structurelle

Comme nous l'avons vu plus haut, les chercheurs nord-amŽricains se sont surtout intŽressŽs ˆ la relation entre insertion socio-Žconomique et assimilation culturelle; un troisime p™le, celui des appartenances institutionnelles fut nŽgligŽ, du fait qu'au Canada comme aux Etats-Unis, l'acquisition de la nationalitŽ de l'Etat de rŽsidence Žtait automatique pour les enfants nŽs sur le territoire du pays. Or, dans les Etats soumis au droit de la nationalitŽ basŽ sur le jus sanguinis, cette relation dŽpend largement des appartenances formelles. Les liens entre ces trois p™les (social, culturel et politique) sont donc particulirement importants dans les Etats, tels la Suisse, o la citoyennetŽ formelle n'est pas automatiquement octroyŽe aux jeunes issus de la migration.

La question des appartenances formelles-politiques a en effet toute sa pertinence si l'on s'intŽresse au passage de la jeunesse ˆ la vie adulte: ce passage se caractŽrise non seulement par l'acquisition de nouveaux statuts et r™les professionnels, familiaux et sociaux; on devient Žgalement citoyen sur le plan politique, c'est-ˆ-dire individu dotŽ de droits et autorisŽ ˆ participer ˆ la construction d'un destin commun. Or, ce passage n'est garanti pour les jeunes issus de la migration que s'ils se naturalisent. Pour ceux restŽs ÇŽtrangersÈ, il n'y a pas d'accs ˆ la majoritŽ politique, tout au moins dans la plupart des cantons suisses.

Ainsi, si pour les jeunes dÕorigine espagnole et italienne lÕentrŽe et lÕinstallation dans la vie adulte prŽsente de nombreuses similitudes avec celle des jeunes dÕorigine suisse sur les plans professionnel, familial et social, la situation est toute autre en ce qui concerne la sphre juridico-politique: mme si 8 jeunes d'origine Žtrangre sur 10 sont nŽs en Suisse et que 9 sur 10 y ont vŽcu presque toute leur vie, la majoritŽ d'entre eux garde toujours le statut dÕŽtranger (57%). Parmi eux, 14% songent ˆ demander bient™t la nationalitŽ helvŽtique, alors que 43% Çn'y songent pasÈ. Enfin, 43% ont obtenu la nationalitŽ suisse, le plus souvent en conservant ou en rŽcupŽrant leur nationalitŽ d'origine.

Les immigrŽs de la premire gŽnŽration ont dans leur grande majoritŽ prŽfŽrŽ garder leur nationalitŽ d'origine, mme sÕ ils remplissaient les conditions pour demander la nationalitŽ suisse; ils ont vŽcu le lien ˆ la nationalitŽ dans un contexte socio-historique de prŽdominance des Etats-Nations, o sÕimposait un choix entre des appartenances exclusives: soit on gardait sa nationalitŽ dÕorigine, soit on devenait Suisse. La question se prŽsente dÕune toute autre manire pour la gŽnŽration suivante, le contexte institutionnel sÕŽtant modifiŽ: la Suisse autorise depuis 1992 la double nationalitŽ, alors que se profile par ailleurs une entitŽ supranationale europŽenne. Ces jeunes disposent donc dÕune marge de manÏuvre bien plus large que celle dont disposaient leurs parents; si une partie d'entre eux a choisi de devenir Suisse, il reste ˆ comprendre dans quel esprit ils ont fait ce choix et pourquoi plus de la moitiŽ hŽsitent encore ˆ le faire ou n'envisagent pas de se naturaliser.

Les jeunes issus de la migration mentionnent explicitement plusieurs facteurs pour expliquer leur non-demande de naturalisation : lourdeur et cožt de la procŽdure, crainte de perdre la nationalitŽ dÕorigine et le passeport europŽen (cas des Espagnols de B‰le), refus de faire le service militaire. Nous retrouvons lˆ la plupart des motifs recensŽs par Centlivres et al. (1991). Mais certains de nos rŽpondants invoquent un argument nouveau, ˆ savoir le sentiment que la nationalitŽ suisse devrait leur tre octroyŽe automatiquement, sans qu'ils aient ˆ la demander; ces jeunes attendent donc que l'on reconnaisse leurs liens permanents avec la sociŽtŽ helvŽtique. Par ailleurs, seuls 2% des candidats ˆ la naturalisation se sont vus refuser celle-ci; il est vrai que B‰le et Genve font partie des cantons les plus ouverts en cette matire.

