Projet pour un avis collectif de la Plateforme EuropŽenne pour les droits des travailleurs migrants sur le livre vert

sur les migrations Žconomiques

 

PREAMBULE

 

Le Ē livre vert sur une approche communautaire de la gestion des migrations Žconomiques Č[1] de la Commission EuropŽenne reconna”t Ē lÕimpact que le dŽclin dŽmographique et le vieillissement de la population ont sur lՎconomie Č et souligne Ē la nŽcessitŽ de revoir les politiques dÕimmigration pour le long terme Č (É). Ē Des flux migratoires plus soutenus pourraient tre de plus en plus nŽcessaires pour couvrir les besoins du marchŽ europŽen du travail et pour assurer la prospŽritŽ europŽenne. (É.) Ceci met en lumire lÕimportance dÕassurer quÕune politique europŽenne en matire de migration Žconomique apporte un statut lŽgal et une panoplie de droits garantis qui puisse soutenir lÕintŽgration de ceux qui ont ŽtŽ admis Č.

Depuis trente ans, lÕadmission au compte-gouttes dans les pays les plus industrialisŽs des travailleurs migrants ne mne quՈ favoriser une immigration Žconomique de travailleurs sans papiers exploitŽs par leurs employeurs. Ces pays le reconnaissent implicitement en rŽgularisant par vagues des sans papiers ou en accordant un statut lŽgal ˆ ceux qui le furent pendant de nombreuses annŽes. Cela nÕest pas favorable ˆ lՎconomie europŽenne constate la Commission. Cela est surtout, ˆ nos yeux, contraire aux droits de lÕhomme garantis par plusieurs Conventions internationales.

Puisque le constat dՎchec semble largement partagŽ, cÕest le moment dÕune remise en cause profonde de la politique europŽenne en matire dÕimmigration. En se concentrant  sur une immigration de travailleurs utiles ˆ lՎconomie europŽenne, le livre vert manque, ˆ nos yeux, cette occasion.

 

La logique sous-tendue par le livre vert nous inquite par les questions essentielles quÕelle soulve tant sur les droits de lÕhomme que sur la politique extŽrieure de lÕEurope :

-       Comment concevoir dÕorganiser lÕaccs au travail de migrants Žconomiques en nŽgligeant lÕabsence de possibilitŽ dÕaccs ˆ un travail dŽcent de la majoritŽ des Žtrangers qui sont dŽjˆ prŽsents sur le territoire: demandeurs dÕasile, membres de la famille dÕun citoyen de lÕUnion europŽenne ou dÕun travailleur migrant, sans papiers contraints ˆ des travaux prŽcaires ?

-       Au nom de quoi lÕUnion europŽenne pourrait-elle sÕarroger le droit de choisir certaines catŽgories de travailleurs bŽnŽfiques ˆ son Žconomie et de les inciter ˆ quitter leur pays dÕorigine ?

-       Que fait-on du libre choix des individus, de tous ceux qui choisissent de vivre en Europe sans possŽder une qualification sŽlectionnŽe par lՎconomie europŽenne ?

-       QuÕadviendra-t-il des travailleurs Ē utiles Č lorsque leur travail deviendra Ē inutile Č ?

-       Comment dÕassurer Ē un statut lŽgal et une panoplie de droits garantis qui puisse soutenir lÕintŽgration de ceux qui ont ŽtŽ admis Č  en les maintenant dans la prŽcaritŽ leur interdisant ainsi un travail stable et le regroupement familial ?

-       Des fichiers informatiques europŽens de candidats ˆ la migration comme EURES dans lesquels les grosses entreprises pourront puiser en fonction de leurs besoins provisoires peuvent-ils substituer une politique europŽenne dÕimmigration ŽlaborŽe dŽmocratiquement ?

-           La politique extŽrieure et la coopŽration de lÕUnion europŽenne ˆ lՎgard dÕun pays peuvent-elles se fonder sur des dŽparts ou des retours de ce pays programmŽs au grŽ des EuropŽens ?

