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Vice-Président Franco FRATTINI
Commissaire européen responsable de la Justice, Liberté et Sécurité
Immigration illégale:mesures récentes et futures
Audition au Sénat Français
Paris, 7 mars 2006

 
Reference:  SPEECH/06/146    Date:  07/03/2006
 
 
HTML: FR
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DOC:  FR
 

SPEECH/06/146












Vice-Président Franco FRATTINI

Commissaire européen responsable de la Justice, Liberté et Sécurité




Immigration illégale:mesures récentes et futures





















Audition au Sénat Français
Paris, 7 mars 2006

C'est pour moi un privilège de m'adresser à cette prestigieuse assemblée et de débattre avec vous de la question de l'immigration illégale et de la réadmission. Je tiens à remercier en particulier le Président du Sénat français, Monsieur Poncelet, de m'avoir invité à cette audition.

Il y a sept ans, après l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam en mai 1999 et le sommet de Tampere en octobre 1999, peu de gens auraient prédit le niveau de progrès que nous avons atteint. La justice et les affaires intérieures sont désormais résolument au cœur du débat européen et bien présentes dans nos relations avec les pays tiers. Ce domaine d'intervention témoigne d'un indéniable dynamisme.

Le début de l'année 2005 a été marqué par le lancement de la «seconde phase»: le programme de Tampere 1999-2004 étant achevé, le «Programme de La Haye» adopté par le Conseil européen en novembre 2004 a défini de nouvelles orientations pour les cinq années suivantes.

L'Union européenne a accordé une priorité élevée à la lutte contre l’immigration illégale. Des progrès considérables ont été accomplis en termes d’instruments législatifs, de plans d’action, de programmes financiers et de mesures opérationnelles en vue de renforcer la coopération et la coordination entre les États membres et avec les pays tiers.

Les parlements nationaux ont, à mon avis, un rôle déterminant à jouer dans la construction de l'Europe, tant par l'élaboration des politiques de l'UE que par leur mise en œuvre. Le rapport publié par votre illustre assemblée en juin dernier, intitulé «Vers une politique européenne d'immigration», en est un excellent exemple. Je puis vous assurer que ce document a retenu toute notre attention et que nous tiendrons dûment compte de vos propositions.

Immigration illégale: mesures récentes

Comme vous le savez, l'immigration illégale est un phénomène multiforme. La Commission adopte donc dans ses mesures de lutte contre ce phénomène une approche globale qui couvre à la fois les frontières extérieures, la politique des visas, la politique en matière de retour, la coopération avec les pays tiers, la lutte contre la traite des êtres humains et des initiatives de soutien telles que les échanges d'information entre les États membres. Je voudrais évoquer à présent des évolutions récemment intervenues dans certains de ces domaines.

Frontières extérieures

Le renforcement des contrôles aux frontières extérieures est un volet essentiel de cette lutte contre l’immigration illégale dans l’espace européen où les contrôles aux frontières intérieures ont été supprimés. Dans ce cadre, il est indispensable que chaque État membre chargé d’effectuer les contrôles aux frontières extérieures pour le compte de ses partenaires, le fasse avec la compétence nécessaire et avec les moyens adéquats. La récente adoption du Code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes va justement dans ce sens sur le plan législatif.

Les nouvelles technologies, et notamment la biométrie, offrent également des possibilités, comme en atteste l'évolution actuelle de l'intégration d'éléments biométriques dans les documents de voyage.

D’un autre côté, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne (FRONTEX), en fonctionnement à partir du 1er novembre 2005, permet d’optimiser la coordination entre les autorités nationales compétentes tout en favorisant la mutualisation des moyens.

Politique en matière de retour

En ce qui concerne le volet juridique de la politique communautaire de retour, la Commission a présenté une proposition de directive en septembre dernier, comme le prévoyait le programme de La Haye. Cette proposition définit des règles communes claires et transparentes en matière de retour, d’éloignement, de recours à des mesures coercitives, de garde temporaire et de réadmission qui tiennent pleinement compte du principe de proportionnalité et du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales des intéressés. Elle vise à mettre en place un ensemble de règles horizontales, applicables à tout ressortissant d'un pays tiers en séjour irrégulier.

Le retour est un domaine dans lequel un renforcement de la coopération opérationnelle entre les États membres augmentera sensiblement l'efficacité. Deux instruments récents devraient y contribuer également. Il s'agit, d'une part, d'une décision relative aux vols communs pour l'éloignement, qui requiert que les États membres procèdent à un échange d'informations en temps utile pour l'organisation des vols de retour et, d'autre part, des actions préparatoires que la Commission a lancées pour 2005 et 2006, en guise de préalable à la création du fonds pour le retour. Je sais que la France collabore à l'élaboration d'une proposition relative à l'organisation de vols communs pour le retour.