Quoi qu'il en soit, notre recherche montre combien le processus d'acquisition de la nationalitŽ demeure socialement sŽlectif. Certes, les jeunes de la deuxime gŽnŽration rencontrent moins d'obstacles ˆ la naturalisation que leurs parents, mais cette ouverture formelle n'est pas intŽriorisŽe par tous. Au contraire, tout se passe comme s'ils avaient intŽriorisŽ la nature sŽlective du processus: les jeunes (ou leurs familles) qui demandent la naturalisation ont des caractŽristiques sociales trs diffŽrentes de ceux qui renoncent ˆ le faire. Ainsi, les naturalisŽs sont issus de familles d'un niveau de formation et socioprofessionnel plus ŽlevŽ que la moyenne, et mieux intŽgrŽes ÇverticalementÈ dans la sociŽtŽ suisse[9]; eux-mmes ont par ailleurs connu des parcours scolaires plus qualifiants (Cf. tableau 3). Les ÇŽtrangersÈ sont en revanche issus de familles de condition sociale plus modeste et prŽsentant une moindre intŽgration verticale. Ils ont plus souvent le sentiment de s'tre heurtŽs ˆ divers types de barrires sociales au cours de leur vie en Suisse et la procŽdure de naturalisation reprŽsente un obstacle supplŽmentaire auquel ils ne souhaitent pas tre confrontŽs, par crainte d'un refus.

 

Tableau 3: CaractŽristiques sociales des naturalisŽs et des non-naturalisŽs (en %)

 

NaturalisŽs

 

Non-naturalisŽs

P

 

% ˆ niveau de formation tertiaire

 

42

 

27

 

.00

% occupant un emploi de salariŽ universitaire ou intermŽdiaire (*)

 

50

 

37

 

.02

% ayant un Suisse comme meilleur ami

 

83

 

65

 

.00

 

% ayant un conjoint suisse(**)

 

51

 

32

 

.00

(*) ˆ savoir un emploi de salariŽ de formation universitaire ou de salariŽ dipl™mŽ du degrŽ tertiaire non universitaire et/ou exerant une autoritŽ sur des personnes.

(**) de nationalitŽ suisse, ˆ lÕexclusion des binationaux.

 

La sŽlectivitŽ du processus de naturalisation introduit un clivage important ˆ l'intŽrieur du groupe des jeunes issus de la migration, entre ceux qui disposent des droits politiques et ceux qui continuent ˆ en tre privŽs; ce clivage est sans cesse rŽaffirmŽ dans un pays o l'on vote bien plus frŽquemment qu'ailleurs. Cette mise ˆ l'Žcart gŽnre chez les jeunes non naturalisŽs un sentiment d'exclusion de la participation civique et politique, d'autant plus difficile ˆ accepter qu'ils ont vŽcu toute leur vie ou la majeure partie de celle-ci dans la sociŽtŽ suisse.

La sŽlectivitŽ du processus de naturalisation renforce probablement aussi les diffŽrences qui existent sur le plan socioculturel et identitaire entre les jeunes naturalisŽs et ceux qui ne le sont pas. Ainsi, les non naturalisŽs ont un rŽseau social (amis et partenaire d'origine espagnole ou italienne), des pratiques linguistiques (espagnol et italien utilisŽ avec parents, enfants et amis) plus ÇethniquesÈ et se disent plus souvent appartenir au groupe des Italiens et Espagnols en Suisse. Les naturalisŽs, par contre, ont des comportements sociaux et culturels qui tendent ˆ converger davantage, sur certaines dimensions (nationalitŽ des amis et du conjoint, entrŽe en mariage, pratiques linguistiques) avec ceux des Suisses, mais des pratiques sociales et des valeurs qui les rapprochent de leur communautŽ d'origine (style des relations avec les parents, visites rŽgulires au pays d'origine, opinions sur les droits des Žtrangers); par ailleurs, ils se dŽfinissent majoritairement comme binationaux, affirmant ainsi ˆ la fois leurs origines et leurs liens privilŽgiŽs avec la sociŽtŽ suisse (Bolzman, Fibbi, Vial, 2000a).

RŽsumons. Les jeunes d'origine immigrŽe entrent dans la vie adulte avec un solide bagage de formation qui leur permet d'accŽder ˆ un meilleur statut socioprofessionnel que celui de leurs parents, statut semblable ˆ celui des jeunes d'origine helvŽtique. Sur le plan familial, les similitudes entre les deux populations sont moins nettes et se rŽduisent encore sur le plan de la citoyennetŽ formelle. L'acquisition ou non de la nationalitŽ suisse introduit enfin une scission au sein mme de la Çdeuxime gŽnŽrationÈ: elle contribue ˆ polariser les diffŽrences entre les trajectoires sociales et les identitŽs culturelles des naturalisŽs et des ÇŽtrangersÈ.

Il convient, pour conclure, de mettre nos rŽsultats en parallle avec ceux dÕautres recherches rŽalisŽes en Suisse, en particulier sur le plan de la formation et de lÕinsertion professionnelle, ainsi que de les discuter ˆ la lumire des thŽories de lÕassimilation ŽvoquŽes plus haut.

6.      L'Žtude AIMS et la littŽrature suisse sur la formation et lÕinsertion professionnelle des jeunes issus de l'immigration

Nos rŽsultats peuvent para”tre surprenants. Serions-nous les premiers ˆ faire Žtat de la rŽussite scolaire et professionnelle des enfants d'origine Žtrangre en Suisse?