 

Les membres de notre plateforme oeuvrent pour les droits des migrants tels quÕils sont notamment exprimŽs dans la Ē Convention [des Nations unies] pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles Č. Cette Convention confirme, pour tous les travailleurs migrants avec ou sans papiers, les droits de lÕhomme universels. Elle prŽcise des droits complŽmentaires pour tous les travailleurs en situation rŽgulire, indŽpendamment de leur qualification et de lÕanciennetŽ de leur situation. GuidŽs par ces droits de tous les travailleurs migrants, nous affirmons que la politique europŽenne dÕimmigration doit tre fondŽe sur les droits universels de lÕhomme et pas sur des besoins Žconomiques.

 

Pour tre constructif, un dŽbat entre la Commission europŽenne, les Etats membres et la sociŽtŽ civile devrait porter sur lÕensemble de la politique dÕimmigration et dÕasile de lÕUE. Il est pour le moins inquiŽtant de voir se dessiner un projet dit de politique  Ē positive Č en faveur des seuls migrants ˆ vocation Žconomique tandis que les droits Ē communs Č des migrants sont constamment revus ˆ la baisse et les entraves ˆ la libertŽ de circulation rŽgulirement accrues. Tandis que la coopŽration europŽenne avec les pays voisins est systŽmatiquement conditionnŽe par la rŽpression des migrants Š accords de rŽadmission, agents de liaison, contr™le policier des frontires -, pratique officialisŽe par le programme de La Haye[2] dŽcidant de Ē soutenir, en recourant aux fonds communautaires existants, les efforts dŽployŽs par les pays tiers pour amŽliorer leur capacitŽ ˆ gŽrer les migrations et ˆ protŽger les  rŽfugiŽs Č ? Tandis que  rarement nÕa rŽgnŽ une telle cacophonie entre les initiatives des Etats membres, entre la rŽgularisation massive en Espagne contestŽe par lÕAllemagne et les Pays Bas, la nouvelle loi britannique filtrant lÕaccs des migrants qualifiŽs au dŽtriment des autres, les craintes des nouveaux membres de porter une t‰che trop lourde de contr™le aux frontires orientales de lÕEuropeÉ Sans un changement de cap radical, on en viendrait ˆ douter de lÕopportunitŽ de continuer ˆ harmoniser la politique europŽenne dÕimmigration et dÕasileÉ et de dialoguer sur le livre vert.

 

COMMENTAIRES

 

AntŽcŽdents

Ds 1994, le Conseil europŽen avait adoptŽ des rŽsolutions sur lÕimmigration Žconomique instaurant notamment le critre de prŽfŽrence aux communautaires et aux ressortissants de pays tiers rŽsidents de longue durŽe. Pour filtrer sur cette base lÕintroduction de travailleurs venus de pays tiers, il avait mis en place le rŽseau de services europŽens de lÕemploi Š EURES[3].

Depuis le traitŽ dÕAmsterdam, la Commission europŽenne pilote lÕharmonisation des politiques dÕimmigration et dÕasile. En novembre 2000, une communication[4] - citŽe ci-dessous comme COM2000 - jetait les bases dÕune nouvelle politique dÕimmigration Žconomique. En juillet 2001, la Commission prŽsentait au Conseil une proposition de directive relative ˆ lÕimmigration Žconomique[5] - citŽe ci-dessous comme COM2001 - guidŽe par les idŽes de COM2000.

 

Depuis, lÕharmonisation des politiques dÕimmigration et dÕasile de lÕUE a progressŽ notamment par lÕadoption de directives relatives aux migrants Š toutes plus restrictives que ne lՎtaient les propositions initiales. La directive sur lÕimmigration Žconomique nÕest, elle, toujours pas adoptŽe.

Selon le programme de La Haye, le livre vert vise ˆ jeter dÕici la fin de 2005 les bases dÕun Ē programme dÕaction relatif ˆ lÕimmigration lŽgale relatif ˆ lÕimmigration lŽgale, comprenant des mesures dÕadmission qui permettent au marchŽ du travail de rŽagir rapidement ˆ une main dÕĻuvre Žtrangre en constante mutation Č. Il devrait aussi relancer la future directive sur lÕimmigration Žconomique.

 

Sur nos commentaires

Nous commentons les thmes abordŽs dans le livre vert que nous jugeons les plus importants en les replaant dans le cadre de la politique europŽenne sur lÕimmigration, sortant dŽlibŽrŽment de la problŽmatique restreinte au livre vert. Pour plus de clartŽ, ces commentaires sont regroupŽs en trois rubriques pas tout ˆ fait indŽpendantes entre elles : introduction des travailleurs, droits des travailleurs, politique extŽrieure.

