Projet
pour un avis collectif de la Plateforme Europenne pour les droits des
travailleurs migrants sur le livre vert
sur les migrations conomiques
PREAMBULE
Le Ē livre vert sur une approche communautaire de la gestion des
migrations conomiques Č[1]
de la Commission Europenne reconnat Ē lÕimpact que le dclin
dmographique et le vieillissement de la population ont sur lÕconomie Č
et souligne Ē la ncessit de revoir les politiques dÕimmigration pour le
long terme Č (É). Ē Des flux migratoires plus soutenus pourraient
tre de plus en plus ncessaires pour couvrir les besoins du march europen du
travail et pour assurer la prosprit europenne. (É.) Ceci met en lumire
lÕimportance dÕassurer quÕune politique europenne en matire de migration
conomique apporte un statut lgal et une panoplie de droits garantis qui
puisse soutenir lÕintgration de ceux qui ont t admis Č.
Depuis trente ans,
lÕadmission au compte-gouttes dans les pays les plus industrialiss des
travailleurs migrants ne mne quÕ favoriser une immigration conomique de
travailleurs sans papiers exploits par leurs employeurs. Ces pays le
reconnaissent implicitement en rgularisant par vagues des sans papiers ou en
accordant un statut lgal ceux qui le furent pendant de nombreuses annes. Cela nÕest pas favorable lÕconomie
europenne constate la Commission. Cela est surtout, nos yeux, contraire aux
droits de lÕhomme garantis par plusieurs Conventions internationales.
Puisque le constat dÕchec semble largement partag, cÕest le moment
dÕune remise en cause profonde de la politique europenne en matire
dÕimmigration. En se concentrant
sur une immigration de travailleurs utiles lÕconomie europenne, le
livre vert manque, nos yeux, cette occasion.
La logique sous-tendue par le livre vert nous inquite par les
questions essentielles quÕelle soulve tant sur les droits de lÕhomme que sur
la politique extrieure de lÕEurope :
-
Comment
concevoir dÕorganiser lÕaccs au travail de migrants conomiques en ngligeant
lÕabsence de possibilit dÕaccs un travail dcent de la majorit des
trangers qui sont dj prsents sur le territoire: demandeurs dÕasile, membres
de la famille dÕun citoyen de lÕUnion europenne ou dÕun travailleur migrant,
sans papiers contraints des travaux prcaires ?
-
Au nom de
quoi lÕUnion europenne pourrait-elle sÕarroger le droit de choisir certaines
catgories de travailleurs bnfiques son conomie et de les inciter
quitter leur pays dÕorigine ?
- Que fait-on du
libre choix des individus, de tous ceux qui choisissent de vivre en Europe sans
possder une qualification slectionne par lÕconomie europenne ?
-
QuÕadviendra-t-il
des travailleurs Ē utiles Č lorsque leur travail deviendra
Ē inutile Č ?
-
Comment
dÕassurer Ē un statut lgal et une panoplie de droits garantis qui puisse
soutenir lÕintgration de ceux qui ont t admis Č en les maintenant
dans la prcarit leur interdisant ainsi un travail stable et le regroupement
familial ?
- Des fichiers
informatiques europens de candidats la migration comme EURES dans lesquels
les grosses entreprises pourront puiser en fonction de leurs besoins
provisoires peuvent-ils substituer une politique europenne dÕimmigration
labore dmocratiquement ?
-
La politique extrieure et la coopration de lÕUnion
europenne lÕgard dÕun pays peuvent-elles se fonder sur des dparts ou des
retours de ce pays programms au gr des Europens ?