C'est en fait loin d'tre le cas. Ds 1984, Gurny et al. affirmaient que les performances scolaires des jeunes qui avaient toujours vŽcu avec leurs familles Žtaient sensiblement meilleures que celle des Suisses de mme couche socioprofessionnelle. Fibbi et de Rham (1988) observaient de leur c™tŽ, ˆ la fin des annŽes 80, une forte mobilitŽ scolaire des jeunes par rapport ˆ leurs parents. Par ailleurs, les publications de l'Office fŽdŽral de la statistique ne disent pas autre chose: Haug (1995) observe un accroissement de la durŽe des Žtudes entre la premire et la deuxime gŽnŽration; il constate Žgalement une nette amŽlioration de la situation professionnelle des jeunes Žtrangers nŽs en Suisse. De son cotŽ, Tillmann (1997) montre, au terme de son Žtude sur la mobilitŽ scolaire en Suisse, que les Žtrangers sont plus frŽquemment en mobilitŽ ascendante que les Suisses. Lischer (1997) enfin, observe la proximitŽ croissante entre les parcours scolaires des adolescents suisses et des adolescents italiens et espagnols.

A l'inverse, une Žtude sur les jeunes dÕorigine italienne, suisse et turque, ‰gŽs de 18 ˆ 35 ans et rŽsidant dans le canton de Zurich, menŽe en 1997 par lÕInstitut de Sociologie de lÕUniversitŽ (HŠmmig, 2001) conclut ˆ la permanence des Žcarts entre Suisses et Žtrangers, notamment s'agissant de la formation: lÕabsence de formation post-obligatoire est minime chez les Suisses (1,8%), intermŽdiaire chez les Italiens (7,5%) et ŽlevŽe chez les Turcs (20,2%)[10]. L'absence de contr™le du niveau de formation des parents suisses - ainsi que de certains effets liŽs ˆ la biographie migratoire - pourraient expliquer les Žcarts observŽs entre ces rŽsultats et nos observations.

Les rŽsultats convergents ŽvoquŽs plus haut nous incitent ˆ pousser plus loin l'interrogation: quels sont les facteurs susceptibles de les expliquer? Pourquoi ces constats correspondent-ils si peu ˆ l'image associŽe ˆ la Çdeuxime gŽnŽrationÈ?[11]

Au-delˆ des dŽterminismes sociaux bien connus qui ont un effet majeur sur les parcours scolaires, au-delˆ des politiques scolaires ŽvoquŽes, la littŽrature met en avant deux facteurs dŽcisifs d'explication du succs scolaire de jeunes ÇdestinŽsÈ en principe ˆ l'Žchec: du c™tŽ du jeune, une forte motivation individuelle ˆ la mobilitŽ sociale; du c™tŽ familial, un soutien actif, en particulier l'autorisation de grimper les Žchelons de l'Žcole, de s'affranchir de sa condition subalterne. Nos entretiens qualitatifs abondent en ŽlŽments qui confirment cette thse, par ailleurs largement acceptŽe dans la littŽrature sur les jeunes Žtrangers (ZŽroulou, 1988; Cesari Lusso, 1997; Boyd, Grieco, 1998).

Il convient cependant d'y ajouter un ŽlŽment, ˆ savoir le traitement social dŽvolu aux diverses populations immigrŽes. A ce propos, on constate aujourd'hui de la part des autochtones une meilleure acceptation des immigrŽs, des vagues les plus anciennes en particulier, avec comme corollaire une probable rŽduction des discriminations ˆ leur encontre. Les donnŽes de notre Žtude montrent une diminution sensible des attaques verbales ˆ lÕencontre de nos enqutŽs dÕorigine Žtrangre. De plus, une recherche rŽcente permet de mesurer le formidable changement de perception dont ont bŽnŽficiŽ en Suisse les Italiens - groupe immigrŽ le plus ancien - entre les annŽes 60 et 90: Hoffmann-Nowotny et son Žquipe (Bšsch, Romano, Stolz, 1997) dans une rŽplique de leur Žtude de 1969
sur la xŽnophobie ˆ lÕŽgard des Italiens en ville de Zurich, observent une rŽduction spectaculaire de la distance sociale entre Italiens et Suisses. En tŽmoigne le fait que la proportion de Suisses qui ne se sentiraient pas affectŽs par le fait d'avoir un Italien comme gendre est passŽe de 44% en 1969 ˆ 92% en 1995! Par ailleurs, les Italiens et les Espagnols sont les groupes nationaux qui, en 1995, bŽnŽficiaient du taux de sympathie le plus ŽlevŽ auprs des Suisses.

Quant ˆ la deuxime question posŽe, la faible perception sociale du phŽnomne de la rŽussite scolaire et professionnelle des jeunes issus de la migration nous semble notamment imputable au fait que tant les statistiques que le langage courant scindent la population rŽsidente en Suisses versus Žtrangers, homogŽnŽisant ainsi de part et d'autre des groupes de personnes au statut et au vŽcu fort diffŽrents.