 

 

I.  Introduction des travailleurs

 

I.  1. De lÕimmigration zŽro au besoin Žconomique

-       Ds 2000, la commission constatait lՎchec de lÕimmigration zŽro :

Ē LÕimmigration Žconomique a ŽtŽ dŽclarŽe fermŽ dans les annŽes 1970 ; Žtant donnŽ les ressources Žconomiques actuelles de lÕUE, cela ne semble plus adaptŽ. Beaucoup de migrants Žconomiques ont ŽtŽ conduits soit ˆ chercher une admission au titre de lÕasile soit ˆ entrer illŽgalement. Cela ne rŽpond pas correctement au marchŽ du travail et laisse le champ libre ˆ des trafiquants bien organisŽs et ˆ des employeurs sans scrupules (É) Il y a dans lÕUE une immigration illŽgale que Europol estime ˆ 500 000 par an, beaucoup dÕentre eux Žtant employŽs comme travailleurs non dŽclarŽs. Au vu de ces chiffres et des difficultŽs pratiques ˆ faire retourner les personnes vers les pays dÕo ils viennent, plusieurs Etats Membres ont eu recours ˆ des mesures de rŽgularisation ; le nombre de ceux qui ont ŽtŽ ainsi autorisŽs ˆ un sŽjour rŽgulier est estimŽ ˆ 178 millions depuis les annŽes 1970 Č  (COM2000).

-       En 2003, sÕajoutait le vieillissement de la population.

Ē Dans lÕhypothse dÕune immigration modŽrŽe, le vieillissement dŽmographique aura pour consŽquence que la population en ‰ge de travailler dans lÕUE-25 reculera de 303 ˆ 280 millions dÕici ˆ 2030 [tandis que]  le nombre de personnes de plus de 65 ans passera de 71 millions en 2000 ˆ 110 millions en 2030. Č (Communication de la commission[6] Š citŽe ci-dessous comme COM2003).

 

I.  2. Le besoin Žconomique malmenŽ par les prŽfŽrences europŽennes

Selon ce besoin Žconomique nouveau, lÕobjectif proclamŽ est de faciliter lÕintroduction de travailleurs dans lÕUE, notamment en amŽliorant le fonctionnement de EURES. Ē Les politiques dÕintroduction de migrants Žconomiques doivent permettre ˆ lÕUE de rŽpondre rapidement et efficacement aux exigences du marchŽ Žconomique Č (COM 2000).

Le projet de directive sur lÕimmigration Žconomique (COM2001) a lÕavantage de la clartŽ : un seul statut, un Ē permis combinŽ de sŽjour-travail Č ; des conditions de prŽsentation de la demande uniformes ; une liste prŽcise des demandeurs dÕemploi privilŽgiŽs É

Et pourtant, lÕintroduction des travailleurs salariŽs selon les critres de besoin Žconomique ne fonctionne actuellement que de manire marginale dans lÕUE.

 

Ainsi, en France, sur 128 791 ressortissants des pays tiers ayant obtenu en 2003 une nouvelle carte de sŽjour donnant droit au travail seulement 6 500 avaient suivi cette procŽdure. Par ailleurs, les contrats prŽcaires se dŽveloppent de manire inquiŽtante, concernant pour lÕessentiel des travailleurs saisonniers privŽs des droits sociaux attachŽs au sŽjour ; contrats dont le renouvellement est soumis ˆ un dŽpart de quelques mois et aux besoins des employeurs.

Accs ˆ un premier titre de sŽjour de un an au moins, donnant droit au travail, accordŽs en France ˆ des ressortissants de pays tiers en 2003[7] selon les motifs

SalariŽs : 6 500

Travailleurs indŽpendants : 406

Regroupement familial : 26 728

Membres de famille de Franais(e) : 61 489

Autres motifs de vie privŽe et familiale Š dont rŽgularisation aprs 10 ans de prŽsence en France : 18 019

RŽfugiŽs : 11 123

Malades : 3 827

Autres : 659

Total : 128 791

 

Statuts privilŽgiŽs : scientifiques Š 1 162, profession artistique et culturelle Š 375.

En outre, 45 793 Žtudiants ont ŽtŽ admis au sŽjour, ce qui leur donne accs ˆ un travail ˆ mi-temps avec des clauses de Ē besoin Žconomique Č privilŽgiŽes.