Les membres de notre
plateforme oeuvrent pour les droits des migrants tels quÕils sont notamment
exprims dans la Ē Convention [des Nations unies] pour la protection des
droits de tous les travailleurs migrants et de leurs familles Č. Cette
Convention confirme, pour tous les travailleurs migrants avec ou sans papiers,
les droits de lÕhomme universels. Elle prcise des droits complmentaires pour
tous les travailleurs en situation rgulire, indpendamment de leur
qualification et de lÕanciennet de leur situation. Guids par ces droits de
tous les travailleurs migrants, nous affirmons que la politique europenne
dÕimmigration doit tre fonde sur les droits universels de lÕhomme et pas sur
des besoins conomiques.
Pour tre constructif, un dbat entre la Commission europenne, les
Etats membres et la socit civile devrait porter sur lÕensemble de la
politique dÕimmigration et dÕasile de lÕUE. Il est pour le moins
inquitant de voir se dessiner un projet dit de politique
Ē positive Č en faveur des seuls migrants vocation conomique
tandis que les droits Ē communs Č des migrants sont constamment revus
la baisse et les entraves la libert de circulation rgulirement accrues.
Tandis que la coopration europenne avec les pays voisins est systmatiquement
conditionne par la rpression des migrants Š accords de radmission, agents de
liaison, contrle policier des frontires -, pratique officialise par le
programme de La Haye[2] dcidant de
Ē soutenir, en recourant aux fonds communautaires existants, les efforts
dploys par les pays tiers pour amliorer leur capacit grer les migrations
et protger les rfugis Č
? Tandis que rarement nÕa rgn
une telle cacophonie entre les initiatives des Etats membres, entre la
rgularisation massive en Espagne conteste par lÕAllemagne et les Pays Bas, la
nouvelle loi britannique filtrant lÕaccs des migrants qualifis au dtriment
des autres, les craintes des nouveaux membres de porter une tche trop lourde
de contrle aux frontires orientales de lÕEuropeÉ Sans un
changement de cap radical, on en viendrait douter de lÕopportunit de
continuer harmoniser la politique europenne dÕimmigration et dÕasileÉ et de
dialoguer sur le livre vert.
COMMENTAIRES
Antcdents
Ds 1994, le Conseil
europen avait adopt des rsolutions sur lÕimmigration conomique instaurant
notamment le critre de prfrence aux communautaires et aux ressortissants de
pays tiers rsidents de longue dure. Pour filtrer sur cette base
lÕintroduction de travailleurs venus de pays tiers, il avait mis en place le
rseau de services europens de lÕemploi Š EURES[3].
Depuis le trait
dÕAmsterdam, la Commission europenne pilote lÕharmonisation des politiques
dÕimmigration et dÕasile. En novembre 2000, une communication[4] - cite
ci-dessous comme COM2000 - jetait les bases dÕune nouvelle politique
dÕimmigration conomique. En juillet 2001, la Commission prsentait au Conseil
une proposition de directive relative lÕimmigration conomique[5] - cite
ci-dessous comme COM2001 - guide par les ides de COM2000.
Depuis, lÕharmonisation
des politiques dÕimmigration et dÕasile de lÕUE a progress notamment par
lÕadoption de directives relatives aux migrants Š toutes plus restrictives que
ne lÕtaient les propositions initiales. La directive sur lÕimmigration
conomique nÕest, elle, toujours pas adopte.
Selon le programme de La Haye, le livre vert vise jeter dÕici la
fin de 2005 les bases dÕun Ē programme dÕaction relatif lÕimmigration
lgale relatif lÕimmigration lgale, comprenant des mesures dÕadmission qui
permettent au march du travail de ragir rapidement une main dÕĻuvre
trangre en constante mutation Č. Il devrait aussi relancer la future
directive sur lÕimmigration conomique.
Sur nos commentaires
Nous commentons les thmes
abords dans le livre vert que nous jugeons les plus importants en les
replaant dans le cadre de la politique europenne sur lÕimmigration, sortant
dlibrment de la problmatique restreinte au livre vert. Pour plus de clart,
ces commentaires sont regroups en trois rubriques pas tout fait
indpendantes entre elles : introduction des travailleurs, droits des
travailleurs, politique extrieure.