Reste quÕ un paradoxe demeure : celui d'observer chez ces jeunes une rŽussite ˆ peu prs identique ˆ celle des autochtones, ˆ milieux sociaux Žgaux, alors que les adolescents d'origine immigrŽe sont souvent majoritaires dans les classes en difficultŽ. On peut y voir un effet de nombre dans certains quartiers populaires, qui confre une grande visibilitŽ aux immigrŽs et aux Žcoles qu'ils frŽquentent. Mais l'explication est davantage ˆ chercher dans la cŽsure croissante qui appara”t ˆ l'intŽrieur mme du groupe des jeunes issus de la migration, cŽsure qui tranche avec la condition sociale dŽfavorisŽe commune ˆ toute la premire gŽnŽration. Cette bipolaritŽ se reflte dans une proportion significative de jeunes en situation de rŽussite scolaire et professionnelle et, simultanŽment, dans un taux important de jeunes en Žchec.[12]

7.      Situation dans les pays voisins et mise en perspective thŽorique de nos rŽsultats

On peut finalement se poser la question de savoir si la situation que nous avons dŽcrite est particulire ˆ la Suisse ou si des phŽnomnes analogues se produisent ailleurs. En d'autres termes, le rapprochement observŽ entre jeunes issus de l'immigration italienne et espagnole et jeunes Suisses de milieu comparable est-il un phŽnomne spŽcifique ˆ la Suisse, dž par exemple ˆ l'efficacitŽ du systme de formation helvŽtique, ˆ une situation Žconomique favorable, ˆ l'importance numŽrique de la Çdeuxime gŽnŽrationÈ en Suisse - qui rendrait impossible leur marginalisation en bloc -, ou ce fait est-il observŽ dans d'autres pays? Ces constats sont-ils par ailleurs interprŽtables ˆ la lumire des thŽories de l'assimilation?

En Allemagne, les rŽsultats de recherche sur l'outcome des Çdeuxime gŽnŽrationÈ ne sont pas univoques. Si certains auteurs concluent ˆ une absence de discrimination sur le
marchŽ du travail (Baker, Lenhardt, 1988), d'autres tirent de leurs donnŽes des conclusions opposŽes (Seifert, 1992). De leur c™tŽ, dans une Žtude dŽtaillŽe sur les parcours scolaires, Alba et al. (1994) observent, en contr™lant l'origine sociale, une grande diversitŽ de niveaux de rŽussite scolaire selon l'origine des immigrŽs. Ainsi, les jeunes Grecs rŽussissent-ils mieux que les autochtones, alors que les performances scolaires des Italiens et des Turcs sont nettement plus faibles. Certains facteurs culturels, tels l'hŽritage culturel et la persistance de l'orientation vers le pays d'origine paraissent ˆ premire vue expliquer valablement le pitre niveau de rŽussite de certains groupes. Les auteurs mettent cependant en garde contre une interprŽtation h‰tive en ce sens, soulignant que ces facteurs culturels peuvent rŽsulter de l'insŽcuritŽ de la condition immigrŽe et des discriminations subies.

En France, des rŽsultats analogues aux n™tres voient le jour et ce ˆ propos d'un groupe d'immigrŽs fortement stigmatisŽ, celui des AlgŽriens. Tribalat (1995) observe en effet que Çl'Žquivalence des performances (scolaires) des jeunes d'origine algŽrienne de pre ouvrier ˆ celles des jeunes hommes franais de mme catŽgorie sociale pourrait mme s'interprŽter comme une supŽrioritŽ, compte tenu de l'handicap liŽ ˆ l'illettrisme plus grand de leurs parents et notamment de la mreÈ. D'autres auteurs mettent en avant le paradoxe ŽvoquŽ plus haut: Chignier-Riboulon (1999) constate, ˆ propos des Franco-MaghrŽbins, un dŽcalage entre une rŽussite scolaire globale ˆ peu prs identique, ˆ catŽgories socioprofessionnelles Žgales, ˆ celle des ÇFranais de soucheÈ, alors que les adolescents d'origine maghrŽbine sont souvent majoritaires dans les classes en difficultŽ. Par ailleurs, ces jeunes se heurtent, malgrŽ leurs bons rŽsultats scolaires, ˆ des discriminations qui rendent plus difficile leur insertion sur le marchŽ du travail (Lapeyronnie, 1987; Ta•eb, 1998).

Ces quelques rŽfŽrences ˆ la situation dans les pays voisins prŽsentent une situation moins sombre que celle dŽcrite par les Žtudes des annŽes 80, s'agissant tout au moins de la formation. La question de l'insertion professionnelle reste nŽanmoins problŽmatique et varie fortement selon la nationalitŽ d'origine.

Abordons ˆ prŽsent la deuxime question posŽe ci-dessus, ˆ savoir la mise en perspective de nos rŽsultats ˆ la lumire des thŽories dites Çde l'assimilationÈ.

En fait, ce modle contient deux assertions distinctes. Selon la premire, lÕassimilation se dŽroule en straight line, ˆ savoir quÕelle constitue un processus naturel, endogne, en vertu duquel divers groupes ethniques parviennent avec le temps Ð le processus peut sÕŽtendre sur plusieurs gŽnŽrations - ˆ ne plus se diffŽrencier des autochtones quant ˆ leur accs ˆ la structure des opportunitŽs de la sociŽtŽ rŽceptrice. Par ailleurs, dans sa formulation classique, cette thŽorie postule en outre que la rŽussite socio-Žconomique des immigrŽs et de leurs descendants va de pair avec un alignement de ceux-ci sur le modle culturel dominant, faisant ainsi Žcho aux thses fonctionnalistes, qui postulent un lien nŽcessaire entre les diffŽrents sous-systmes sociŽtaux.