 

Il en va de mme dans la plupart des pays europŽens sous des formes diverses : introduction rŽduite de travailleurs compensŽe par des rŽgularisationsÉ A PRECISER sur certains pays ou par EUROSTAT.

 

Ne serait-il pas temps dÕouvrir le filtre Žtroit des prŽfŽrences par lequel passe lÕintroduction en Europe de travailleurs nouveaux ? Ne serait-il pas temps de reconna”tre que lÕimmigration se saurait tre limitŽe ˆ quelques emplois proposŽs sur le marchŽ europŽen ?

 

I.  3. Le besoin Žconomique malmenŽ par les quotas Žconomiques ou sociaux

MalgrŽ le faible score des introductions de travailleurs migrants, on parle sous divers vocables de quotas dÕimmigrŽs.

En 2000, lÕidŽe est ŽvoquŽe, des Ē cibles indicatives Č Žtant prŽfŽrŽes :

Ē Le besoin dÕune approche flexible de besoins Žconomiques fluctuants suggre que des quotas seraient impraticables et quÕun systme dÕ cibles indicative serait prŽfŽrable. Cela serait Žtroitement liŽ au marchŽ du travail mais prendrait aussi en compte des accords Žtablis avec le pays dÕorigine et une gamme de facteurs divers (par exemple lÕacceptation par lÕopinion publique de plus de migrantsÉ Č

Le projet de directive COM2001 (article 26) va plus loin et prŽvoit des quotas dÕimmigrŽs avec de possibles exceptions qualitatives :

Ē  Les Etats membres peuvent dŽcider dÕadopter des dispositions nationales limitant la dŽlivrance de permis au titre [de sŽjour-travail objet principal du texte] ˆ un plafond dŽterminŽ (É) afin de tenir compte de la capacitŽ globale dÕaccueil et dÕintŽgration des ressortissants de pays tiers sur leurs territoires ou dans des rŽgions dŽterminŽes de leurs territoires. Ces dispositions indiquent en dŽtail quels groupes de personnes sont visŽs ou en sont exemptŽs. Č

 

Des quotas, fixŽs chaque annŽe par dŽcret, existent par exemple en Italie depuis la loi Bossi-Fini, É ridiculement basÉ compensŽs par des rŽgularisations. De tels quotas ne sont sans doute mme pas capables de rŽpondre aux besoins Žconomiques.

Mais lÕenjeu est bien plus grave. QuÕil sÕagisse de mŽtiers ou de nationalitŽ, quÕils soient appelŽs Ē quotas Č ou Ē immigration sŽlective Č, les quotas grent les hommes comme des marchandises. La protection contre la discrimination serait-il rŽservŽ aux seuls EuropŽens ?

 

I.  4. Le droit des migrants malmenŽ par le droit des employeurs

DŽbut 2005, lÕEspagne rŽgularise en masse ...  les employeurs illŽgaux. En effet, sauf pour les employŽs de maison ce sont les employeurs qui font les dŽmarches auprs de lÕadministration et prŽsentent le contrat de travail. Ce sont eux qui dŽcideront ˆ la fin du contrat si lÕemploi est encore utile donc si le permis de sŽjour-travail accordŽ doit tre renouvelŽ. Les travailleurs bŽnŽficiaires resteront ainsi dŽpendants de leur bon vouloir.

Le livre vert ouvre pourtant largement la porte ˆ ce type de transfert en envisageant un droit au travail dont lÕemployeur serait titulaire ou co-titulaire.

 

Ce transfert des responsabilitŽs de lÕimmigration de lÕEtat vers lÕemployeur est inquiŽtant, car seul lÕEtat peut garantir ses droits ˆ un travailleur.

 

I.  5. Les EuropŽens chasseurs de cerveaux

Plut™t que des quotas, une porte largement ouverte aux Žlites ?

 ŅIl serait illusoire de croire que lÕon pourra pronostiquer avec prŽcision les futurs besoins du marchŽ de lÕemploi (É). Les migrants les plus susceptibles de faire co•ncider lÕoffre et la demande sont ceux capables de sÕadapter suffisamment pour affronter les nouvelles situations du fait de leurs qualification, de leur expŽrience et de leurs capacitŽs personnelles. Les procŽdures de sŽlection doivent favoriser ces candidats ˆ lÕimmigration et leur offrir des conditions suffisamment attrayantes Č (COM2003).