I. Introduction des travailleurs
I. 1. De lÕimmigration zro au besoin
conomique
-
Ds 2000, la
commission constatait lÕchec de lÕimmigration zro :
Ē LÕimmigration
conomique a t dclare ferm dans les annes 1970 ; tant donn les
ressources conomiques actuelles de lÕUE, cela ne semble plus adapt. Beaucoup
de migrants conomiques ont t conduits soit chercher une admission au titre
de lÕasile soit entrer illgalement. Cela ne rpond pas correctement au
march du travail et laisse le champ libre des trafiquants bien organiss et
des employeurs sans scrupules (É) Il y a dans lÕUE une immigration illgale
que Europol estime 500 000 par an, beaucoup dÕentre eux tant employs
comme travailleurs non dclars. Au vu de ces chiffres et des difficults
pratiques faire retourner les personnes vers les pays dÕo ils viennent,
plusieurs Etats Membres ont eu recours des mesures de rgularisation ;
le nombre de ceux qui ont t ainsi autoriss un sjour rgulier est estim
178 millions depuis les annes 1970 Č (COM2000).
-
En 2003,
sÕajoutait le vieillissement de la population.
Ē Dans lÕhypothse dÕune immigration modre, le vieillissement
dmographique aura pour consquence que la population en ge de travailler dans
lÕUE-25 reculera de 303 280 millions dÕici 2030 [tandis que] le nombre de personnes de plus de 65
ans passera de 71 millions en 2000 110 millions en 2030. Č
(Communication de la commission[6]
Š cite ci-dessous comme COM2003).
I. 2. Le
besoin conomique malmen par les prfrences europennes
Selon ce besoin conomique
nouveau, lÕobjectif proclam est de faciliter lÕintroduction de travailleurs
dans lÕUE, notamment en amliorant le fonctionnement de EURES. Ē Les
politiques dÕintroduction de migrants conomiques doivent permettre lÕUE de
rpondre rapidement et efficacement aux exigences du march conomique Č
(COM 2000).
Le projet de directive sur
lÕimmigration conomique (COM2001) a lÕavantage de la clart : un seul
statut, un Ē permis combin de sjour-travail Č ; des conditions
de prsentation de la demande uniformes ; une liste prcise des demandeurs
dÕemploi privilgis É
Et pourtant,
lÕintroduction des travailleurs salaris selon les critres de besoin
conomique ne fonctionne actuellement que de manire marginale dans lÕUE.
Ainsi, en France, sur 128
791 ressortissants des pays tiers ayant obtenu en 2003 une nouvelle carte de
sjour donnant droit au travail seulement 6 500 avaient suivi cette procdure.
Par ailleurs, les contrats prcaires se dveloppent de manire inquitante,
concernant pour lÕessentiel des travailleurs saisonniers privs des droits
sociaux attachs au sjour ; contrats dont le renouvellement est soumis
un dpart de quelques mois et aux besoins des employeurs.
Accs un premier
titre de sjour de un an au moins, donnant droit au travail, accords en France
des ressortissants de pays tiers en 2003[7] selon les
motifs
Salaris : 6 500
Travailleurs
indpendants : 406
Regroupement
familial : 26 728
Membres de famille de
Franais(e) : 61 489
Autres motifs de vie
prive et familiale Š dont rgularisation aprs 10 ans de prsence en
France : 18 019
Rfugis :
11 123
Malades : 3 827
Autres : 659
Total : 128 791
Statuts privilgis :
scientifiques Š 1 162, profession artistique et culturelle Š 375.
En outre, 45 793
tudiants ont t admis au sjour, ce qui leur donne accs un travail
mi-temps avec des clauses de Ē besoin conomique Č privilgies.
Il en va de mme dans la
plupart des pays europens sous des formes diverses : introduction rduite
de travailleurs compense par des rgularisationsÉ A PRECISER sur certains
pays ou par EUROSTAT.