Nos rŽsultats sur la formation et lÕinsertion professionnelle rejoignent clairement les thses de la thŽorie de lÕassimilation dans sa version straight line: ils montrent en effet un processus dÕintŽgration ˆ lÕÏuvre sur deux gŽnŽrations, les plus jeunes se trouvant prŽservŽs de la stigmatisation et du traitement diffŽrentiel subi par la premire. Cet Žtat de choses appara”t de manire claire lors du passage des jeunes de la formation ˆ la vie professionnelle. Ils ne rencontrent pas dÕobstacles ou de discriminations particulires, ˆ lÕexception d'un accs limitŽ aux emplois du secteur public.

Par contre, nous nous distanons de la thŽorie classique lorsque celle-ci enferme le processus dÕassimilation dans la seule dynamique interne du groupe, nŽgligeant ainsi lÕimpact des changements historiques affectant lÕensemble de la structure sociale. SÕagissant de notre population-cible en effet, sa rŽussite dans la sociŽtŽ rŽceptrice est Žgalement ˆ mettre en relation avec le fait que les Italiens et Espagnols ne font plus lÕobjet dÕune stigmatisation et dÕun traitement diffŽrentiel dans le contexte suisse. Ces migrations, dont le flux sÕest aujourdÕhui largement tari, ont entre autres bŽnŽficiŽ des consŽquences de lÕarrivŽe de vagues migratoires successives qui, en raison du statut juridique qui leur Žtait imposŽ, se sont insŽrŽes tout en bas de lÕŽchelle sociale, produisant encore une fois une ÇUnterschichtungÈ (Hoffmann-Nowotny, 1973). Il convient donc de souligner lÕimportance des variables contextuelles exognes, nŽgligŽes par la thŽorie classique de lÕassimilation straight line.

Nous nous situons ainsi sur les traces de Portes (1994) et de son Žcole qui montrent la nŽcessitŽ, pour comprendre les diffŽrentes issues des processus dÕinsertion, de tenir compte autant des spŽcificitŽs des migrants que des caractŽristiques des politiques migratoires mises en Ïuvre par le pays dÕarrivŽe. En mettant lÕaccent sur la variŽtŽ des contextes, Portes fournit une clŽ qui permet de mieux comprendre la variablilitŽ des outcomes. Ces variables contextuelles nÕont certes pas ŽtŽ au centre de notre dispositif dÕobservation empirique; nous nous sommes rŽfŽrŽs ˆ ce propos aux rŽsultats dÕune Žtude rŽcente (Hoffmann-Nowotny, 2001), qui fait Žtat dÕune rŽduction importante de la distance sociale entre les autochtones et les immigrŽs de vieille date que nous avons observŽs.

En ce qui concerne le second aspect, ˆ savoir la relation entre insertion socio-Žconomique et identitŽ culturelle, les thŽories de lÕassimilation envisagent le succs Žconomique comme allant de pair avec un alignement nŽcessaire des immigrŽs et de leurs descendants sur le modle culturel dominant. Or nos rŽsultats semblent remettre en question ce parallŽlisme, en tout cas sÕagissant du style des relations familiales et, en partie du moins, des valeurs. Ils tŽmoignent en effet dÕune certaine autonomie de la sphre culturelle, ˆ tout le moins sur le plan privŽ. Ainsi par exemple, des relations familiales non conformes au modle dominant, loin de constituer un frein, peuvent au contraire Ð nos observations en tŽmoignent Ð reprŽsenter un atout dans la poursuite dÕune certaine mobilitŽ professionnelle et sociale.

Enfin, notre Žtude met en Žvidence un aspect nŽgligŽ par cette perspective, ˆ savoir les problmes liŽs aux appartenances formelles. Le modle de lÕassimilation a en effet ŽtŽ ŽlaborŽ dans des contextes, nord-amŽricain ou franais (Beaud, Noriel, 1991), o la prŽdominance du jus soli rend automatique, donc sans implication Žmotionnelle majeure, lÕobtention de la nationalitŽ de lÕEtat de rŽsidence pour les nouvelles gŽnŽrations nŽes sur son territoire. Or, nos rŽsultats soulignent les effets nŽgatifs, sur le processus dÕintŽgration, dÕun mŽcanisme sŽlectif dÕaccs ˆ la naturalisation et plus gŽnŽralement de lÕaccs ˆ la sphre publique; le processus dÕidentification au pays de rŽsidence sÕen trouve ralenti.