Échanges d'information entre les États membres

Les modalités de mise en œuvre du réseau d'information et de coordination sécurisé connecté au web pour les services des États membres chargés de la gestion des flux migratoires (appelé ICONet) ont été récemment adoptées. Toutes les conditions sont donc désormais réunies pour que les États membres puissent exploiter tout le potentiel de cet outil informatique moderne aux fins de l'échange d'informations sur les mouvements migratoires clandestins. ICONet peut aussi contribuer à une coopération renforcée entre les États membres dans le cadre d'opérations de retour conjointes.

Les officiers de liaison «immigration» détachés par les États membres dans des pays tiers fournissent des informations d'importance capitale en provenance des pays d'origine en matière d'immigration illégale. L'année dernière, un règlement du Conseil a établi un réseau d'officiers de liaison et une décision a uniformisé le modèle de rapport.

Coopération avec les pays tiers

Les événements tragiques survenus à Ceuta et Melilla ont prouvé que la pression migratoire qui s'exerce sur l'UE s'accentue. Si la situation est relativement calme en ce moment, l'UE doit toutefois se préparer à gérer de pareils incidents inopinés le long de ses frontières extérieures. Il s'agit là d'un problème véritablement européen qui appelle une réponse européenne.

Les conclusions récentes du Conseil européen concernant les «Priorités d'action centrées sur l'Afrique et la Méditerranée» sont une indication très forte de la nécessité d'intensifier nos efforts en vue de mieux maîtriser l'immigration clandestine transitant par la Méditerranée.

Le Conseil européen a défini trois grands ensembles de priorités: le renforcement de la coopération opérationnelle entre les États membres, l'intensification du dialogue et de la coopération avec l'Afrique et la coopération avec les pays voisins, notamment les pays nord-africains riverains de la Méditerranée.

Soulignons que le Conseil européen a décidé de traduire en termes financiers cette priorité accrue accordée aux flux migratoires. Outre les ressources existantes, une part des instruments financiers de l'UE affectés aux relations extérieures sera consacrée aux questions liées au phénomène migratoire.

La Commission, l'Agence FRONTEX et les États membres sont à présent amenés à donner suite à ces impulsions politiques. J'attache une grande importance à la rapidité et à l'efficacité du processus de mise en œuvre. Je sais que l'exécution de ce programme demande des efforts considérables, mais il s'agit là d'un investissement important qui sera rentable. La Commission fera rapport sur les progrès accomplis à la fin de 2006.

Solidarité financière

La solidarité entre États membres est la clé de la solution des problèmes d'immigration clandestine que rencontre chacun d'eux. L'élaboration en temps opportun, suite à la proposition présentée par la Commission en avril de l'année dernière, d'un programme-cadre en matière de solidarité et de gestion des flux migratoires pour 2007 2013, est d'une importance capitale.

Immigration illégale: mesures à venir

Comme vous le savez peut-être, j'ai présenté le 23 décembre 2005 un programme d'action relatif à l'immigration légale, qui expose une série d'initiatives que la Commission entend prendre dans les quelques prochaines années, essentiellement dans le domaine des migrations économiques. Ce programme reconnaît que l'admission de migrants économiques est indissociable d'autres mesures de lutte contre l'immigration clandestine, afin de garantir l'intégrité et la crédibilité de la politique menée en la matière.

C'est pourquoi - et je passe à présent aux mesures à venir - je présenterai en mai de cette année une communication sur les priorités futures dans le domaine de l'immigration clandestine, qui sera précédée d'une conférence en avril. Cette communication donnera un nouvel élan et de nouvelles priorités aux futures actions communautaires dans ce domaine. Elle sera accompagnée du deuxième rapport d'activité annuel qui décrit les avancées réalisées en 2005 dans la lutte contre l'immigration clandestine.

Je sais que cette question est l'objet d'une grande attention en France également. En fait, nous examinons attentivement les mesures qui y sont prises, comme annoncé dans le programme de lutte contre l'immigration clandestine de mai dernier.

À l'échelle de l'Union, et plus généralement, je suis convaincu que les fondements juridiques nécessaires à une lutte efficace contre l'immigration clandestine ont été mis en place dans une large mesure ces dernières années.

l reste cependant à renforcer la coopération opérationnelle entre États membres, par exemple en matière de contrôle des frontières extérieures ou de politique de retour. Cette coopération pourrait notamment prendre la forme d'opérations conjointes et d'une formation commune, sur la base de normes communes.

En ce qui concerne la coopération en matière de contrôle des frontières, je proposerai la création d'équipes d'experts nationaux provenant de certains États membres et chargés d'apporter une assistance à d'autres États membres dans ce domaine, dans le cadre de l'Agence FRONTEX. Cet instrument permettra la constitution d'équipes de réaction rapide qui prêteront leur concours aux États membres confrontés à des pressions migratoires ou à des afflux de migrants exceptionnels.