Ne serait-il pas temps
dÕouvrir le filtre troit des prfrences par lequel passe lÕintroduction en
Europe de travailleurs nouveaux ? Ne serait-il pas temps de reconnatre que
lÕimmigration se saurait tre limite quelques emplois proposs sur le march
europen ?
I. 3. Le besoin conomique malmen par les
quotas conomiques ou sociaux
Malgr le faible score des
introductions de travailleurs migrants, on parle sous divers vocables de quotas
dÕimmigrs.
En 2000, lÕide est
voque, des Ē cibles indicatives Č tant prfres :
Ē Le besoin dÕune
approche flexible de besoins conomiques fluctuants suggre que des quotas
seraient impraticables et quÕun systme dÕ cibles indicative serait prfrable.
Cela serait troitement li au march du travail mais prendrait aussi en compte
des accords tablis avec le pays dÕorigine et une gamme de facteurs divers (par
exemple lÕacceptation par lÕopinion publique de plus de migrantsÉ Č
Le projet de directive
COM2001 (article 26) va plus loin et prvoit des quotas dÕimmigrs avec de
possibles exceptions qualitatives :
Ē Les Etats membres
peuvent dcider dÕadopter des dispositions nationales limitant la dlivrance de
permis au titre [de sjour-travail objet principal du texte] un plafond
dtermin (É) afin de tenir compte de la capacit globale dÕaccueil et
dÕintgration des ressortissants de pays tiers sur leurs territoires ou dans
des rgions dtermines de leurs territoires. Ces dispositions indiquent en
dtail quels groupes de personnes sont viss ou en sont exempts. Č
Des quotas, fixs chaque
anne par dcret, existent par exemple en Italie depuis la loi Bossi-Fini, É
ridiculement basÉ compenss par des rgularisations. De tels quotas ne sont
sans doute mme pas capables de rpondre aux besoins conomiques.
Mais lÕenjeu est bien
plus grave. QuÕil sÕagisse de mtiers ou de nationalit, quÕils soient appels
Ē quotas Č ou Ē immigration slective Č, les quotas grent
les hommes comme des marchandises. La protection contre la discrimination serait-il rserv aux seuls
Europens ?
I. 4. Le droit des migrants malmen par le
droit des employeurs
Dbut 2005, lÕEspagne rgularise en masse ... les employeurs illgaux.
En effet, sauf pour les employs de maison ce sont les employeurs qui font les
dmarches auprs de lÕadministration et prsentent le contrat de travail. Ce sont eux qui dcideront la fin du
contrat si lÕemploi est encore utile donc si le permis de sjour-travail
accord doit tre renouvel. Les travailleurs bnficiaires resteront ainsi
dpendants de leur bon vouloir.
Le livre vert ouvre
pourtant largement la porte ce type de transfert en envisageant un droit au
travail dont lÕemployeur serait titulaire ou co-titulaire.
Ce transfert des
responsabilits de lÕimmigration de lÕEtat vers lÕemployeur est inquitant, car
seul lÕEtat peut garantir ses droits un travailleur.
I. 5. Les Europens chasseurs de cerveaux
Plutt que des quotas, une
porte largement ouverte aux lites ?
ŅIl serait illusoire de croire que lÕon pourra pronostiquer
avec prcision les futurs besoins du march de lÕemploi (É). Les migrants les
plus susceptibles de faire concider lÕoffre et la demande sont ceux capables
de sÕadapter suffisamment pour affronter les nouvelles situations du fait de
leurs qualification, de leur exprience et de leurs capacits personnelles. Les
procdures de slection doivent favoriser ces candidats lÕimmigration et leur
offrir des conditions suffisamment attrayantes Č (COM2003).
Telle est la ligne
directrice de la nouvelle loi sur lÕimmigration britannique qui offre un
accueil plus large aux migrants hautement qualifis tout en le restreignant pour les autres.