Traditionnellement, le problme principal traitŽ par les chercheurs a ŽtŽ celui du passage de lÕŽgalitŽ formelle ˆ lÕŽgalitŽ de fait sur le plan socio-Žconomique; leur interrogation porte sur les obstacles et discriminations qui rendent difficiles aux descendants des migrants lÕaccs ˆ des positions statutaires valorisantes alors quÕils sont en principe des citoyens Žgaux en droit (Lapeyronnie, 1987; Withol de Wenden, 1987). Dans notre Žtude, en revanche, il appara”t que la majoritŽ des jeunes dÕorigine espagnole et italienne se heurtent au problme de lÕaccs aux droits politiques, accs inŽgal qui module leur participation tant ˆ la sphre socio-Žconomique quÕˆ la sphre culturelle. Convaincus que les processus dÕincorporation des immigrŽs ˆ long terme sont historiquement situŽs, nous pensons que leur comprŽhension nŽcessite une analyse approfondie de lÕinteraction entre ces trois sphres dans chaque situation concrte (cf. aussi Rumbaut, 1994; Zhou, 1997).

Au terme de cette Žtude, il appara”t que le mode d'incorporation des jeunes d'origine espagnole/italienne en Suisse se caractŽrise par une intŽgration sociale rŽussie (formation, emploi), une assimilation sŽlective de certains traits de la culture locale (langue, valeurs d'achievement, etc.), et le maintien de certains traits de la culture d'origine (valeurs et pratiques familiales, ethos du travail). A ces dimensions s'ajoute une revendication d'ŽgalitŽ formelle (naturalisation comme acte dž, droit de vote). L'articulation de ces dimensions qui pourrait tre qualifiŽe d'intŽgration dans la diffŽrence, caractŽrise aujourd'hui la participation des jeunes d'origine immigrŽe ˆ la vie sociale helvŽtique.

Bibliographie

Alba, R. D. (1985), Italian Americans: Into the Twilight of Ethnicity, Englewood Cliffs, N.J.: Prentice Hall.

Alba, R. D.; J. Handl et W. MŸller (1994), Ethnische Ungleichheit im Deutschen Bildungssystem, Kšlner Zeitschrift fŸr Soziologie und Sozialpsychologie, 2, 209-237.

Alba, R. et V. Nee (1997), Rethinking Assimilation Theory for a New Era of Immigration, International Migration Review, 314, 826-875.

Baker, D. et G. Lenhardt (1988), AuslŠnderintegration, Schule und Staat, Kšlner Zeitschrift fŸr Soziologie und Sozialpsychologie, 40, 40-61.

Beaud, S. et G. Noriel (1991), Penser l'intŽgration des immigrŽs, in: P. A. Taguieff (Žd.), Face au racisme, Paris, 261-282.

Bolzman, C. (1996), Sociologie de l'exil: une approche dynamique, Zurich: Seismo.

Bolzman, C.; R. Fibbi et M. Vial (1997), Espagnols et Italiens proches de la retraite: structure et fonctionnement du rŽseau familial, in: P. Beday-Hauser et C. Bolzman (Žd.), On est nŽ quelque part mais on peut vivre ailleurs. Familles, migrations, cultures et travail social, Genve: Les Editions IES, 159-184.

Bolzman, C.; J. El-Sonbati, R. Fibbi et M. Vial (1999), Liens intergŽnŽrationnels et formes de solidaritŽ chez les immigrŽs, in: C. Bolzman et J. P. Tabin (Žd.), Populations immigrŽes: Quelle insertion? Quel travail social?, Genve et Lausanne: Les Editions IES & EESP.

Bolzman, C.; R. Fibbi et M. Vial (2000), Adultes issus de la migration: Le processus d'insertion d'une gŽnŽration ˆ l'autre, rapport de recherche du PNR 39, Genve, Institut d'Žtudes sociales.

Bolzman, C.; R. Fibbi et M. Vial (2000a), Le processus d'insertion et l'identitŽ des adultes d'origine espagnole et italienne en Suisse: Une comparaison entre les naturalisŽs et les non-naturalisŽs, in: P. Centlivres et I. Girod (Žd.), Les dŽfis migratoires, Zurich: Seismo, 402-409.

Bourdieu, P. (1980), Questions de sociologie (La jeunesse n'est qu'un mot), Paris: Ed. de Minuit.

Boyd, M. et E. M. Grieco (1998), Triumphant Transitions: Socioeconomic Achievements of the Second Generation in Canada, International Migration Review, 324, 853-876.

Buchmann, M. (1989), The Script of Life in Modern Society: Entry into Adulthood in a Changing World, Chicago: The University of Chicago Press.

Camilleri, C.; J. Kastersztein, E. M. Lipiansky, H. Malewska-Peyre, I. Taboada-LŽonetti et A. Vasquez (1990), StratŽgies identitaires, Paris: PUF.

Centlivres, P.; M. Centlivres-Dumont, N. Maillard et L. Ossipow (1991), Une seconde nature: pluralisme, naturalisation et identitŽ en Suisse romande et au Tessin, Lausanne: Age d'homme.

Cesari Lusso, V. (1997), Quando la sfida viene chiamata integrazione... Percorsi di socializzazione e personalizzazione di giovani, figli di immigrati, Roma: La Nuova Italia Scientifica.

Chignier-Riboulon, F. (1999), L'intŽgration des Franco-MaghrŽbins. L'exemple de l'Est lyonnais, Paris: L'Harmattan.

Eckmann, M.; C. Bolzman et G. de Rham (1994), Jeunes sans qualification. Trajectoires, situations, stratŽgies, Genve: Les Editions IES.