Quant à la coopération en matière de retour, plusieurs questions doivent être abordées. Par exemple, les documents que les ressortissants de pays tiers doivent produire au retour restent un problème capital, car le document de voyage de l'UE n'est toujours pas accepté par de nombreux pays tiers. Les États membres organisent encore trop peu de vols de retour communs. Les normes de formation des agents chargés des retours sont très variables.

Ainsi que je l'ai déjà dit, je suis avec intérêt les orientations politiques adoptées en France pour combattre l'immigration clandestine, et notamment le travail au noir. Je suis persuadé que ces deux phénomènes sont liés. Le travail non déclaré constitue un facteur d'attraction pour les immigrants clandestins dont il peut aussi favoriser l'exploitation. L'engagement de la responsabilité des employeurs de migrants clandestins est une voie qu'il convient à mon avis d'explorer davantage.

Accords de réadmission communautaires

La conclusion d'accords de réadmission communautaires avec des pays tiers est un élément indispensable de notre stratégie de lutte contre l'immigration illégale. Il s'agit d'accords qui imposent des obligations mutuelles à la Communauté et à un pays tiers et qui définissent en détail les procédures administratives et opérationnelles destinées à faciliter le retour et le transit des personnes en séjour irrégulier.

En facilitant le retour rapide des immigrés clandestins, les accords de réadmission contribuent non seulement à la stabilisation et à la maîtrise des mouvements migratoires et à la réduction des entrées dans l'UE, mais ils permettent aussi de contrecarrer les activités des réseaux internationaux de passeurs qui sont en grande partie à l'origine de l'immigration clandestine en Europe.

Les accords de réadmission sont toutefois des instruments relativement nouveaux pour l'Union car les pouvoirs dans ce domaine d'action ne lui ont été conférés qu'à l'occasion de l'entrée en vigueur du traité d'Amsterdam en mai 1999. Grâce à ces nouveaux pouvoirs, le Conseil a jusqu'ici accordé à la Commission des mandats pour la négociation d'accords avec onze pays. Pour sélectionner ceux-ci, le Conseil a tenu compte d'un certain nombre de critères, dont les plus importants étaient la pression migratoire exercée par le pays tiers et sa position géographique par rapport à l'UE. Un autre critère déterminant était la valeur ajoutée qu'un accord communautaire pouvait représenter par rapport aux accords bilatéraux existants conclus par les États membres.

La négociation d'accords de réadmission n'a pas été chose aisée. Si nous avons désormais bouclé les pourparlers avec cinq pays, dont la Russie, les négociations n'ont pas atteint le même degré d'avancement dans tous les cas. La principale raison de leur lenteur est que, bien que ces accords soient en théorie réciproques, il est clair qu'en pratique ils servent essentiellement les intérêts de la Communauté. Tel est notamment le cas des dispositions relatives à la réadmission de ressortissants de pays tiers et d'apatrides – condition sine qua non de tous nos accords de réadmission, mais qui est très difficile à accepter pour les pays tiers.

La bonne fin des négociations dépend donc beaucoup des «leviers», ou devrais-je dire des «carottes», dont la Commission dispose, c'est-à-dire d'incitations suffisamment puissantes pour obtenir la coopération du pays tiers concerné.

À cet égard, nous inscrivons de plus en plus l'accord de réadmission dans un cadre de coopération plus large: l'accord devient un élément du «paquet» qui peut comprendre une assistance technique et financière spécifique, un partage des charges, une coopération plus étroite dans des domaines voisins tels que la coopération entre services répressifs et, au cas par cas, un assouplissement des modalités d'octroi des visas.

Ce dernier élément s'est révélé particulièrement attrayant pour les pays partenaires. L'accord de réadmission avec la Russie a été négocié et conclu parallèlement à un accord de simplification de la délivrance des visas. Nous avons adopté une stratégie semblable à l'égard de l'Ukraine, avec laquelle nous espérons clôturer les négociations dans les semaines à venir.

Globalement, j'estime que notre politique commune de réadmission se construit lentement mais sûrement. Au début, l'apprentissage a été difficile pour la Commission également, mais le rythme s'accélère à présent. Si la priorité doit continuer d'être l'exécution des mandats existants, je plaide en faveur de l'octroi de nouveaux mandats de négociation par le Conseil à la Commission au cours de cette année. À mon sens, ces nouveaux mandats devraient tout d'abord concerner les pays partenaires de la politique européenne de voisinage, et plus particulièrement les pays des Balkans occidentaux.

Je pense pouvoir dire que nous avons accompli beaucoup de choses en relativement peu de temps. Mais un ambitieux programme nous attend encore. Je suis persuadé que grâce aux efforts conjugués de la Commission, des États membres et du Parlement européen, nous serons en mesure de le réaliser.

Je me réjouis d'engager à présent un débat fructueux avec vous. Je vous remercie de votre attention.