Le livre vert
envisage une Ē carte verte Č sur le modle adopt aux Etats-Unis,
dispensant des procdures dÕexamen du besoin conomique selon divers critres:
salaire et/ou qualification levs ; secteurs ou rgions privilgis par
un Etat membre ; quotas de travailleurs lis des engagements
internationaux des Etats membres lÕgard des pays tiers.
LÕadoption dÕun systme
de mesures particulires aux des migrants conomiques Ē choisis Č ne
peut quÕaccentuer les drives dÕune politique gnrale toute focalise sur un
objectif de fermeture des frontires et de rejet des Ē autres
migrants Č.
II.
Droits des travailleurs migrants
II. 1. Le principe de lÕgalit des tres
humains malmen par le Ē principe Č europen des droits moduls en
raison de la dure de sjour
ŅTous les tres humains
naissent libres et gaux en dignit et en droitsÓ proclame lÕarticle premier de
la dclaration universelle des Droits de lÕHomme.
La Convention
internationale des droits des migrants est, sur ce point, en retrait
puisquÕelle accepte une marge dÕingalit entre les droits quÕelle garantit
tous les travailleurs migrants et ceux qui ne concernent que les travailleurs
migrants lgaux.
Mais lÕUnion europenne innove en un nonc aussi contradictoire que
dangereux.
Ē Le principe sous-jacent de la politique dÕimmigration de lÕUE
doit tre, pour diverses raisons, que les personnes admises devraient jouir des
mmes droits et responsabilits que les citoyens de lÕUE mais que cela peut
tre progressif et li la dure du sjour Č. Ce principe Ē a une
longue tradition dans les Etats Membres et il y est fait rfrence dans les
conclusions de Tampere Č
(COM2000).
Le livre vert sÕappuie
son tour sur ce Ē principe Č. Ē Les travailleurs migrants
doivent avoir un statut juridique sr Č et Ē devraient bnficier du
mme traitement que les citoyens de lÕUE en particulier quant certains droits
sociaux et conomiques fondamentaux avant dÕobtenir le statut de longue dure,
qui implique un ensemble plus tendu de droits, conformment au principe de
diffrentiation des droits en fonction de la dure du sjour Č.
On sÕtonne que, sous
le terme de Ē diffrentiation Č, il soit envisag de fonder un
principe de discrimination, pourtant antinomique des progrs vers lÕgalit des
droits proclame par lÕUE depuis une vingtaine dÕannes.
II. 2. Le principe des droits moduls et le
travail temporaire
Selon ce
Ē principe Č il est partout question de ŅflexibilitÓ et de
Ē statut lgal pour des travailleurs temporaires conduisant ventuellement
un statut permanent pour ceux qui rpondent certains critres Č (COM2000).
La proposition de
directive sur lÕimmigration conomique (COM2001) suit ce Ē principe Č
puisque le titre de sjour-travail prvu ne peut aprs lÕadmission dpasser
trois ans ; le libre choix de travail et lÕentre dans les catgories
privilgies pour lÕaccs lÕemploi sÕacquirent au bout de trois ans.
Politique dÕimmigration
temporaire dont la commission elle-mme reconnat quÕelle nÕaboutit quÕ
maintenir en Europe des travailleurs sans papiers exploits :
Ē Les expriences
antrieures (É) on dmontr lÕextrme difficult de maintenir des programmes
dÕimmigration temporaire car les personnes dcides rester dans un pays
trouvent gnralement le moyen de le faire Č (COM2003).
II. 3. Le principe des droits moduls
transpos dans les directives
Deux directives dj
adoptes appliquent ce ŅprincipeÓ aux immigrs.