 

Telle est la ligne directrice de la nouvelle loi sur lÕimmigration britannique qui offre un accueil plus large aux migrants hautement qualifiŽs tout  en le restreignant pour les autres.

 

Le livre vert envisage une Ē carte verte Č sur le modle adoptŽ aux Etats-Unis, dispensant des procŽdures dÕexamen du besoin Žconomique selon divers critres: salaire et/ou qualification ŽlevŽs ; secteurs ou rŽgions privilŽgiŽs par un Etat membre ; quotas de travailleurs liŽs ˆ des engagements internationaux des Etats membres ˆ lՎgard des pays tiers.

 

LÕadoption dÕun systme de mesures particulires aux des migrants Žconomiques Ē choisis Č ne peut quÕaccentuer les dŽrives dÕune politique gŽnŽrale toute focalisŽe sur un objectif de fermeture des frontires et de rejet des Ē autres migrants Č.

 

 

II. Droits des travailleurs migrants

 

II.  1. Le principe de lՎgalitŽ des tres humains malmenŽ par le Ē principe Č europŽen des droits modulŽs en raison de la durŽe de sŽjour

ŅTous les tres humains naissent libres et Žgaux en dignitŽ et en droitsÓ proclame lÕarticle premier de la dŽclaration universelle des Droits de lÕHomme.

La Convention internationale des droits des migrants est, sur ce point, en retrait puisquÕelle accepte une marge dÕinŽgalitŽ entre les droits quÕelle garantit ˆ tous les travailleurs migrants et ceux qui ne concernent que les travailleurs migrants lŽgaux.

 

Mais lÕUnion europŽenne innove en un ŽnoncŽ aussi contradictoire que dangereux.

Ē Le principe sous-jacent de la politique dÕimmigration de lÕUE doit tre, pour diverses raisons, que les personnes admises devraient jouir des mmes droits et responsabilitŽs que les citoyens de lÕUE mais que cela peut tre progressif et liŽ ˆ la durŽe du sŽjour Č. Ce principe Ē a une longue tradition dans les Etats Membres et il y est fait rŽfŽrence dans les conclusions de Tampere Č  (COM2000).

Le livre vert sÕappuie ˆ son tour sur ce Ē principe Č. Ē Les travailleurs migrants doivent avoir un statut juridique sžr Č et Ē devraient bŽnŽficier du mme traitement que les citoyens de lÕUE en particulier quant ˆ certains droits sociaux et Žconomiques fondamentaux avant dÕobtenir le statut de longue durŽe, qui implique un ensemble plus Žtendu de droits, conformŽment au principe de diffŽrentiation des droits en fonction de la durŽe du sŽjour Č.

 

On sՎtonne que, sous le terme de Ē diffŽrentiation Č, il soit envisagŽ de fonder un principe de discrimination, pourtant antinomique des progrs vers lՎgalitŽ des droits proclamŽe par lÕUE depuis une vingtaine dÕannŽes.

 

II.  2. Le principe des droits modulŽs et le travail temporaire

Selon ce Ē principe Č il est partout question de ŅflexibilitŽÓ et de Ē statut lŽgal pour des travailleurs temporaires conduisant Žventuellement ˆ un statut permanent pour ceux qui rŽpondent ˆ certains critres Č  (COM2000).

La proposition de directive sur lÕimmigration Žconomique (COM2001) suit ce Ē principe Č puisque le titre de sŽjour-travail prŽvu ne peut aprs lÕadmission dŽpasser trois ans ; le libre choix de travail et lÕentrŽe dans les catŽgories privilŽgiŽes pour lÕaccs ˆ lÕemploi sÕacquirent au bout de trois ans.

 

Politique dÕimmigration temporaire dont la commission elle-mme reconna”t quÕelle nÕaboutit quՈ maintenir en Europe des travailleurs sans papiers exploitŽs :

Ē Les expŽriences antŽrieures (É) on dŽmontrŽ lÕextrme difficultŽ de maintenir des programmes dÕimmigration temporaire car les personnes dŽcidŽes ˆ rester dans un pays trouvent gŽnŽralement le moyen de le faire Č (COM2003).