Everaers, P. et F. Huls (1998), Netherlands, in: J. BŸhlmann et al. (Žd.), Monitoring Multicultural Societies, Neuch‰tel: Office fŽdŽral de la statistique.

Faist, T. (1993), From school to work: public policy and underclass formation among young Turks in Germany during the 1980's, International Migration Review, 102, 306-331.

Fibbi, R.; C. Bolzman et M. Vial (1999), Italiennes et Espagnoles en Suisse ˆ l'approche de l'‰ge de la retraite, Revue europŽenne des migrations internationales, 15, 2, 69-93.

Fibbi, R. et G. de Rham (1988), Switzerland: the Position of Second-Generation Immigrants on the Labour Market, in: C. Wilpert (Žd.), Entering the Working World: Following the Descendants of EuropeÕs Immigrant Labour Force, Gower: Aldershot, 24-55.

Galland, O. (1997), L'invention de la jeunesse, Projet, 251, 7-18.

Gans, H. (1992), Second-Generation Decline: Scenarios for the Economic and Ethnic Futures of the Post-1965 American Immigrants, Ethnic and Racial Studies, 15, 173-192.

Gaymu, J. et A. Parant (1996), Les dŽbuts dans la vie active des jeunes immigrŽs ou d'origine Žtrangre, Espace, Populations, SociŽtŽs, 2-3, 439-455.

Gurny, R.; P. CassŽe, H. P. Hauser et A. Meyer (1984), Karrieren und Sackgassen: Wegen ins Berufsleben junger Schweizer und Italiener in der Stadt ZŸrich, Diessenhofen: Ruegger.

HŠmmig, O. (2001), Integration, Anomie und Adaptationsforschung bei der Zweiten Generation, in: H.-J. Hoffmann-Nowotny (Žd.), Das Fremde in der Schweiz, ZŸrich: Seismo.

Haug, W. (1995), La Suisse: terre dÕimmigration, sociŽtŽ multiculturelle, Berne: Office fŽdŽral de la Statistique.

Hoffmann-Nowotny, H.-J. (1973), Soziologie des Fremdarbeiterproblems -- eine theoretische und empirische Analyse am Beispiel der Schweiz, Stuttgart: Enke.

Hoffmann-Nowotny, H.-J; A. Bšsch, G. Romano, J. Stolz (1997), Das "Fremde" in der Schweiz - 1969 und 1995. Eine Replikationsstudie, UniversitŠt ZŸrich: Soziologisches Institut.

Hoffmann-Nowotny, H.-J. (Žd.) (2001), Das Fremde in der Schweiz, ZŸrich: Seismo.

Hoggart, R. (1970), La culture du pauvre, Paris: Ed. de Minuit.

Hutmacher, W. (1981), Migrations, production et reproduction de la sociŽtŽ, in: A. Gretler, R. Gurny, A.-N. Perret-Clermont et E. Poglia (Žd.), Etre migrant, Berne: Peter Lang, 29-72.

Hutmacher, W. (1993), Quand la rŽalitŽ rŽsiste ˆ la lutte contre l'Žchec scolaire, Genve: Service de la Recherche Sociologique.

Jowell, R.; S. Whiterspoon et L. Brook (Žd.) (1989), British Social Attitudes, London: Sage.

Kellerhals, J. et Jo Coenen-Huther (1990), Familles suisses d'aujourd'hui: Žvolution rŽcente et diversitŽ, Cahiers mŽdico-sociaux, 34, 1990.

Kellerhals, J.; J.-F. Perrin, G. Steinauer-Cresson, L. Vonche et G. Wirth (1982), Mariages au quotidien, Lausanne: Favre.

Lapeyronnie, D. (1987), Assimilation, mobilisation et action collective chez les jeunes de la seconde gŽnŽration de l'immigration maghrŽbine, Revue franaise de Sociologie, 28, 287-318.

Lebon, A. (1987), Diminution, fŽminisation et tertiarisation: L'Žvolution rŽcente de l'emploi des jeunes Žtrangers, Migrants Formation, 70.

Lischer, R. (1997), IntŽgration: une histoire d'Žchecs? Les enfants et les adolescents Žtrangers face au systme suisse de formation, Berne: Office fŽdŽral de la statistique.

Mehrlaender, U. (1989), Les jeunes dÕorigine immigrŽe en RŽpublique FŽdŽrale dÕAllemagne, in: B. Lorreyte, Les politiques dÕintŽgration des jeunes issus de lÕimmigration, Paris: CIEMI-LÕHarmattan.

Muus, P. J. (1993), L'emploi et la formation professionnelle des jeunes immigrŽs aux Pays-Bas, en Allemagne Occidentale et en Belgique, in: OCDE, Migrations internationales: le tournant, Paris: OCDE.

OCDE-CERI (1987), Les enfants de migrants ˆ l'Žcole, Paris: OCDE.

Oriol, M. (ss dir. de) (1984), Les variations de l'identitŽ; rapport final de l'ATP CNRS 054, Nice: IDERIC.

Piguet, E. (1999), Quelques Žclairages sur les jeunes issus de l'immigration en Suisse, Migrations SociŽtŽ, 1162, 77-86.