- Selon la directive
relative au droit au regroupement familial[8], le regroupant
doit avoir une carte de sjour dÕau moins un an et Ē une perspective
fonde dÕobtenir un droit au sjour permanent Č pour se faire rejoindre
par son conjoint et ses enfants mineurs. Les obstacles ce droit sont
multiples : pour les enfants de plus de 12 ans, un Ē critre
dÕintgration Č peut tre demand ; un sjour rgulier pralable du
regroupant pendant 2 ans peut tre exig, lÕaccs au travail des membres de la
famille peut tre refusÉ
- Selon la directive
relative au statut des ressortissants de pays tiers rsidents de longue dure[9], il faudra
attendre 5 annes en situation rgulire et des ressources stables et
suffisantes pour obtenir presque les mmes droits que ceux dÕun citoyen de lÕUE
Š presque car ils ne pourront ensuite sÕtablir que dans un second pays de
lÕUEÉ.
Dans lÕoptique dÕune
Ē immigration slective Č, le livre vert imagine Ē des mesures
incitatives Š par exemple, de meilleures conditions pour le regroupement
familial ou pour lÕobtention du statut de longue dure Š pour attirer certaines
catgories de travailleurs ressortissants de pays tiers Č.
Aprs un droit des
travailleurs modulables dans le temps, un droit des travailleurs modulable
selon la qualification et le statut ?
II. 4.
LÕintgration malmene par la prcarit
LÕintgration des migrants
fait partie des objectifs sans cesse raffirms.
Ē Des politiques
dÕintgration russies doivent commencer aussi tt aprs lÕadmission et
sÕappuyer fortement sur un partenariat entre les migrants et la socit
dÕaccueil Č (COM2000).
Ē Les mesures prises
doivent tre accompagnes par des politiques fortes pour intgrer les migrants
admis Č É Ē LÕUE doit poursuivre ses efforts pour promouvoir une
meilleure intgration des immigrants actuels et venir, tant sur le march du
travail que dans la socit dÕaccueil ÉČ (Livre vert).
Une fois encore, lÕcart
entre lÕobjectif annonc (intgration) et la ralit de sa mise en Ļuvre est
grand. Comment, en effet, lÕintgration des migrants est elle possible avec un
statut prcaire impos pendant plusieurs annes ? Exemples :
- Il semble Ē que
lÕemploi est un des principaux moyens dÕintgration des immigrants dans la
socit Č (COM2003) : vidence que lÕon aimerait voir appliquer aux
demandeurs dÕasile et tous ceux qui sont admis au sjour sans droit au
travail.
- Ē Le droit au regroupement familial est, en soi, un
moyen dÕintgration incontournable Č É mais pour obtenir le regroupement
familial Ē les Etats membres auront le droit dÕexiger que les
ressortissants de pays tiers respectent certaines mesures dÕintgration Č
(COM 2003) ce qui, dans beaucoup de pays membres, inclut un emploi stable, non
prcaire.
III. La politique extrieure
de lÕUE malmene par sa politique dÕimmigration
III. 1. Fuite des
cerveaux
Quelques lignes aprs avoir prn la chasse des cerveaux (extrait
cit ci-dessus), COM 2003 nÕhsite
pas se contredire : Ē Le recours aux immigrants ne doit pas se
faire au dtriment des pays en dveloppement, notamment en provoquant la fuite
des cerveaux Č.
Mme remord tardif
dans le livre vert. Aprs avoir longuement cherch des mesures incitatives pour
lÕimmigration de travailleurs hautement qualifis, on envisage de
Ē ddommager les pays en dveloppement pour leur investissement dans un
capital humain qui migre vers lÕUE Č ou dÕ Ē encourager la
circulation des cerveaux et rpondre aux effets ngatifs potentiels de la fuite
des cerveaux Č par exemple en facilitant la radmission des
Ē cerveaux Č par lÕUE aprs un ventuel retour au pays.