 

II.  3. Le principe des droits modulŽs transposŽ dans les directives

Deux directives dŽjˆ adoptŽes appliquent ce ŅprincipeÓ aux immigrŽs.

- Selon la directive relative au droit au regroupement familial[8], le regroupant doit avoir une carte de sŽjour dÕau moins un an et Ē une perspective fondŽe dÕobtenir un droit au sŽjour permanent Č pour se faire rejoindre par son conjoint et ses enfants mineurs. Les obstacles ˆ ce droit sont multiples : pour les enfants de plus de 12 ans, un Ē critre dÕintŽgration Č peut tre demandŽ ; un sŽjour rŽgulier prŽalable du regroupant pendant 2 ans peut tre exigŽ, lÕaccs au travail des membres de la famille peut tre refusŽÉ

- Selon la directive relative au statut des ressortissants de pays tiers rŽsidents de longue durŽe[9], il faudra attendre 5 annŽes en situation rŽgulire et des ressources stables et suffisantes pour obtenir presque les mmes droits que ceux dÕun citoyen de lÕUE Š presque car ils ne pourront ensuite sՎtablir que dans un second pays de lÕUEÉ.

 

Dans lÕoptique dÕune Ē immigration sŽlective Č, le livre vert imagine Ē des mesures incitatives Š par exemple, de meilleures conditions pour le regroupement familial ou pour lÕobtention du statut de longue durŽe Š pour attirer certaines catŽgories de travailleurs ressortissants de pays tiers Č.

Aprs un droit des travailleurs modulables dans le temps, un droit des travailleurs modulable selon la qualification et le statut ?

 

II.  4. LÕintŽgration malmenŽe par la prŽcaritŽ

LÕintŽgration des migrants fait partie des objectifs sans cesse rŽaffirmŽs.

Ē Des politiques dÕintŽgration rŽussies doivent commencer aussi t™t aprs lÕadmission et sÕappuyer fortement sur un partenariat entre les migrants et la sociŽtŽ dÕaccueil Č  (COM2000).

Ē  Les mesures prises doivent tre accompagnŽes par des politiques fortes pour intŽgrer les migrants admis Č É Ē LÕUE doit poursuivre ses efforts pour promouvoir une meilleure intŽgration des immigrants actuels et ˆ venir, tant sur le marchŽ du travail que dans la sociŽtŽ dÕaccueil ÉČ (Livre vert).

 

Une fois encore, lՎcart entre lÕobjectif annoncŽ (intŽgration) et la rŽalitŽ de sa mise en Ļuvre est grand. Comment, en effet, lÕintŽgration des migrants est elle possible avec un statut prŽcaire imposŽ pendant plusieurs annŽes ? Exemples :

- Il semble Ē que lÕemploi est un des principaux moyens dÕintŽgration des immigrants dans la sociŽtŽ Č (COM2003) : Žvidence que lÕon aimerait voir appliquer aux demandeurs dÕasile et ˆ tous ceux qui sont admis au sŽjour sans droit au travail.

 - Ē Le droit au regroupement familial est, en soi, un moyen dÕintŽgration incontournable Č É mais pour obtenir le regroupement familial Ē les Etats membres auront le droit dÕexiger que les ressortissants de pays tiers respectent certaines mesures dÕintŽgration Č (COM 2003) ce qui, dans beaucoup de pays membres, inclut un emploi stable, non prŽcaire.

 

 

III. La politique extŽrieure de lÕUE malmenŽe par sa politique dÕimmigration

 

III.  1. Fuite des cerveaux

Quelques lignes aprs avoir pr™nŽ la chasse des cerveaux (extrait citŽ ci-dessus), COM 2003  nÕhŽsite pas ˆ se contredire : Ē Le recours aux immigrants ne doit pas se faire au dŽtriment des pays en dŽveloppement, notamment en provoquant la fuite des cerveaux Č.

Mme  remord tardif dans le livre vert. Aprs avoir longuement cherchŽ des mesures incitatives pour lÕimmigration de travailleurs hautement qualifiŽs, on envisage de Ē dŽdommager les pays en dŽveloppement pour leur investissement dans un capital humain qui Žmigre vers lÕUE Č ou dÕ Ē encourager la circulation des cerveaux et rŽpondre aux effets nŽgatifs potentiels de la fuite des cerveaux Č par exemple en facilitant la rŽadmission des Ē cerveaux Č par lÕUE aprs un Žventuel retour au pays.