Portes, A. et M. Zhou (1993), The New Second Generation: Segmented Assimilation and its Variants, Annals of the American Academy of Political and Social Sciences, 530, 74-96.

Portes, A. (1994), The New Second Generation, International Migration Review, 28, 108.

Rumbaut, R. C. (1994), The Crucible Within: Ethnic Identity, Self-Esteem and Segmented Assimilation Among Children of Immigrants, International Migration Review, 28, 748-794.

Schultze, G. (Žd.) (1990), Berufliche Qualifizierung und Arbeitsmarktchancen von AuslŠnder: Vergleich der ersten und zweiten Generation, Bonn: Friedrich Ebert Stiftung.

Seifert, W. (1992), Die zweite AuslŠndergeneration in der Bundesrepublik: Langschnittbeobachtungen in der Berufseinstiegsphase, Kšlner Zeitschrift fŸr Soziologie und Sozialpsychologie, 44, 677-696.

Singer-Kerel, J. (1986), La population active Žtrangre au recensement de 1982, Groupe de Recherche et d'Analyse des Migrations Internationales (GRAMI), Document.

Sowell, T. (1981), Ethnic America: A History, New York: Basic Books.

Taboada-Leonetti, I. (1990), StratŽgies identitaires et minoritŽs: le point de vue du sociologue, in: C. Camilleri et al. (Žd.), StratŽgies identitaires, Paris: PUF.

Ta•eb, E. (1998), ImmigrŽs: l'effet gŽnŽrations, Paris: Les Žditions de l'Atelier.

Thave, S. (1998), France, in: J. BŸhlmann et al. (Žd.), Monitoring Multicultural Societies, Neuch‰tel: Office fŽdŽral de la statistique.

Tillmann, R. (1997), La mobilitŽ scolaire en Suisse, Berne: Office fŽdŽral de Statistique.

Tribalat, M. (1995), Faire France: Une enqute sur les immigrŽs et leurs enfants, Paris: La DŽcouverte.

Tribalat, M. (1996), De l'immigration ˆ l'assimilation, Paris: La DŽcouverte/INED.

Withol de Wenden, C. (1987), CitoyennetŽ, nationalitŽ et immigration, Paris: Editions Alcantre.

Wilpert, C. (Žd.) (1988), Entering the Working World: Following the Descendants of EuropeÕs Immigrant Labour Force, Aldershot: Gower.

Zeroulou, Z. (1988), La rŽussite scolaire des enfants d'immigrŽs: L'apport d'une approche en termes de mobilisation, Revue franaise de Sociologie, 29, 447-470.

Zhou, M. (1997), Segmented Assimilation: Issues, Controversies, and Recent Research on the New Second Generation, International Migration Review, 314, 975-1008.

 



[1] Le prŽsent article nÕenvisage que certains aspects de la recherche mentionnŽe; pour une vision de lÕensemble des thmes traitŽs, voir Bolzman, Fibbi, Vial, 2000. Ont Žgalement participŽ ˆ cette recherche Rebekka Ehret, Jasmin El-Sonbati et Elisabeth Esaki.

[2] Pour une synthse de ces questions, voir Piguet (1999).

[3] A savoir, limitŽ au degrŽ secondaire.

[4] Pour plus de dŽtails sur la mŽthodologie, Cf. Bolzman, Fibbi, Vial (2000).

[5] Par ailleurs, seul 1% des jeunes des deux populations touchent une rente d'invaliditŽ ou de l'aide sociale.

[6] Ce taux monte ˆ 50% chez les naturalisŽs.

[7] Ces rŽsultats sont proches de ceux de Tribalat (1996) en France.

[8] Nous empruntons ˆ Kellerhals et al. (1982) cette typologie.

[9] Ainsi, les parents de ces jeunes ont connu une mobilitŽ socioprofessionnelle importante (indŽpendants, contrema”tres, etc.): 56% des jeunes ˆ parents ÇmobilesÈ se sont naturalisŽs, ce qui est le cas de 39% de ceux ˆ parents Çnon-mobilesÈ. Sur le plan de la formation des parents, les Žcarts sont encore plus importants: alors que 58% des jeunes dont les parents ont une formation post-obligatoire sont naturalisŽs, tel est le cas de 29% de ceux dont les parents n'ont pas terminŽ l'Žcole primaire.

[10] Nous nous rŽfŽrons au texte de la confŽrence donnŽe par Oliver HŠmmig ˆ Lucerne en octobre 1999.

[11] On peut se demander quand et comment s'est construite l'image de la Çdeuxime gŽnŽrationÈ en Suisse. On est en effet frappŽ par la relative discrŽtion qui entoure le sujet. Il semble plausible que cette image soit largement tributaire d'Žchos en provenance de France et d'Allemagne, o le dŽbat public s'est cristallisŽ ˆ plusieurs reprises sur ce thme, les mŽdias mettant en avant les fractions les plus stigmatisŽes de cette population.

[12] Cf. par exemple le cas des Turcs dans le Canton de Zurich (HŠmmig 2001) ou celui des Chiliens ˆ Genve (Bolzman, 1996).