Mais les
Ē cerveaux Č que les chasseurs ont rabattus vers des terres o leur
niveau de vie est incomparable avec celui de leur pays dÕorigine reviennent bien
rarement au bercail ; qui peut les obliger le faire et de quel
droit ? Quel ddommagement financier peut-il remplacer lÕincitation au
dpart des lites ?
III. 2. Un quota
de travailleurs admis contre un quota de cerveaux ou contre le retour de travailleurs
devenus inutiles en Europe
Comme nous lÕavons rappel
dans le prambule, la coopration europenne avec les pays dÕorigine ou de
transit des migrations vers lÕUE est actuellement systmatiquement conditionne
par la rpression contre les migrants.
Dans le livre vert, il est
en outre question dÕ Ē obliger les pays dÕorigine et dÕaccueil
veiller au retour des migrants temporaires Č et dÕ Ē accorder
certains pays tiers une prfrence pour lÕadmission de leurs ressortissants Č.
Un nouveau troc !
III. 3. Autre trocs suggrs par le livre vert
En quoi serait-il
avantageux Ē pour tous Č de Ē crer des centres de formation et
de recrutement dans les pays dÕorigine pour les qualifications pour lesquelles
il existe un besoin au niveau europen ainsi que pour la formation culturelle
et linguistique Č ou de Ē crer des bases de donnes par
qualifications/emploi/secteur (portefeuille de comptences) des migrants
potentiels Č ? CÕest conomique et efficace pour les agents
recruteurs. Avantageux pour Ē tous Č ?
Le transfert dÕune partie
de la rmunration des travailleurs migrants est une aide leur pays
dÕorigine. CÕest un droit quÕils exercent librement et trs largement. On peut
ds lors craindre que la suggestion de Ē faciliter Č ce transfert soit
interprte par le rendre obligatoire afin de contraindre le travailleur
temporaire au retour.
Conclusion
Des
Ē prfrences Č bloquant arbitrairement lÕaccs au travail malgr
lÕobjectif affich. Des droits lÕadmission des migrants modulables selon leur
qualification ou selon des quotas fixs arbitrairement par les Europens. Des
droits du travailleur migrant fluctuant avec le temps, la qualification et le
march du travail europen. Une politique dÕimmigration btie sur les besoins
ou les choix europens au dtriment du reste du monde polluant ainsi la
politique extrieure par des relations de dominants domins. Tout cela est
bien loin de lÕuniversalit des droits de lÕHomme dont lÕUE se veut porteuse.
Les questions poses par
le livre vert laissent prvoir un inflchissement du projet de directive sur
lÕimmigration conomique vers les mesures les plus restrictives prises par les
divers Etats membres. Souhaitons que le dbat ouvert nous donne tort et que la
Commission entendra notre appel au respect des droits des universels donc des
droits des migrants.
[1] COM(2004) 811 final, Bruxelles, 11/2/2005.
[2] Programme de La Haye, Conclusions de la Prsidence Š Bruxelles, 4/5 novembre 2004, annexe 1.
[3] European Employment Services http://europa.eu.int/eures
[4] Communication de la Commission au Conseil et au Parlement Europen sur une politique commune en matire dÕimmigration - COM(2000) 757 final, 22/11/2000.
[5] Proposition de directive du Conseil relative aux conditions dÕentre et de sjour des ressortissants de pays tiers aux fins dÕun emploi salari ou de lÕexercice dÕune activit conomique indpendante - COM(2001) 386 final, 11/7/2001.
[6] Communication de la Commission au Conseil, au parlement europen, au comit conomique et social et au comit des rgions sur lÕimmigration, lÕintgration et lÕemploi Č - COM(2003) 336 final, Bruxelles, 3/6/2OO3.
[7] Haut conseil lÕintgration Š Rapport 2002-2003 de lÕobservatoire des statistiques de lÕimmigration et de lÕintgration.
[8] Directive 2003/86/CE du Conseil du 22 septembre 2003.
[9] Directive 2003/109/CE du Conseil du 25 novembre 2003.