Mais les Ē cerveaux Č que les chasseurs ont rabattus vers des terres o leur niveau de vie est incomparable avec celui de leur pays dÕorigine reviennent bien rarement au bercail ; qui peut les obliger ˆ le faire et de quel droit ? Quel dŽdommagement financier peut-il remplacer lÕincitation au dŽpart des Žlites ?

 

III.  2. Un quota de travailleurs admis contre un quota de cerveaux ou contre le retour de travailleurs devenus inutiles en Europe

Comme nous lÕavons rappelŽ dans le prŽambule, la coopŽration europŽenne avec les pays dÕorigine ou de transit des migrations vers lÕUE est actuellement systŽmatiquement conditionnŽe par la rŽpression contre les migrants.

Dans le livre vert, il est en outre question dÕ Ē obliger les pays dÕorigine et dÕaccueil ˆ veiller au retour des migrants temporaires Č et dÕ Ē accorder ˆ certains pays tiers une prŽfŽrence pour lÕadmission de leurs ressortissants Č. Un nouveau troc !

 

III. 3. Autre trocs suggŽrŽs par le livre vert

En quoi serait-il avantageux Ē pour tous Č de Ē crŽer des centres de formation et de recrutement dans les pays dÕorigine pour les qualifications pour lesquelles il existe un besoin au niveau europŽen ainsi que pour la formation culturelle et linguistique Č ou de Ē crŽer des bases de donnŽes par qualifications/emploi/secteur (portefeuille de compŽtences) des migrants potentiels Č ? CÕest Žconomique et efficace pour les agents recruteurs. Avantageux pour Ē tous Č ?

Le transfert dÕune partie de la rŽmunŽration des travailleurs migrants est une aide ˆ leur pays dÕorigine. CÕest un droit quÕils exercent librement et trs largement. On peut ds lors craindre que la suggestion de Ē faciliter Č ce transfert soit interprŽtŽe par le rendre obligatoire afin de contraindre le travailleur temporaire au retour.

 

 

Conclusion

 

Des Ē prŽfŽrences Č bloquant arbitrairement lÕaccs au travail malgrŽ lÕobjectif affichŽ. Des droits ˆ lÕadmission des migrants modulables selon leur qualification ou selon des quotas fixŽs arbitrairement par les EuropŽens. Des droits du travailleur migrant fluctuant avec le temps, la qualification et le marchŽ du travail europŽen. Une politique dÕimmigration b‰tie sur les besoins ou les choix europŽens au dŽtriment du reste du monde polluant ainsi la politique extŽrieure par des relations de dominants ˆ dominŽs. Tout cela est bien loin de lÕuniversalitŽ des droits de lÕHomme dont lÕUE se veut porteuse.

 

Les questions posŽes par le livre vert laissent prŽvoir un inflŽchissement du projet de directive sur lÕimmigration Žconomique vers les mesures les plus restrictives prises par les divers Etats membres. Souhaitons que le dŽbat ouvert nous donne tort et que la Commission entendra notre appel au respect des droits des universels donc des droits des migrants.

 

 



[1] COM(2004) 811 final, Bruxelles, 11/2/2005.

[2] Programme de La Haye, Conclusions de la PrŽsidence Š Bruxelles, 4/5 novembre 2004, annexe 1.

[3] European Employment Services http://europa.eu.int/eures

[4] Communication de la Commission au Conseil et au Parlement EuropŽen sur une politique commune en matire dÕimmigration - COM(2000) 757 final, 22/11/2000.

[5] Proposition de directive du Conseil relative aux conditions dÕentrŽe et de sŽjour des ressortissants de pays tiers aux fins dÕun emploi salariŽ ou de lÕexercice dÕune activitŽ Žconomique indŽpendante - COM(2001) 386 final, 11/7/2001.

[6] Communication de la Commission au Conseil, au parlement europŽen, au comitŽ Žconomique et social et au comitŽ des rŽgions sur lÕimmigration, lÕintŽgration et lÕemploi Č - COM(2003) 336 final, Bruxelles, 3/6/2OO3.

[7] Haut conseil ˆ lÕintŽgration Š Rapport 2002-2003 de lÕobservatoire des statistiques de lÕimmigration et de lÕintŽgration.

[8] Directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003.

[9] Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003.